comment la surpeche menace la morue

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 25 Jan 2006, 08:07

a écrit :

[center]Les morues de moins en moins fécondes[/center]

Charles Côté La Presse
Montréal


Des scientifiques américains ont peut-être percé le mal mystérieux qui empêche la morue de se rétablir de la surpêche en dépit d'un moratoire qui dure depuis maintenant 13 ans, au grand désespoir des pêcheurs.

La mauvaise nouvelle, c'est que ce mal pourrait persister : il est inscrit dans les gènes des poissons.

Dans une expérience menée sur la capucette, un petit poisson de l'Atlantique Nord, David Conover et ses collègues du centre de recherches marines de Stony Brook, dans l'État de New York, ont montré qu'en pêchant les plus gros poissons, l'espèce se transformait génétiquement de plusieurs manières, néfastes pour son rétablissement.

Les chercheurs ont prélevé systématiquement dans leurs bassins les plus grands spécimens de capucettes, un peu comme on le fait dans la pêche commerciale. Dans un bassin de contrôle, ils ont prélevé les poissons au hasard, sans égard à leur taille.

Résultat : en seulement cinq générations, le groupe privé de ses plus grands poissons a réagi génétiquement en produisant des spécimens plus petits, qui produisent moins d'oeufs, dont les alevins survivent moins longtemps et qui grandissent moins vite.

Les marges sont importantes : la fécondité de la cinquième génération du groupe expérimental était 60 % plus basse que celle du groupe de contrôle. Et une différence de 61 % a été observée entre le taux de survie des alevins des deux groupes.

Tous ces nouveaux traits sont inscrits dans les gènes des poissons survivants. Pour l'instant, on ne sait s'ils s'effaceront. L'expérience se poursuit à Stony Brook pour tenter de le savoir.

Mais, selon M. Conover, les observations les plus récentes sur la morue indiquent que cette espèce cruciale pour la pêche commerciale réagit d'une façon similaire à la capucette. «Plusieurs recherches montrent que la morue a subi des changements dans ses taux de croissance et de sa taille à maturité, dit-il. Les femelles fraient à un plus jeune âge et dans bien d'autres espèces, cela signifie des oeufs de moins bonne qualité et des alevins plus faibles. Alors la capacité de rétablissement de la population est affectée.»

Matthew Walsh est l'auteur principal de l'article présentant ces résultats, publié dans le numéro de février de la revue Ecology Letters. Il explique que la capucette (Nom scientifique : Menidia menidia ou Atlantic silverside en anglais) a été choisie parce qu'elle est plus facile à observer en laboratoire, entre autres parce que son cycle de vie est d'environ un an. Mais elle partage de nombreux traits avec d'autres espèces marines.
Selon M. Walsh, la pression exercée sur la morue par la pêche commerciale ressemble à celle appliquée en laboratoire sur la capucette. «La morue prend quelques années pour arriver à maturité, alors les changements prennent plus de temps, dit-il. Mais elle est exploitée intensivement depuis 200 ans, alors ils ont eu amplement de temps de se produire.»

Selon M. Conover, il faut complètement revoir la gestion des pêches. «Le fait que les populations de morue ne se rétablissent pas défie totalement la théorie actuelle des pêcheries, dit-il. Cette théorie veut qu'une espèce se rétablira s'il y a moins de spécimens en concurrence pour la nourriture.»

Martin Castonguay, biologiste à Pêches et Océans Canada et chef de la section des poissons à l'Institut Maurice-Lamontagne, estime que l'article de M. Conover «met en lumière des effets potentiels très importants qu'on ne soupçonnait pas, comme sur la taille des larves et leur taux de survie».

Ce sont des effets qu'on a négligés jusqu'à maintenant et qui pourraient faire partie de l'explication du fait que les stocks de morue ne se rétablissent pas», dit-il.

Il pense lui aussi qu'il faudra peut-être réécrire la théorie des pêches. «Ce qu'ils avancent est solide et plausible, dit-il. Classiquement, la théorie postule que la pêche n'a pas d'impact sur le génome. Ils disent qu'il faut changer ce paradigme.»

Comment expliquer cette réaction génétique apparemment suicidaire pour l'espèce ? Elle réside peut-être dans la différence entre la mortalité naturelle des poissons et celle causée par la pêche intensive. «En général, la pêche, comme notre étude, vise les plus gros poissons, alors que dans la nature, les poissons meurent quand ils sont plus petits et plus jeunes», explique M. Walsh.

La survie d'un nombre important des plus grands spécimens d'une espèce pourrait devenir la clé d'une future gestion des pêcheries, selon M. Conover. Une telle approche pourrait permettre de conserver les traits génétiques d'une population. «Il y a plusieurs solutions possibles, comme des réserves marines où toute la variété de tailles de poissons serait représentée, dit-il. Il pourrait aussi y avoir des pêches sélectives, où on laisserait les plus gros poissons dans l'eau, en plus des plus petits, et on ne pêcherait que ceux de taille moyenne.»

canardos
 
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