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[center]Réchauffement du climat et pétrole cher relancent le nucléaire[/center]
LE MONDE | 27.12.06 |
L'Europe, la Russie, l'Iran, les Etats-Unis, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud, le Brésil, l'Australie... Où que les regards se tournent, aucune zone du globe n'échappe, dans ses débats sur l'énergie, à la "contamination" nucléaire.
Pour la première fois, la Commission européenne commence à plaider pour cette source d'énergie, mais de façon suffisamment discrète pour ne pas heurter de front les Etats membres ayant programmé la fermeture de leurs centrales atomiques. De leur côté, des producteurs de gaz et de pétrole comme la Russie et l'Iran veulent développer l'atome civil pour produire leur électricité et réserver à l'exportation ces hydrocarbures qui assurent une grande part des rentrées de devises.
Union européenne : la fin d'un tabou. Au nom de la sécurité des approvisionnements du Vieux Continent et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, Bruxelles sort de la réserve qu'il s'était jusqu'à présent imposée. Le commissaire européen à l'énergie devrait mettre le nucléaire en bonne place, le 10 janvier, dans sa présentation du "paquet" de mesures en faveur d'une politique commune de l'énergie. Andris Piebalgs présentera les avantages de la filière électronucléaire, sujet qui divise pourtant les Etats membres de l'Union européenne (UE).
Dans un document préparatoire cité le 26 décembre par Les Echos, M. Piebalgs reprend une partie du mémorandum sur la politique énergétique présenté par Paris, début 2006. Le nucléaire "est, de toutes les énergies qui rejettent peu de carbone, la plus développée dans l'UE", souligne le texte. Cette énergie est, selon lui, "moins vulnérable aux fluctuations de prix que le charbon ou le gaz, car l'uranium ne représente qu'une part limitée du coût de production de l'électricité nucléaire". Et contrairement aux hydrocarbures, l'uranium utilisé dans les centrales est "disponible en quantités suffisantes pour plusieurs décennies" et "réparti dans plusieurs régions du monde".
Sans inviter directement les pays à lancer ou relancer cette filière, Bruxelles prévient qu'en cas de baisse de la production d'électricité d'origine nucléaire elle devra être "compensée par l'introduction d'autres sources dégageant peu de gaz carbonique". L'avertissement s'adresse aux pays qui ont programmé la fermeture de leurs centrales d'ici à 2030 (Allemagne, Suède, Belgique). Toutefois, des gouvernements ont décidé de prolonger la durée de vie des centrales et d'autres, comme en Grande-Bretagne, cherchent à relancer le nucléaire.
Dans l'UE, seules la France et la Finlande ont décidé la construction de nouvelles unités. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie vont se doter d'un réacteur commun. La Pologne a annoncé son intention de se joindre au projet et n'exclut pas d'avoir, à terme, une centrale sur son propre territoire. Quant à la Roumanie, elle veut accélérer son programme pour réduire sa dépendance au gaz russe.
Russie : l'atome au service du gaz. Vieille nation "atomique", la Russie vend les deux tiers de son gaz à bas prix sur le marché intérieur. Pourquoi ne pas développer les centrales nucléaires pour produire de l'électricité et garder le gaz et le pétrole pour les marchés étrangers, dit-on à Moscou. Vladimir Poutine a déclaré qu'en 2030 25 % de l'énergie produite devra être d'origine nucléaire.
Le groupe gazier public Gazprom veut participer à la relance du programme de centrales (une quarantaine de réacteurs). Il a pris le contrôle d'Atomstroïexport (construction de centrales à l'étranger) et veut investir dans la société publique Rosenergoatom, qui doit être transformée en société par actions.
La Russie est en train de créer un grand groupe intégré, Atomenergoprom, pour développer le secteur. Elle veut vendre son savoir-faire à l'étranger, comme elle l'a fait en participant à la construction de la première centrale iranienne.
Iran : le nucléaire pour compenser le recul de la production pétrolière. La République islamique n'a pas qu'un programme nucléaire militaire, qui lui vaut des sanctions de l'ONU. Freinée par les "pressions américaines", selon le ministre du pétrole, la production stagne, alors que le pays a les deuxièmes réserves mondiales d'hydrocarbures.
Une richesse en trompe-l'oeil. L'exportation d'or noir (65 % du revenu national) stagne depuis 1996. Elle pourrait diminuer de moitié d'ici cinq ans et s'arrêter en 2015 en raison du sous-investissement et d'une consommation intérieure croissante, prévient Roger Stern, de l'université américaine Johns Hopkins (Baltimore).
Dans son étude publiée mardi 26 décembre, le chercheur en conclut que ce net recul des exportations "laisse suggérer que l'Iran pourrait avoir autant besoin du nucléaire qu'il l'affirme". Cette réponse à un risque de pénurie énergétique ne doit cependant pas faire douter, selon lui, que le programme nucléaire iranien a bien des objectifs militaires.
Jean-Michel Bezat
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CHIFFRES
FRANCE.
Avec 58 réacteurs, l'Hexagone dispose du deuxième parc au monde (derrière les Etats-Unis). Près de 80 % de son électricité est d'origine nucléaire. Elle a fait le choix, en 2003, de relancer son programme avec la construction de l'EPR, réacteur de troisième génération.
INTERNATIONAL.
La Commission européenne et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) plaident pour la relance du nucléaire afin de réduire les gaz à effet de serre et la dépendance des pays industrialisés aux hydrocarbures. Malgré la construction de nouvelles centrales, la part du nucléaire dans la production mondiale d'énergie devrait passer de 6 % à moins de 5 % en 2030.