à mourir de rire:
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[center]Mysticisme, les nouvelles lumières neuronales[/center]
LE MONDE | 02.09.06 |
Fruit du hasard ou de la fatalité, l'entrée dans notre troisième millénaire coïncide avec l'émergence d'une nouvelle discipline qui voit des scientifiques se passionner pour la spiritualité. L'affaire ne manque pas de sel dans la mesure où cette mystérieuse entité ne se définit pas autrement que par sa pleine et entière indépendance de la matière. C'est ainsi que l'on voit les servants des neurosciences à la recherche du siège de l'âme et de la preuve, directe ou non, de l'existence de Dieu.
Les Neuroscience Letters, publication du groupe Elsevier, ont ainsi rendu public, mercredi 30 août, un travail original. Il s'agissait de dresser une cartographie neurologique la plus fidèle possible de l'activité cérébrale issue de certaines expériences mystiques.
Cette étude, signée par Marion Beauregard et Vincent Paquette (Centre de recherche en neuropsychologie et cognition, Université de Montréal, Québec), a été financée par la fondation John Templeton.
Les deux chercheurs prennent d'emblée la précaution de dire que leur travail ne visait en rien à établir la preuve de l'existence ou de l'inexistence de Dieu. Cette quête des relations entre neurones humains et expériences mystiques ne doit en rien conduire à minimiser la valeur de telles expériences.
Dans un premier temps, MM. Beauregard et Paquette sont parvenus à convaincre quinze religieuses carmélites cloîtrées (âgées de 23 à 64 ans) d'offrir, de leur vivant, leur cerveau à la science. Neuf d'entre elles étaient ménopausées. Les auteurs prennent soin de préciser que ces femmes n'avaient jamais, dans le passé, présenté de troubles de nature psychiatrique ou neurologique.
Ces religieuses n'étaient pas, par ailleurs, consommatrices de tabac ou de substances psychotropes au moment de l'expérience. Toutes avaient donné leur consentement écrit, et ce travail avait reçu l'approbation du comité d'éthique du centre de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Au terme de longues investigations menées avec les puissants appareils d'imagerie de résonance magnétique nucléaire du département de radiologie de leur université, les chercheurs fournissent des conclusions d'une grande clarté.
Ces auteurs expliquent en substance qu'une expérience mystique chez les carmélites peut sans mal être corrélée à une série d'activations, à la fois métaboliques et électriques, observées dans une douzaine de régions cérébrales naturellement impliquées dans l'exercice de multiples fonctions sensitives et motrices.
Ils estiment ainsi avoir les arguments scientifiques pour réfuter les hypothèses scientifiques avancées à la fin de l'an 2000 qui, également sur la base d'expériences scientifiques, concluaient à l'existence d'un siège cérébral unique des expériences mystiques.
Sans aller jusqu'à évoquer un possible conflit d'intérêts lié au financement de ce travail, rien n'interdit de s'interroger sur les possibles artefacts inhérents au fait de demander à des carmélites depuis longtemps cloîtrées de "revivre" en milieu hospitalier une expérience mystique de leur passé.
Il y a quelques mois, la puissante fondation religieuse John Templeton avait déjà financé à hauteur de 2,4 millions de dollars un travail non moins original de cardiologie. Il s'agissait, avec toutes les précautions méthodologiques en usage, d'établir si des prières collectives et répétées faites pour le compte de tiers souffrant d'angine de poitrine et d'infarctus du myocarde pouvaient, ou non, être utiles chez les personnes dont l'état du muscle cardiaque imposait un pontage aorto-coronarien.
Ce travail concluait que ce type de prières (effectuées par deux congrégations religieuses, l'une catholique, l'autre protestante) n'avait pas d'intérêt médical, et pouvait même nuire à certains patients. Il fut publié en avril dans The American Heart Journal, bible mondiale de la cardiologie (Le Monde du 7 avril).
Jean-Yves Nau