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[center]Débat sur le nombre de futures victimes de la maladie de la vache folle[/center]
LE MONDE | 11.09.06 |
Plus de dix ans après la découverte que le prion pathologique responsable de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB ou maladie de la vache folle) pouvait contaminer l'espèce humaine, on ne dispose encore d'aucune certitude quant au nombre des personnes pouvant être atteintes. Il y a quelques semaines, dans les colonnes du Lancet, le Britannique John Collinge, un des meilleurs spécialistes des maladies à prions, annonçait que la période d'incubation de la forme humaine pourrait atteindre, voire dépasser, les cinquante ans (Le Monde du 24 juin). L'existence des prions pathologiques a pour la première fois été envisagée il y a plus d'un demi-siècle à partir des observations faites sur une peuplade de Nouvelle-Guinée. Certains membres de cette tribu décédaient d'une forme de maladie neurodégénérative, le kuru, similaire à la forme humaine de la vache folle.
Un lien fut établi entre cette affection et la consommation, au cours de cérémonies rituelles, du cerveau des défunts. Analysant l'ensemble des données sur le kuru, le professeur Collinge et ses collaborateurs ont conclu que la période minimale d'incubation se situait entre trente-quatre et quarante et un ans, mais que les symptômes pouvaient aussi n'apparaître qu'entre trente-neuf et cinquante-six ans après l'ingestion du prion. En d'autres termes, on pouvait redouter l'apparition de cas humains jusqu'au milieu du XXIe siècle.
Répondant à leurs collègues britanniques dans le Lancet du 9 septembre, les Français Pierre-Yves Boelle et Alain-Jacques Valleron expliquent comment ils parviennent à des conclusions plus rassurantes. Jusqu'à présent, les personnes atteintes de la forme humaine de la maladie de la vache folle présentent un profil génétique particulier retrouvé dans 40 % de la population. Postulant qu'une seconde vague de l'épidémie puisse à l'avenir affecter, dans les mêmes proportions, les personnes n'ayant pas ce profil, les chercheurs français ont mis en oeuvre un modèle mathématique prédictif, précédemment utilisé avec succès. "Une seconde vague de cas ne peut survenir que si la durée moyenne d'incubation de la maladie est supérieure à vingt-cinq ans, expliquent-ils. Les meilleures estimations des tailles correspondantes des secondes vagues de l'épidémie ne dépassent pas 250 cas, dont une fraction serait censurée par d'autres causes de décès." On recense aujourd'hui au Royaume-Uni 161 cas de la maladie, un nombre qui correspond aux prévisions faites, en 2001, par l'équipe du professeur Valleron.
Jean-Yves Nau