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a écrit :Recherche. La future agence d'évaluation déclenche la colère des chercheurs.
Et les scientifiques découvrent... le décret
Par Sylvestre HUET
QUOTIDIEN : Jeudi 14 septembre 2006
«C 'est un putsch... intellectuellement parlant.» Le propos est de Denis Jouan du SNCS-FSU, mais représente bien la grosse colère qui secoue les scientifiques en cette rentrée. Tenu hier lors d'une conférence de la totalité des syndicats de la recherche et de l'enseignement supérieur (1), il reflète un avis «exceptionnellement unanime», soulignait Jean Fabbri, le secrétaire général du Snesup. En cause, un décret d'application bien obscur qui met en musique l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres) prévue par la loi-programme sur la recherche votée au printemps.
Pourtant, lors de la phase finale de négociations sur cette loi, après quatre ans de conflit violent entre les scientifiques et le gouvernement, les premiers avaient cru comprendre que la construction de l'Aeres se ferait en concertation et sur la base des systèmes d'évaluation existant, le Comité national de la recherche scientifique, les Commissions spécialisées de l'Inserm, et le Comité national des universités. Autant de structures où les scientifiques élisent leurs pairs qui siègent à côté de membres nommés par les directions.
D'où leur surprise, et leur colère, à la lecture du projet de décret qui vient de subir un cinglant vote contre majoritaire au Cneser (Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche) lundi dernier. Au lieu d'une construction par le bas, faisant sa place aux élus des scientifiques, le gouvernement a choisi la mise en place d'une «pyramide autoritaire, constituée d'experts nommés par le ministère de la Recherche», s'indignent les syndicalistes.
Pas moins de 5000 «experts», désignés à l'avance, et parmi lesquels les responsables de l'Aeres, tous nommés par le ministre, piocheraient pour constituer des comités ad hoc, évaluant laboratoires et établissements. «Avec un tel dispositif, soupçonne Gérard Chaouat, il est très facile de constituer un comité en fonction du résultat prédéterminé pour l'évaluation.»
Pourquoi tant de hâte et de volonté de détruire le système existant ? «C'est pour mieux piloter la recherche, justifier par des soi-disantes évaluations une restructuration des laboratoires en liaison avec les priorités thématiques décidées par le gouvernement», expliquent les syndicalistes. Lesquels sont décidés à en découdre et vont s'attacher à mobiliser les scientifiques contre ce décret.
(1) FSU, CFDT, CGT, UNSA, Sud, CFTC, UNEF.