[center]Controverse autour de l'extension du diagnostic préimplantatoire[/center]
LE MONDE | 26.09.06 |
Douze ans après son autorisation dans le cadre des premières lois françaises de bioéthique, le diagnostic préimplantatoire (DPI) devient, à nouveau, l'objet de controverses. Un texte législatif encadre de manière apparemment très stricte cette pratique, mais une équipe de généticiens et de médecins du CHU de Strasbourg a élargi cette pratique à la prédisposition à certains cancers connus pour être étroitement liés à des facteurs génétiques. Une décision que Carine Camby, directrice générale de l'Agence de la biomédecine, estime contraire aux dispositions législatives aujourd'hui en vigueur.
Autorisé en France dès 1994, le DPI n'a commencé à être véritablement mis en oeuvre qu'en 2000. Cette technique - totalement prise en charge par la Sécurité sociale - de sélection embryonnaire se fonde sur l'analyse de certains éléments du patrimoine génétique d'embryons conçus in vitro. Elle permet ainsi d'éviter la pratique de cette même analyse sur des cellules embryonnaires prélevées par amniocentèse et dont les résultats peuvent conduire à une interruption médicale de grossesse. Les spécialistes prélèvent ici une cellule sur un embryon formé de huit cellules. Après les analyses de biologie moléculaire, ne sont implantés dans l'utérus des futures mères que les embryons qui sont indemnes de l'anomalie génétique recherchée.
En France, au terme d'une longue polémique entre les partisans de cette technique et ses adversaires (qui voient là une nouvelle forme de pratique eugéniste), la loi dispose que le DPI ne peut concerner que la recherche des gènes associés à des maladies "d'une particulière gravité" et "incurables au moment du diagnostic". En quelques années, le nombre de ces affections n'a cessé de croître. On en recense aujourd'hui près d'une cinquantaine, et trois centres de diagnostic prénatal (Paris-Clamart, Strasbourg et Montpellier) sont habilités à mettre en oeuvre cette pratique auprès de couples risquant de transmettre à leur enfant une maladie génétique. Selon l'Agence de la biomédecine, 34 enfants sont, en 2004, nés après un DPI, les principales indications étant la mucoviscidose, la chorée de Huntington, l'hémophilie, certaines formes de myopathies et de handicaps mentaux.
"LIBERTÉ DE JUGEMENT"
La question qui alimente aujourd'hui la controverse est celle de savoir si l'on peut ou non élargir cette pratique à la recherche de la prédisposition à certaines affections cancéreuses. En l'état actuel des connaissances, il s'agit de formes familiales de certains cancers du côlon, du sein ou de l'ovaire. En France, le professeur Stéphane Viville, directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, estime qu'un tel élargissement peut dans certains cas, après étude approfondie des dossiers familiaux, être justifié. L'équipe strasbourgeoise s'est déjà engagée dans cette voie, notamment pour la prédisposition au cancer colique familial.
"Pour ma part, je conçois mal qu'une telle pratique se développe sans qu'un débat public soit organisé sur un tel sujet, estime Carine Camby, directrice générale de l'Agence de la biomédecine. S'il doit y avoir une interprétation extensive de la loi de bioéthique, cela ne peut être le fait d'un seul centre." Telle n'est évidemment pas l'opinion du professeur Viville. "La loi n'a, fort heureusement, pas établi une liste des pathologies concernées par le DPI, explique-t-il. Et il n'y avait pas besoin de modification de la loi pour que nous puissions prendre en charge la prédisposition à certains cancers. Cette loi, comme dans le cas du diagnostic prénatal et de l'interruption médicale de grossesse, laisse aux centres spécialisés la liberté de jugement pour ce qui est des critères de "particulière gravité" et d'"incurabilité". Dans notre expérience, les décisions, qui vont parfois jusqu'à nécessiter un vote, sont prises par une équipe multidisciplinaire."
Tout comme dans le cas du diagnostic prénatal, il apparaît aujourd'hui que des pratiques différentes existent en France dans le domaine du DPI. L'Institut national du cancer a engagé une réflexion sur ce sujet, le Comité consultatif national d'éthique ne s'étant pas encore saisi de cette délicate question d'actualité.
Jean-Yves Nau
-------------------------------------------------------------------------------- Législations
En Europe. Aucune disposition commune n'existe sur ce sujet, certains pays (Allemagne, Italie, Suisse, Autriche) prohibant le DPI alors que d'autres (Belgique notamment) acceptent déjà la pratique d'une sélection fondée sur la prédisposition aux cancers familiaux.
Aux Etats-Unis. Un nombre croissant de couples a recours au DPI pour exclure des embryons tenus pour présenter une prédisposition à une lésion cancéreuse. Cette prestation y étant souvent facturée plus de 25 000 dollars, certains commencent à agiter le spectre d'une classe sociale aisée se débarrassant de ses "mauvais" gènes tandis que les populations pauvres continueraient à en assurer la transmission.
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canardos
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