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Message Publié : 08 Oct 2006, 21:51
par canardos
dans le journal du CNRS:

a écrit :

[center]La bonne place pour les gènes[/center]

Deux nouveaux résultats viennent de montrer que la localisation et le déplacement des gènes dans le noyau de la cellule sont importants pour leur expression.

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Ulf Nehrbass et son équipe ont suivi le déplacement d'un gène lorsqu'il est activé : ils ont constaté sa localisation à la périphérie du noyau, nécessaire pour qu'il soit exprimé, et sa mobilité réduite.
© J. C.Olivo-Marin/CNRS-Institut Pasteur


Du nouveau dans l'expression des gènes ! Deux équipes de chercheurs travaillant en parallèle ont mis en évidence l'importance de l'organisation spatiale dans la régulation de l'expression génétique. On savait déjà que dans les cellules eucaryotes (pourvues d'un noyau), l'ensemble des gènes est compacté sous forme de filaments nucléoprotéiques, composés d'ADN et de protéines et organisés en trois dimensions au sein du noyau. Ce dernier est séparé du reste de la cellule par la membrane nucléaire. De nouveaux résultats montrent que l'expression des gènes dépend fortement de leur position par rapport à cette enveloppe ; et plus ils sont proches de la périphérie du noyau, plus ils s'expriment.

Angela Taddei, de l'équipe de Susan Gasser, rattachée au laboratoire « Dynamique nucléaire et plasticité du génome »1, s'est intéressée au gène HXK1 de la levure bourgeonnante, dont l'expression peut être activée de deux façons différentes : en cultivant les cellules contenant le gène en l'absence de glucose ; ou en faisant intervenir une molécule, le facteur VP16. Dans les deux cas, le gène est activé et exprimé. Mais sa localisation diffère, ainsi que son expression. Ainsi, lorsque les cellules de levure poussent sur un milieu sans glucose, le gène HXK1 est proche des pores de l'enveloppe nucléaire et son taux d'expression est élevé. En revanche, lorsque l'autre voie d'activation est mise en jeu en milieu glucosé grâce à VP16, l'expression est plus faible et le gène s'éloigne de la périphérie du noyau. « Cela suggère qu'il est important que le gène soit accroché à l'enveloppe pour que le niveau d'expression soit maximum », insiste Angela Taddei.

Cette dernière est également parvenue à montrer que l'on pouvait augmenter ou diminuer l'activité du gène en jouant sur sa localisation au sein du noyau. Ainsi, en l'associant artificiellement à la périphérie du noyau, elle a pu augmenter son activation en milieu non glucosé. De plus, en supprimant la séquence « 3'UTR » du gène, dont le rôle est d'exporter les ARN messagers en dehors du noyau, les chercheurs ont constaté que le gène était moins fortement associé à l'enveloppe nucléaire. Et que l'expression était moindre. Publiés dans Nature, en juin 2006, ces résultats font écho à ceux obtenus par une autre équipe, celle d'Ulf Nehrbass, de l'unité de biologie cellulaire du noyau2. Les deux chercheurs ont d'ailleurs choisi de publier ensemble3.

Grâce à des prouesses technologiques, les biologistes de la deuxième équipe sont parvenus à suivre en direct le mouvement des gènes pendant leur activation. « Rien que cette avancée technologique est notable, précise Ulf Nehrbass. C'est la première fois qu'on a pu suivre le mouvement d'un gène, en trois dimensions, dans le noyau. » Les chercheurs ont également fait appel à des cellules de levure bourgeonnante et ont suivi l'activation du gène GAL. Première constatation : lors de l'activation, les mouvements du gène sont diminués. En cause, certains facteurs moléculaires qui interagissent alors avec l'ADN. L'équipe d'Ulf Nehrbass a ainsi montré que ces facteurs, déjà connus pour leur rôle dans l'expression des gènes, auraient aussi pour mission d'immobiliser le gène actif dans une certaine configuration sur l'enveloppe nucléaire. « Lorsqu'il est activé, le gène semble effectuer un mouvement de glissement le long de l'enveloppe nucléaire, avant de s'accrocher », continue Ulf Nehrbass. Mais le plus important dans ces résultats, « c'est l'importance de l'organisation spatiale du génome dans la régulation de l'expression des gènes, insiste le chercheur allemand. La séquence de l'ADN, seule, ne détermine pas tout. L'ensemble des connaissances sur l'expression des gènes devront être revues à la lumière de ce nouveau concept ». Et de souligner un aspect applicatif de ces découvertes. « L'enveloppe nucléaire des cellules cancéreuses est souvent déformée. On pensait jusqu'ici qu'il s'agissait d'une conséquence de la maladie. Alors qu'il s'agit plus certainement d'une cause », explique-t-il. Or, identifier une nouvelle cause de maladie, c'est trouver une nouvelle cible pour les traitements. Un nouvel espoir peut-être…

Julie Coquart

1. Laboratoire CNRS / Institut Curie. Angela Taddei est actuellement en mission au Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research à Bâle, Suisse.
2. Équipe CNRS / Institut Pasteur.
3. Nature, 8 juin 2006, vol. 441, n° 7094.