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Planète de glace, planète de feu[/center]
Par Jean Etienne, Futura-Sciences, le 18/10/2006
Le télescope spatial infrarouge de la Nasa Spitzer a effectué ses premières mesures de température de la surface d'une planète extrasolaire. Et les résultats sont stupéfiants.
Pour cette première, la cible choisie a été Upsilon Andromedae b, une des trois planètes détectées autour de l'étoile éponyme, à 44 années-lumière de la Terre. D'une masse de 0,687 Jupiter, celle-ci tourne autour de son soleil en 4,617 jours à une distance de seulement 0,0596 unités astronomiques, en pleine fournaise. Cette planète gazeuse se classe dans la catégorie des "Jupiter chauds".
Sur la base des mesures de rayonnement infrarouge apportées par Spitzer, les astronomes ont déterminé que la planète présente toujours la même face à son étoile, à l'instar de notre Lune par rapport à la Terre. Mais la surprise provient des différences de température observées, qui atteint 1400 degrés Celsius entre la partie sombre et la partie éclairée.
Upsilon Andromedae b étant une planète gazeuse, des courants de convection internes devraient homogénéiser cette température entre les deux hémisphères, à l'instar de ce qui se passe pour Jupiter dans notre Système solaire. Une différence aussi élevée indique que l'atmosphère de la planète absorbe et réémet l'énergie reçue tellement rapidement que le gaz qui la compose n'a pas le temps de l'absorber et de la propager vers les parties situées dans l'ombre. Autrement dit, une planète réfractaire !
Ces observations sont particulièrement inattendues, non seulement en raison de leur improbabilité, mais surtout parce que Spitzer, au départ, avait été conçu pour décrire seulement des traits globaux comme la taille et la masse des exoplanètes. Illustration parfaite s'il en est que souvent, les découvertes scientifiques surgissent là où on ne les attend pas.
Spitzer a utilisé ses yeux infrarouges ultrasensibles pour observer, cinq jours durant, le système Upsilon Andromedae, mettant en évidence les variations d'émission correspondant avec la période de révolution de la planète la plus proche, Upsilon Andromedae b. Ces variations de température sont la conséquence de la planète montrant ses différentes faces à Spitzer au cours d'une orbite. Lorsque son côté éclairé était orienté vers la Terre, le télescope détectait une signature thermique nettement accrue alors qu'elle se réduit fortement après une demi-orbite. Elle ne disparaît pas complètement, car le plan orbital de Upsilon Andromedae b n'est pas exactement orienté vers notre Soleil et une partie de l'hémisphère éclairé reste visible.

Modélisation de Upsilon Andromedae b, vue depuis la Terre selon les données transmises par Spitzer

Modélisation théorique de Upsilon Andromedae b, selon la dynamique actionnant une planète de type Jupiter
"Cette planète présente un point chaud au milieu de l'hémisphère faisant face à son soleil", déclare Joe Harrington de l'université d'Orlando, en Floride. "La différence des températures entre le jour et la nuit nous fournit des indices sur la façon dont l'énergie pénètre dans l'atmosphère de la planète et s'en évacue", ajoute-t-il.
"C'est un résultat spectaculaire", surenchérit le Dr Michael Werner, un des scientifiques du programme Spitzer au JPL (Jet Propulsion Laboratory). "Lorsque nous avions conçu cet instrument il y a plusieurs années, nous ne nous doutions pas qu'il allait révolutionner l'observation des planètes extrasolaires".
"Si vous vous déplaciez sur cette planète du côté nuit au côté jour, vous encaisseriez une différence de température équivalente au saut dans un volcan", conclut le directeur du projet Spitzer, le Dr Brad Hansen, de l'université de Californie, Los Angeles.
La connaissance de la météorologie des planètes extrasolaires n'est encore que balbutiante. Il faudra de nombreuses autres observations pour déterminer si Upsilon Andromedae b est atypique, ou si son cas représente une part significative des nombreuses exoplanètes de type "Jupiter chaud".

Orbites des trois exoplanètes détectées autour d'Upsilon Andromedae

Oscillations de l'étoile Upsilon Andromedae. La longue période présentant diverses harmoniques trahit la présence d'un système multiplanétaire