
sur le site de l'INRA:
a écrit :
[center]Un squelette interne donne leur forme aux bactéries[/center]
" Comment la forme d'une cellule est-elle déterminée ? " est une des questions fondamentales de la biologie cellulaire. Il y a cinq ans, les travaux de Rut Carballido-López (1) à l'Université d'Oxford (GB), ont contribué de manière décisive à montrer que les bactéries possèdent un cytosquelette qui détermine la forme cellulaire, en découvrant que les protéines MreB sont des ancêtres bactériens de l'actine. Aujourd'hui chercheuse à l'INRA de Jouy-en-Josas, et en collaboration avec l'Université d'Oxford, Rut Carballido-López et ses collègues ont caractérisé le rôle d'une de ces protéines, MreBH. Ces chercheurs ont ainsi montré que MreBH contribue à la détermination de la forme de la bactérie d'une façon jusque-là inconnue. Elle dirige la destruction des zones précises de la paroi bactérienne, ce qui permet, paradoxalement, une croissance contrôlée de la bactérie en forme de bâtonnet. Les détails de ces travaux sont publiés dans " Developmental Cell " de septembre 2006.
Les bactéries sont des organismes unicellulaires sans noyau (procaryotes), enveloppées d'une paroi épaisse et rigide. Il existe une très grande diversité de formes bactériennes : sphériques (coques), bâtonnets (bacilles), incurvées (vibrions), fuselées (fusiformes) ou encore hélicoïdales (spirilles). Une des questions fondamentales de la biologie cellulaire concerne la détermination de cette forme, et les travaux menés en collaboration par les chercheurs de l'INRA et de l'Université d'Oxford contribuent à expliquer comment le squelette interne donne leur forme aux bactéries.
© R. Carballido-López
Visualisation des filaments hélicoïdaux de l'actine bactérienne chez Bacillus subtilis
(microscopie à fluorescence)
La découverte d'un cytosquelette bactérien
Pendant des décennies, on a pensé que la paroi rigide qui enveloppe les cellules bactériennes (procaryotes) était le seul déterminant de leur forme. Par contre, chez les organismes supérieurs, les cellules (eucaryotes) possèdent un réseau de filaments protéiques, en particulier des filaments d'actine, qui leur donne leur forme. Ce réseau est appelé le 'cytosquelette', c'est-à-dire le squelette interne des cellules. Mais même les plus puissants microscopes électroniques n'avaient pu mettre en évidence une telle organisation intracellulaire chez les bactéries. Il était donc admis que les cellules procaryotes n'avaient pas de cytosquelette. Il y a cinq ans, Rut Carballido-López et ses collègues ont montré qu'il existe, chez les bactéries aussi, un cytosquelette d'actine. En découvrant MreB, l'ancêtre bactérien de l'actine, ces travaux ont révolutionné l'approche scientifique sur l'architecture de la cellule bactérienne et sur l'origine et l'évolution du cytosquelette.
Les protéines MreB sont des homologues bactériens de l'actine. Elles forment un réseau de filaments hélicoïdaux le long des cellules, juste sous la membrane (voir photo). Tel un échafaudage, ce réseau détermine la forme de la bactérie, mais les mécanismes impliqués sont largement inconnus.
Les protéines homologues de l'actine (MreB) contrôlent la forme de la bactérie
En collaboration avec des chercheurs de l'Université d'Oxford, les chercheurs de l'INRA de Jouy-en-Josas ont caractérisé le rôle d'un des homologues de l'actine, MreBH, dans la détermination de la forme chez la bactérie modèle Bacillus subtilis. Par une combinaison d'approches génomiques, génétiques, biochimiques et de cytologie moléculaire (en particulier des techniques de microscopie à fluorescence), ils ont montré que MreBH contrôle l'hydrolyse de la paroi bactérienne, et ceci en dirigeant une enzyme particulière, LytE, vers des zones spécifiques de la paroi.
Les chercheurs ont également montré que les trois homologues de l'actine de B. subtilis (MreB, Mbl et MreBH) sont localisés dans la même structure hélicoïdale le long de la cellule. Deux de ces protéines, Mbl et probablement MreB, sont impliquées dans la synthèse de la paroi cellulaire, tandis que MreBH est impliquée dans son hydrolyse. Le modèle proposé suggère que la localisation spatiale de ces processus est déterminée par les filaments hélicoïdaux des actines et que leur coordination contrôle la forme bactérienne. Le cytosquelette bactérien interne est donc responsable de la forme des cellules, en contrôlant la géométrie de leur paroi externe.
(1) Rut Carballido-López, de nationalité espagnole, a débuté ses études supérieures en France. Ingénieure en biochimie (INSA Lyon), elle a ensuite effectué un DEA à l'Institut Pasteur (Paris). Son travail de thèse, à l'Université d'Oxford (Grande-Bretagne), s'est achevé en 2002 ; il a notamment donné lieu à la publication révélant l'existence du cytosquelette bactérien. A l'issue d'un post-doc à l'INRA, elle a été recrutée comme chercheuse dans l'unité " Génétique microbienne " du centre INRA de Jouy-en-Josas.
Références :
Carballido-López1,2, R., Formstone2, A., Li2, Y., Ehrlich1, S. D., Noirot1, P., and Errington2,3, J. (2006)
Actin Homolog MreBH Governs Cell Morphogenesis by Localization of the Cell Wall Hydrolase LytE
Dev Cell 11, 399-409
1 INRA, Génétique Microbienne. Jouy-en-Josas, France.
2 Sir William Dunn School of Pathology, University of Oxford, Oxford, UK.
3 Institute for Cell and Molecular Biosciences, University of Newcastle, Newcastle upon Tyne, UK.