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[center]Capter l'eau dans le désert comme le scarabée de Namibie[/center]
LE MONDE | 11.11.06 |
A l'image des "distilles", les combinaisons futuristes imaginées par Franck Herbert dans son roman Dune, les scarabées de Namibie sont dotés d'un système de survie, merveille d'adaptation à l'un des lieux les plus secs de la planète : ils peuvent capter, avec leur corps, la vapeur d'eau présente dans l'air et ainsi se désaltérer.
Ce mécanisme pourrait-il un jour être utilisé par l'homme ? Deux chercheurs américains, Robert Cohen et Michael Rubner, du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont réussi à recréer artificiellement le phénomène à partir d'un support en verre et en plastique. Ces travaux, publiés dans la revue Nano Letters, ont été financés par la Defense Advanced Research Projects Agency (Darpa) et la National Science Foundation (NSF).
Pour se ravitailler en eau, le scarabée de Namibie utilise la partie rugueuse de son corps, constituée alternativement de zones hydrophobes et hydrophiles. Au matin, l'insecte s'oriente dans la direction du vent de brume. La vapeur d'eau contenue dans l'air s'accumule sur les pics hydrophiles sous forme de gouttes. Ces dernières sont collectées par les canaux hydrophobes inclinés et roulent progressivement vers l'orifice buccal de l'insecte.
Ce mécanisme a été découvert en 2001 par deux chercheurs britanniques, Andrew Parker, zoologue de l'université d'Oxford, et Chris Laurence. A l'époque, ces scientifiques avaient imaginé qu'il serait possible de collecter de l'eau en utilisant des toiles de tentes dont la surface reproduirait la structure mixte du scarabée. C'est en partant de cette idée que leurs collègues américains ont poursuivi les recherches.
MM. Cohen et Rubner ont trempé plusieurs fois des substrats en verre ou en plastique dans des solutions de polymères. En accumulant ainsi les couches, ils sont parvenus à contrôler la porosité de la surface. Ils ont ensuite ajouté des nanoparticules de silice pour augmenter la rugosité qui piège les gouttelettes d'eau. Enfin, ils ont déposé une couche d'une substance similaire au Téflon pour rendre le matériau très hydrophobe. Il ne restait qu'à dissoudre certaines parties du revêtement pour créer une succession de zones hydrophobes et hydrophiles : dans un air humide, les gouttes sont piégées dans la couche poreuse et récoltées sur la partie lisse.
"Je pense qu'il s'agit là de l'usine chimique du futur, déclare M. Cohen. Il existe de nombreuses applications que nous n'avons pas imaginées." Les militaires pensent par exemple à des surfaces autodécontaminantes capables de canaliser et de récupérer des substances toxiques présentes dans l'air.
Michel Alberganti