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Les petits secrets du triton pour régénérer ses membres et tissus[/center]
Par Jean-Luc Goudet - Futura-Sciences, le 12/12/2006
Greffez un petit morceau de cœur sur la cicatrice d’une patte amputée et il deviendra… une patte. On commence seulement à comprendre comment le triton réalise ce tour de passe-passe. Première conclusion : cet amphibien connaît au moins deux astuces pour réparer ses organes abîmés. Premiers espoirs aussi : et si on essayait chez l’Homme ?
Cet habitant discret de nos régions humides s’est fait remarquer depuis longtemps par les observateurs attentifs. Le Triton à points rouges, alias Notophthalmus viridescens, se distingue des autres amphibiens par une double métamorphose : la première transforme la larve aquatique en un juvénile terrestre (appelé elfe) et, quelques années plus tard, une seconde en fait un adulte de nouveau aquatique. Mais un autre de ses prodiges intéresse la science. Comme d’autres amphibiens, le triton montre de remarquables capacités de régénération de ses organes lésés ou même amputés. Membres, poumons et cœur peuvent ainsi être complètement réparés, même après une grave lésion, par une reconstruction des tissus.

Notophthalmus viridescens, paisible triton, dispose de deux stratégie pour régénérer des tissus lésés : une dédifférenciation partielle des cellules, comme pour le cœur à réparer, et une dédifférenciation plus poussée, sous forme de blastème, pour les membres à reconstruire. Crédit : Max Planck Institute for Heart and Lung Research
L’équipe de la Recherche sur le cœur et le poumon de l’Institut Max Planck a étudié de près le mécanisme de régénération du cœur. Au niveau de la lésion, ce sont les cellules de cet organe qui prennent en charge la reconstruction du tissu. Elles commencent par se dédifférencier, ce qu’indique l’arrêt de production des protéines typiques des cellules musculaires et du muscle cardiaque en particulier, comme la myosine et les troponines. Ces cellules se divisent rapidement et se multiplient pour finalement se redifférencier en tissu cardiaque.
Après avoir prélevé des cellules au moment où elles viennent de se dédifférencier, les chercheurs de l’équipe ont remarqué l’abondance d’une protéine particulière, dite Phospho-H3, caractéristique d’une certaine phase du cycle de vie d’une cellule, appelé G2 (Growth 2), et qui suit la phase de duplication de l’ADN. Les auteurs en concluent que la régénération ne requiert pas la présence de cellules souches. Elle ne passe pas non plus par la formation d’un blastème, tissu indifférencié mais pas dans un état aussi primordial que les cellules souches, potentiellement capables de se transformer en n’importe quelle tissu. En somme, la dédifférenciation des cellules cardiaques reste limitée. « Le tissu cardiaque n’est composé que de quelques types cellulaires, note Thomas Braun, l’un des auteurs de l’équipe. C’est peut-être pourquoi il n’y a pas besoin de former un blastème. »
Du cœur aux pattesPourtant, lors de la régénération d’un membre amputé, le Triton à points verts fabrique bien un blastème. Le mécanisme est donc différent. Pour mieux le comprendre, les chercheurs ont greffé des cellules cardiaques dans un membre en train de se régénérer. Les cellules transplantées ont immédiatement entamé une dédifférenciation, oubliant complètement qu’elles étaient des cellules de cœur. Deux semaines après l’implantation, elles fabriquaient des protéines typiques… des muscles des membres.
Les chercheurs en concluent que le signal de dédifférenciation provient de la région lésée et que les cellules, à cet endroit, communiquent entre elles. Ce pourrait être une enzyme. L’équipe pense déjà tenir une molécule de ce genre et poursuit les investigations pour, qui sait, trouver une substance capable d’aider la régénération de tissus chez l’Homme.