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Message Publié : 19 Déc 2006, 14:18
par canardos
a écrit :

[center]Traiter les causes de l'insomnie[/center]
LE MONDE | 19.12.06 |


C'est tellement bon de bien dormir ! Besoin physiologique fondamental, le sommeil occupe un tiers de notre vie et ce n'est pas du temps perdu. Le nouveau-né passe près de vingt heures à dormir car cela lui permet de se construire et de grandir. A l'âge adulte, nous dormons en moyenne huit heures par jour pour "recharger" notre organisme. Mais il n'est pas rare que ce temps de repos se dérègle.


Qui n'a pas, un jour ou l'autre, éprouvé des difficultés à s'endormir ou vécu des réveils en pleine nuit ? Dans notre monde moderne, l'insomnie est un symptôme très fréquemment évoqué. Un tiers des Français souffrent de ce trouble transitoire du sommeil et 10 % d'insomnie sévère, indique le rapport du docteur Jean-Pierre Giordanella, directeur de la prévention à la caisse d'assurance-maladie de Paris, remis jeudi 14 décembre au ministre de la santé.

"Parce qu'elle est considérée comme banale, l'insomnie n'est pas reconnue comme un problème réel de santé publique et est sous-traitée en pratique clinique", s'inquiètent les académies nationales de médecine et de pharmacie, qui ont consacré, fin novembre, une séance commune aux troubles du sommeil.

L'insomnie peut être occasionnelle, passagère ou chronique. Parce que ses causes sont insuffisamment recherchées, ce symptôme est, en France, ""traité" par la prescription quasi systématique d'hypnotiques ou de tranquillisants renouvelés lors de consultations successives", critique le docteur Jean-Pierre Giordanella. Ainsi, les médecins français prescrivent quatre fois plus d'hypnotiques et de sédatifs que leurs homologues allemands ou britanniques. Or cette surconsommation est loin d'être neutre. L'emploi prolongé de ces médicaments peut aboutir à "des perturbations permanentes du sommeil et un syndrome de sevrage à l'arrêt", souligne Ivan Touitou, vice-président de l'Académie nationale de pharmacie. Bref, la durée de prescription doit être "la plus réduite possible" (quatre semaines au maximum) afin d'éviter que d'occasionnelle l'insomnie ne devienne chronique. D'autant que le traitement par les hypnotiques "entraîne des conséquences à la fois médicales, sociétales et économiques", poursuit M. Touitou. Difficultés de concentration, irritabilité accrue, absentéisme au travail, risque de chute - en particulier chez les personnes âgées -, d'accident de voiture liée à la somnolence, la liste est longue.

Le rapport du docteur Giordanella et les travaux des académies de médecine et de pharmacie parviennent à une même conclusion : "l'échec" de la prise en charge des troubles du sommeil est lié à "l'insuffisance de formation" des médecins et des pharmaciens, à un "manque de moyens" pour la recherche et à un défaut d'information sur les règles d'hygiène du sommeil.

L'insomnie occasionnelle ou transitoire (inférieure à trois semaines) peut être causée par le stress, le surmenage, un événement de vie perturbant (chômage, séparation, décès d'un proche), une prise trop importante d'excitants pendant la journée, par l'environnement de sa chambre (bruit, température, qualité de la literie, télévision ou ordinateur regardés au lit), des dîners trop copieux... "Le réveil à 3 heures du matin peut être dû à une hyperactivité dans la journée qui a empêché tout temps de réflexion", explique, à titre d'exemple, le docteur Hélène Bastuji, de l'Hôpital neurologique de Lyon. Dans tous ces cas, le médicament n'est qu'une "béquille", qui empêche de faire la part des choses et masque la ou les causes du trouble du sommeil. Chez les personnes âgées, il convient, notamment, de mieux prendre en compte leurs conditions de vie. Pas étonnant qu'elles dorment mal si, dans les maisons de retraite, elles sont mises au lit à 19 heures, si elles ne voient pas souvent la lumière du jour et si elles prennent leur repas à des horaires décalés.

Mais l'insomnie n'est pas seulement une affaire d'hygiène de vie. Elle peut être liée à des maladies psychiatriques, à un syndrome des jambes sans repos ou à des apnées du sommeil. "On peut suspecter l'apnée du sommeil si le patient a des ronflements très anciens avec une respiration irrégulière pendant la nuit, s'il est fatigué le matin et pique du nez dans la journée", décrit Mme Bastuji.

Avant de se précipiter sur un traitement médicamenteux, il existe un premier examen très simple, l'actimétrie, mais non reconnu par la Sécurité sociale. Il s'agit d'un bracelet "enregistreur" qui permet d'analyser le rythme veille-sommeil et d'évaluer la qualité et la quantité du sommeil. "Ainsi, on sait si l'insomnie est réelle ou ressentie", explique Mme Bastuji. En outre, de plus en plus d'études soulignent les bienfaits des thérapies cognitivo-comportementales mais aussi de la photothérapie dans le traitement des troubles du sommeil. Seul problème : les professionnels sont rares et les séances menées par des psychologues ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale.

Et puis vive la sieste, insistent les spécialistes. A condition qu'elle ne dépasse pas quinze à vingt minutes. "Il ne faut pas arriver au sommeil profond, sinon le réveil est difficile et le sommeil nocturne perturbé", précisent-ils. Le docteur Giordanella propose que des "expériences en entreprise" soient menées.

Sandrine Blanchard