les pecheurs Imraguen sauvés par un parc national

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 30 Déc 2006, 06:56

dans Libération:

a écrit :

Biodiversité. La sociologue Marie-Laure de Noray-Dardenne publie un livre sur le peuple du banc d'Arguin, en Mauritanie, dont la survie doit beaucoup à la création d'un parc national.

[center]«Les pêcheurs Imraguen font aussi partie de l'écosytème»[/center]

Par Alexandra SCHWARTZBROD
QUOTIDIEN : vendredi 29 décembre 2006

Le parc national du banc d'Arguin, en Mauritanie, a fêté ses 30 ans cette année. Dans un ouvrage passionnant (1), la sociologue Marie-Laure de Noray-Dardenne (2) raconte comment la création de ce parc a permis de protéger un peuple, les Imraguen, qui vit essentiellement de la pêche sur le banc d'Arguin, une des grandes richesses écologiques de la planète.

Qui sont les Imraguen ? 

Les Imraguen sont aujourd'hui 1 200 à 1 500. Ce sont d'anciens tributaires (les Mauritaniens disent «esclaves») des familles maures du désert propriétaires de troupeaux de chameaux. Ils étaient envoyés à la pêche au banc d'Arguin à la grande saison du mulet, d'octobre à février. Jusqu'au début du XXe siècle, ils étaient essentiellement nomades et se déplaçaient le long du banc en campements. Ils partaient plusieurs mois et, quand il n'y avait plus de mulet, revenaient avec le poisson que les femmes avaient fait sécher. Et là, ils devenaient bergers. Ils cumulaient ainsi au cours d'une année, deux activités carrément distinctes.

Ils ont un mode de pêche très particulier... 

La grande originalité topologique ­ et donc écologique ­ du banc d'Arguin, c'est que les gens y ont pied sur des dizaines de kilomètres. Ce sont des fonds extrêmement riches, les mulets y nichent dans les vasières. Et les Imraguen y pêchent au filet d'épaule. Un rabatteur tape avec un bâton dans l'eau, les mulets sautent et se précipitent dans les filets, tout ça à pied dans l'eau. Maintenant, ils ont des «lanches», ces bateaux à fond plat et à voile latine. Car, peu à peu, ils se sont sédentarisés. Ils sont maintenant installés sur neuf villages, en plus de Nouakchott et Nouadhibou, où ils vendent leurs poissons.

Quels dangers les guettent ?

Plusieurs sortes. Il y a quinze à vingt ans, un marché énorme de l'aileron de requin s'est développé. Les Asiatiques avaient entrepris de venir au banc d'Arguin piller l'espèce qui a été reconnue en danger. Le parc a décrété un interdit de pêche au requin qui est toujours valable. L'autre danger c'est que les mareyeurs, les commerçants des villes, viennent acheter tout le poisson du banc d'Arguin et que les Imraguen n'aient plus de quoi se nourrir. Ils n'ont presque pas le droit d'avoir individuellement des véhicules, le nombre de véhicules permanents étant limité à trois environ par les autorités du parc, justement pour éviter pollution et pillage des lieux. Autre menace, le pétrole. L'exploitation de l'or noir commence au large de Nouakchott, proche de la limite sud du banc d'Arguin. Les Mauritaniens y ont mis des conditions drastiques pour limiter les dégâts. Le risque surtout, dans cette région, c'est que l'on s'occupe davantage des poissons et des oiseaux que des humains. Les Imraguen le disent eux-mêmes : «Nous aussi on fait partie de l'écosystème, il faut nous préserver !»

De quelle façon ?

C'est vrai que, s'ils sont trop nombreux, ça met en péril l'équilibre écologique, ça épuise la ressource. Donc, les institutions, les bailleurs de fonds font en sorte qu'ils se maintiennent, mais plus en protecteurs de la nature qu'en tant que peuple autochtone. On est dans la recherche constante de l'équilibre homme nature. Au coeur du problème développement contre écologie. Avec tous ses paradoxes. Les Imraguen ne s'en accommodent pas trop mal car ils sont très mobiles. Ils se partagent entre le village (lieu de la pêche), la brousse (où ils vont boire le lait de chamelle), et la ville où ils vont se faire soigner. Mais pendant combien de temps encore ? Il y a aussi un risque à plus long terme : la montée du niveau de la mer, qui mettra peu à peu en péril ce type même de pêche et les particularités de cet écosystème «bouillon de culture» lié à la présence de ces hauts-fonds. Une chose est sûre, le banc d'Arguin étant une zone de production importante mais saisonnière, s'il n'y avait pas eu la création du parc national, l'endroit aurait été pillé par la demande internationale et les Imraguen auraient peut-être disparu.

La légende dit que le banc d'Arguin a été le théâtre du naufrage de la Méduse immortalisé par Géricault... 

Ce n'est pas une légende, l'histoire est véridique, on dit même qu'il y a eu des survivants, une femme aurait épousé un chef maure, il y aurait donc des descendants de survivants du radeau. Si le lieu est à ce point dangereux c'est à cause de la présence du banc, avec ses fonds si peu profonds. C'est pour ça que les Canariens se déplaçaient en lanches pour aller pêcher le mulet.

(1) Le Livre des Imraguen, ed. Buchet-Chastel.
(2) Auteur du roman, Bamako-là, publié en 2006, ed. Punctum sous le nom de Marie Dardenne.


canardos
 
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