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Message Publié : 10 Jan 2007, 08:32
par canardos
a écrit :

Pays européen le plus peuplé en ours, il attire des milliers d'amateurs étrangers.
La chasse accourt en Roumanie



Par Luca NICULESCU
Libération : lundi 8 janvier 2007
Bucarest de notre correspondant

La Roumanie sera-t-elle le paradis des chasseurs européens ? Fort possible, car ce pays est l'un des rares où le gros gibier abonde toujours. Selon les chiffres officiels, il y aurait quelque 6 700 ours dans les monts des Carpates. «C'est 60 % de plus que le nombre optimum», annonçait, il y a quelques mois, Vasile Lupu, l'ancien secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Ce chiffre fait de la Roumanie le pays le plus peuplé en ours de toute l'Europe. Mais il n'y a pas que ces plantigrades : des dizaines de milliers de loups, de sangliers, de renards ou de cerfs errent dans les forêts roumaines qui couvrent le quart du pays.

«Massacre».

Les chasseurs occidentaux n'ont d'ailleurs pas attendu l'entrée de la Roumanie dans l'Europe pour venir ici. Chaque année, des milliers de Français, d'Allemands ou d'Italiens participent à des chasses qui se terminent parfois à la une des médias. Ainsi, voici deux ans, lors d'une partie organisée par le richissime homme d'affaires Ion Tiriac (l'ancien manager de Boris Becker), à laquelle participaient plusieurs financiers étrangers et l'ancien Premier ministre Adrian Nastase, pas moins de 185 sangliers furent abattus en deux jours. «Massacre !» s'était exclamée la presse locale. «Pas du tout, a alors répondu l'incriminé ; la réserve comptait 600 têtes, il y en avait 200 de trop. D'ailleurs, je n'organise qu'une seule partie de chasse par an.» En 2004, un autre incident avait impliqué le roi d'Espagne, Juan Carlos, qui aurait tué cinq ours et deux sangliers d'affilée.
L'ancienne star du cinéma français Brigitte Bardot, reconvertie dans la défense des animaux, a d'ailleurs accusé le gouvernement roumain d'encourager le massacre d'espèces menacées. Sensibilisé à la question, le président Jacques Chirac avait soulevé ce problème avec Adrian Nastase, en lui parlant de l'inquiétude que le tourisme de chasse suscitait pour la préservation des espèces. Réponse de l'intéressé : «Les associations écologistes étrangères nous donnent des conseils sur les ours alors que, dans leurs pays, ces animaux ont disparu depuis longtemps.» La Roumanie a même proposé à la France de lui envoyer gratuitement cinq ours pour les Pyrénées, l'Hexagone préférant finalement des spécimens slovènes.

Beaucoup de femelles. 

Alors que les militants de la cause animale estiment que les chiffres sont surévalués en Roumanie, l'Association roumaine des chasseurs pense que le chiffre de 6 700 ours est bien réel. Les raisons de cette hausse de l'effectif : «Le nombre beaucoup plus grand de femelles par rapport aux mâles. Le rapport des sexes est ici de deux à un, alors que le rapport normal est de un pour un. Autre raison, depuis quelques années, les hivers sont de plus en plus chauds et les ours hibernent de moins en moins.» Par c onséquent, il arrive que des femelles aient trois ou quatre petits, contre un ourson en temps normal.

Sans contredire ces chiffres, Mircea Dutu, recteur de l'université écologique de Bucarest, apporte un autre éclairage. Depuis quelques années, le comportement des ours a changé et les cas d'agression de personnes se multiplient. «Avant, l'ours fuyait l'homme ; aujourd'hui, il n'a plus peur», affirme-t-il. En effet, depuis la chute du régime communiste, bon nombre de forêts ont été restituées à leurs anciens propriétaires. «L'homme a donc pénétré dans l'habitat naturel de l'ours brun en construisant des chalets dans les forêts. De plus, l'exploitation chaotique du bois perturbe l'habitat naturel des ours.» Chaque été à Brasov, dans le centre de la Roumanie, on dénombre des attaques parfois mortelles. Pour Mircea Dutu, ce ne sont pas seulement les ours qui posent problème, mais aussi le public. «Les ours sont attirés par les habitations des banlieues de Brasov et par les touristes qui leur offrent à manger. C'est irresponsable !» Les mois d'été, ces ours dits «éboueurs» sont d'ailleurs une attraction constante pour les touristes roumains et étrangers, malgré les efforts déployés par la mairie qui place des policiers et des gendarmes à la lisière des zones forestières.

«Acte de cruauté».

Pour la saison 2006-2007, le quota de la chasse à l'ours est de 300 bêtes. «Ce quota est bien respecté, assure Vasile Lupu ; il n'y a pas de danger d'extinction de l'espèce. On a vu d'ailleurs que, malgré ces quotas, le nombre d'ours ne cessait d'augmenter.» Selon un diplomate occidental en poste à Bucarest, la Roumanie ne devrait toutefois pas promouvoir les parties de chasse comme objectifs touristiques : «Dans nos sociétés, la chasse est perçue de plus en plus comme un acte gratuit de cruauté envers les animaux. Ce serait dommage que la Roumanie, qui dispose d'un magnifique potentiel touristique, soit connue à travers l'Europe uniquement pour ses parties de chasse organisées pour des hommes d'affaires occidentaux fortunés en quête de gros gibier.»