a écrit :
[center]Le rendement énergétique des biocarburants fait débat[/center]
LE MONDE | 10.01.07 |
Les biocarburants sont-ils des faux amis de l'écologie ? C'est la question qu'a posée l'UFC (Union fédérale des consommateurs)-Que Choisir, en présentant, mercredi 10 janvier, un rapport très critique sur ces carburants à base de végétaux. Depuis 2005, le gouvernement a pris une série de mesures qui visent à porter à 7 % en 2010 et 10 % en 2015 - contre moins de 2 % aujourd'hui - la part des biocarburants dans la consommation du secteur des transports.
Ces carburants présentent l'avantage d'émettre beaucoup moins de gaz carbonique que le pétrole, tout en réduisant la dépendance du pays à l'égard des importations. Cette politique devrait se traduire par la construction, d'ici à 2010, d'une vingtaine d'usines, qui assureront un débouché à plus d'un million d'hectares de cultures.
Pour l'UFC, cette démarche pose deux problèmes : d'une part, le rendement énergétique des biocarburants serait assez faible. De l'autre, la politique fiscale mise en place pour faire décoller le secteur se traduirait par un surcoût pour le consommateur.
Sur le premier point, l'UFC relaie le débat scientifique en cours qui vise à établir si la quantité d'énergie procurée par la combustion des biocarburants est bien supérieure à la quantité d'énergie consommée pour produire les plantes puis transformer celles-ci. L'Agence pour la maîtrise de l'énergie (Ademe) a réalisé une étude concluant à un rendement très favorable, tandis que l'Institut national de recherche agronomique (Inra) affirme, en utilisant une autre méthode de calcul, que ce rendement est beaucoup moins avantageux.
En fait, résume l'UFC, "le biodiesel bénéficie d'un bilan énergétique et écologique significativement positif, ce qui n'est pas le cas de l'éthanol". Cette analyse corrobore une étude publiée, en juillet 2006, dans PNAS, la revue de l'Académie américaine des sciences : "L'éthanol fournit 25 % d'énergie en plus que celle investie dans sa production, alors que le biodiesel fournit 93 % de plus", écrivaient des chercheurs du Minnesota
L'UFC est plus incisive encore concernant les avantages fiscaux accordés aux biocarburants. La loi de finances 2005 a institué une réduction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) de 33 centimes par litre pour le biodiesel et de 38 centimes pour l'éthanol. Elle a également mis en place la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui doit inciter les pétroliers à intégrer des biocarburants à l'essence. Cette taxe frappe ceux qui ne respectent pas un taux progressif d'incorporation de biocarburants. Ils pourraient payer jusqu'à 4,94 centimes par litre d'essence en 2010. L'UFC estime que, s'ajoutant à l'avantage d'une moindre TIPP, le principe de la TGAP "a peu de justification".
Ce dispositif fiscal a été élaboré pour permettre aux biocarburants - qui coûtent plus cher à produire que le pétrole - d'être concurrentiels sur la base d'un baril de pétrole coûtant une trentaine de dollars. Maintenant que le prix du baril est installé à un niveau supérieur à 55 dollars, souligne l'UFC, le système crée une rente indue pour la filière des biocarburants.
L'association de consommateurs estime que le dispositif se traduirait par près de 4 milliards de surcoût pour le consommateur - les bons élèves alignant leurs prix sur ceux des mauvais - et "risque d'assécher d'autres leviers d'action". Elle vise en particulier le désengagement de l'Etat du financement des transports en commun des collectivités locales.
Les professionnels ne contestent pas totalement le bien-fondé de ces critiques. "Nous avions fait faire une étude qui indiquait des bons rendements énergétiques pour le biodiesel, indique Xavier Beulin, président de Sofiprotéol, l'organisation de la filière française de biocarburants. Mais il faudrait arriver à se mettre d'accord sur les ratios." L'UFC propose que soit organisée une "conférence de consensus scientifique" pour trancher la question. Mais sa mise en cause du bioéthanol intervient alors que plusieurs usines sont en chantier, ou déjà construites.
Concernant l'aspect fiscal, M. Beulin rappelle que "cet avantage est nécessaire au démarrage de la filière". "Les investissements cumulés jusqu'à 2010 sont de l'ordre de 2 milliards, il faut les financer, poursuit-il. Mais si le pétrole reste au-dessus de 55 dollars, il est vrai qu'il faudra ajuster la fiscalité."
Les deux parties s'accordent pour juger que l'avenir est à la "deuxième génération" de biocarburants, celle qui utilisera l'intégralité de la plante pour fournir de l'énergie, et non pas simplement les graines. Mais elle est encore en phase de recherche technologique, et ne devrait pas être commercialisable avant 2010.
Hervé Kempf
--------------------------------------------------------------------------------
Lexique
Biodiesel ou diester :
carburant obtenu à partir d'huile d'oléagineux (colza ou tournesol) transformée par un procédé appelé transestérification. Il peut remplacer le gazole dans les moteurs diesel jusqu'à une part de 15 % du carburant.
Bioéthanol :
substitut à l'essence obtenu à partir des plantes contenant de la saccharose (canne à sucre, betterave) ou de l'amidon (maïs, blé). On peut l'incorporer dans le carburant des voitures ordinaires jusqu'à 15 %. Ce pourcentage peut aller jusqu'à 85 % sur des moteurs adaptés, appelés "flex-fuel".
Biomasse :
les carburants à base de biomasse utilisent toute la plante, et pas seulement les graines comme dans le diester ou le bioéthanol. Leur production à l'échelle industrielle interviendrait à partir de 2010. On pourra utiliser les oléagineux, mais aussi les arbres, la paille, voire des déchets. La recherche privilégie la production d'éthanol, notamment à partir de peupliers.