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[center]Belle eclaircie sur le front du cancer[/center]
Une étude portant sur 200 000 patients suivis de 1989 à 1997 montre qu'un peu plus d'un malade sur deux survit après avoir été atteint par la maladie.
Par Eric FAVEREAU
LIBERATION : mercredi 28 février 2007
On survit au cancer, au moins dans un cas sur deux, selon une étude rendue publique hier (1). Un sur deux, c'est-à-dire qu'un malade sur deux meurt aussi. «Il n'y a pas à faire de triomphalisme», a reconnu Henri Pujol, président de la Ligue nationale contre le cancer, «mais ce sont des chiffres de l'espoir». Des chiffres, surtout, qui bougent. «Car cette étude a été menée sur des patients il y a dix ans. Et aujourd'hui, on peut estimer que ce sont plus de 60 % des patients qui sont en rémission à cinq ans.»
Une bonne nouvelle donc, mais d'abord une information inédite. Car, jusqu'à récemment, la France était connue pour la pauvreté de ces données épidémiologiques. Ainsi, les registres départementaux du cancer, où l'on était censé comptabiliser tous les cas et leur évolution, étaient d'une grande indigence. Aujourd'hui, le retard en la matière est en grande partie comblée, comme le montre ce travail.
Deux survies.
Ce sont en effet plus de 200 000 patients, âgés de plus de 15 ans, diagnostiqués cancéreux sur la période 1989-1997, qui ont été suivis. Ces malades ont été recensés dans 14 départements, et plus de 40 pathologies cancéreuses ont été étudiées. On arrive ainsi à un bilan précis et fiable. Les chercheurs ont travaillé sur deux notions : la survie observée et la survie relative, qui inclut l'ensemble des causes pouvant provoquer la mort de personnes atteintes d'un cancer.
Au final, le chiffre est donc de 52 % de survie à cinq ans. Un chiffre médian à prendre avec précaution, car il ne tient pas compte des énormes variations selon le type de cancer. Et il n'intègre pas la qualité du traitement, ni le stade de la maladie à partir duquel le traitement a été mis en oeuvre. Il n'empêche, quatre constats peuvent être faits. D'abord, avec ce taux, la France est l'un des pays au monde où la survie est la plus importante. Deuxième constat, la femme se défend mieux : la survie à cinq ans est beaucoup plus élevée chez la femme (63 %) que chez l'homme (44 %). «Les moins bons résultats obtenus chez l'homme s'expliquent en partie par des cancers plus graves et plus difficiles à détecter comme le cancer du poumon ou de l'oesophage», expliquent les chercheurs. Ainsi, parmi les 35 localisations de cancer communes aux deux sexes, «28 ont une survie plus élevée chez la femme. La différence est particulièrement visible pour les cancers de la tête et du cou, où l'on observe une différence de 10 à 17 points». De fait, «on peut considérer que l'alcoolo-tabagisme explique une bonne partie de cet écart».
Guérison à 95 %.
Troisième enseignement, les cancers ne se ressemblent pas. Selon l'organe touché, on peut aller de 90 % de survie à moins de 10 % dans d'autres cas. Il y a des cancers où les thérapeutiques se révèlent ainsi extrêmement efficaces (lire le tableau ci-contre) comme le cancer des testicules, guéri à plus de 95 %, la maladie de Hodgkin à 85 %, le sein à 85 %, la thyroïde chez la femme à 95 %. A l'inverse, il y a des cancers où les pronostics restent très inquiétants, comme le cancer du foie (moins de 7 % de survie), le cancer du poumon (13 % de survie chez l'homme, 18 % chez la femme). Et d'autres dont les résultats sont mitigés. Le cancer de la vessie (50 % de survie chez la femme), le cancer du larynx (54 % de survie chez l'homme).
Quatrième constat, l'âge, qui tend à devenir un critère important. «La survie relative varie de façon importante selon l'âge du patient... Ce phénomène est évidemment la résultante de l'interaction de plusieurs phénomènes, détaille l'enquête. Une plus grande fragilité des sujets âgés, un stade de la maladie au moment du diagnostic plus évolué, la nature des tumeurs qui diffère en fonction de l'âge.» Mais aussi «une thérapeutique moins agressive et moins efficace», comme si, dans la pratique, les cancérologues hésitaient encore à combattre activement les cancers chez la personne âgée. «Il y a une vraie différence entre avant et après 75 ans», relève cette étude.
Enfin, un regret. Cette radiographie, pour massive qu'elle soit, ne rend pas compte de l'évolution. C'est une photo à un moment donné. Les chercheurs pointent néanmoins «des évolutions favorables. L'amélioration est réelle et importante pour des localisations comme le lymphome malin non hodgkinien. En revanche, les progrès observés pour les cancers du sein, de la thyroïde ou de la prostate sont à porter au bénéfice de diagnostics plus précoces».
Urgent.
Un cas d'école : le cancer colorectal, l'un des plus répandus. Si l'amélioration de la survie a été forte dans les années 80, passant d'un tiers à prés de 60 %, aujourd'hui les progrès sont faibles. «Il devient urgent de généraliser le dépistage», a insisté Pujol. Avant de conclure : «Si maintenant on vit de plus en plus après un cancer, encore faut-il que cette vie soit de qualité. C'est le défi à venir.»
(1) Ce travail a été mené par le Réseau français des registres du cancer, avec le soutien financier de la Ligue nationale contre le cancer.