dans le journal du CNRS d'avril:
a écrit :
[center]Les argiles s'affichent[/center]
Des particules d'argile se comportent comme les cristaux liquides qui composent les écrans de nos appareils photo et de nos réveils ! Il est en effet possible de les orienter à l'aide d'un champ magnétique, à l'instar des cristaux liquides, soumis pour leur part à un champ électrique. Publiée dans la revue PNAS1, cette observation a été réalisée à partir d'argile en suspension dans l'eau, grâce à une collaboration entre chimistes et physiciens de quatre équipes CNRS2.
Et pourrait renforcer l'attrait de ces argiles, déjà largement utilisées par les industriels, notamment dans les domaines des cosmétiques ou du génie civil.
L'objectif de Laurent Michot, directeur de recherche au LEM, et de ses collègues : déterminer quelles contraintes extérieures influencent les argiles, qui, mêlées à de l'eau, forment des gels. Ces intermédiaires entre liquide et solide sont en effet utilisés dans de nombreuses applications industrielles, comme les fluides de forage.
Pour cela, ils ont étudié la manière dont des particules s'organisent dans l'eau au cours de ce processus. Résultat, ils ont observé qu'avant la formation du gel, une « nontronite » – argile naturelle riche en fer – se séparait spontanément en deux couches superposées, au bout de quinze jours à quatre mois selon les cas : celle du dessous s'oriente dans une certaine direction, tandis que l'autre reste désordonnée. Pour tester l'influence d'un champ magnétique sur cette séparation, les chercheurs ont voulu profiter du contenu en fer élevé de cette argile et ont donc placé la suspension entre deux aimants permanents. Bilan ? L'orientation de la couche inférieure fut encore plus prononcée : « Après quelques dizaines de minutes seulement, on observe en lumière polarisée que les particules, feuillets d'un nanomètre d'épaisseur, s'orientent dans la direction du champ magnétique », s'enthousiasme Laurent Michot. Un comportement confirmé au Synchrotron de Hambourg. Deux autres argiles testées depuis présentent également cette capacité à s'orienter. Et donc à faire passer ou non, par exemple, la lumière comme le font les cristaux liquides de nos écrans. Cette influence de contraintes extérieures amène les chercheurs à se poser d'autres questions : quels rôles exacts jouent la taille et la charge des particules dans la structuration des suspensions ? Un champ électrique peut-il aussi influer sur elles ? Des aspects essentiels pour modéliser enfin les caractéristiques de ces boues.
Aude Olivier
1. PNAS, vol. 103, n° 44, 31 octobre 2006, pp. 16101-16104.
2. Laboratoire « Environnement et Minéralurgie » (LEM, CNRS / INPL Nancy), Laboratoire d'énergétique et de mécanique théorique et appliquée (Lemta, CNRS / Université Nancy-I / INPL Nancy), Laboratoire de Physique de la matière condensée (PMC, CNRS / École polytechnique), Laboratoire de physique des solides (LPS, CNRS / Université Paris-XI).