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[center]Découverte sur le mécanisme moléculaire des cancers[/center]
LE MONDE | 17.04.07 |
Une équipe de biologistes et de généticiens travaillant dans différents laboratoires publics et privés de Nancy et de Strasbourg annonce, dans l'édition datée du lundi 16 avril des Comptes rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS), avoir identifié une série de mécanismes moléculaires jusqu'à maintenant inconnus qui semblent directement impliqués dans les processus cancéreux. Cette découverte laisse espérer de nouvelles avancées pour le diagnostic et la thérapie des cancers.
Ce travail repose sur les acquis fondamentaux issus des travaux conduits depuis un quart de siècle dans le domaine de la génétique du cancer, qui établissent que les processus cancéreux sont la conséquence d'une série de mutations conduisant à la dérégulation de certains gènes. "Nous sommes partis du constat que le génome humain contient environ 30 000 gènes et que ce qui était jusqu'ici connu concernant les mutations potentiellement cancéreuses ne permettait pas d'expliquer l'hétérogénéité moléculaire observée parmi les cancers, explique Bernard Bihain, président de Genclis, une jeune société de biotechnologie, qui a dirigé ce travail. Pour expliquer cette hétérogénéité, la recherche concernait essentiellement soit l'ADN soit les protéines. Sans résultats. Nous avons eu l'idée - un peu saugrenue - d'aller explorer la zone intermédiaire, celle située entre l'ADN et les acides ribonucléiques (ARN) qui sont à la source de la production des protéines."
Cette exploration a permis aux auteurs de la publication dans les PNAS de découvrir des anomalies de communication entre ADN et ARN. Ils ont travaillé sur les séquences moléculaires issues des millions d'analyses des lésions cancéreuses conservées depuis une vingtaine d'années dans des banques biologiques publiques. Ils ont ensuite comparé ces séquences pathologiques, observées sur de multiples catégories de cancers humains, aux mêmes séquences provenant de tissus sains.
"Nous avons eu la chance de pouvoir mettre en évidence que le processus cancéreux ne résultait pas des seules mutations de l'ADN, mais qu'il était conditionné par l'environnement de cet ADN, résume Bernard Bihain, ancien directeur d'une unité de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En d'autres termes, nous avons découvert la clef moléculaire qui fait qu'une lésion cancéreuse apparaît dès lors qu'ADN et ARN ne respectent plus les règles universelles du code génétique. Ce phénomène existe normalement à très bas bruit, mais a des conséquences pathologiques dès lors qu'il prend des proportions importantes."
D'ORES ET DÉJA BREVETÉE
On sait ainsi, désormais, que les cellules cancéreuses contiennent des protéines dont la séquence d'acides aminés était jusqu'ici inconnue. "Ces protéines représentent autant de cibles potentielles d'anticorps à visée diagnostique et thérapeutique", estime le professeur Pierre Oudet (Cancéropôle du Grand-Est, hôpital de Hautepierre, Strasbourg), cosignataire de la publication.
Cette découverte fondamentale, d'ores et déjà brevetée dans ses applications, laisse penser que la variété des protéines pouvant être produites au sein d'un organisme est beaucoup plus grande que ce que l'on imaginait sur la base des résultats obtenus à partir du séquençage du génome humain.
La publication des PNAS vient, après une série de résultats récents dans le domaine des cellules souches ou des neurosciences, démontrer, à l'échelon génétique cette fois, l'existence d'une complexité et d'une plasticité dont on n'avait jusqu'alors aucune idée. Un phénomène dont on est sans doute encore loin d'avoir mesuré la portée, tout comme l'usage qui pourrait en être fait.
Jean-Yves Nau