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[center]L'Italie menacée de catastrophe écologique par sa gestion des déchets[/center]
LE MONDE | 28.04.07 |
ROME CORRESPONDANT
L'Italie est priée de mettre rapidement de l'ordre dans la gestion de ses déchets. Tel est le sens de la décision rendue jeudi 26 avril par la Cour européenne de justice. Les juges de Luxembourg ont donné raison à la Commission européenne, qui avait lancé en 2003 une procédure d'infraction contre l'Italie pour non-respect de trois directives concernant la récolte et le traitement des déchets.
L'instance judiciaire européenne a rejeté le recours introduit par le gouvernement italien, estimant que "le bien-fondé des carences attribuées à la République italienne ressort clairement du dossier". Pour la Cour, "il est incontestable qu'il y avait sur le territoire italien (au moment de la procédure lancée par Bruxelles) un nombre considérable de décharges dont les gestionnaires n'avaient pas garanti le recyclage ou l'enfouissement des déchets de manière telle à ne pas mettre en danger la santé de l'homme et l'environnement".
Comme la Commission, les juges européens s'appuient sur les statistiques du Corps forestier d'Etat italien : 4 866 décharges illégales avaient été recensées en 2002 dans la Péninsule, dont 705 contenaient des déchets dangereux sans aucun contrôle.
Rien n'a été fait pour une remise en ordre avant le 16 juillet 2002 comme l'avait souhaité la Commission, d'où la procédure d'infraction ouverte à l'époque contre Rome. Avec cet arrêt de la Cour de justice, l'Italie s'expose à une nouvelle procédure, assortie cette fois de pénalités financières. Entre-temps, la situation ne s'est pas améliorée. "L'urgence déchets" est à nouveau déclenchée en Campanie, la région de Naples étant la plus touchée par le phénomène des décharges clandestines de déchets urbains et industriels, la plupart aux mains de la criminalité organisée (Le Monde du 25 avril). Le retard italien en matière de tri sélectif et pour la mise en place de filières de recyclage concerne de nombreuses régions, notamment dans le Sud (Sicile, Calabre, Pouilles, etc.), où la gestion des déchets est depuis plusieurs années sous administration spéciale.
Une situation d'engorgement et de pollution que la région de Rome commence à redouter : "Les images de la Campanie, avec des montagnes de déchets le long des routes ou dans des dépôts temporaires, peuvent devenir une réalité à court terme dans le Latium", a déclaré, vendredi 27 avril, Primo Mastrantoni, dirigeant de l'Association pour les droits des usagers et des consommateurs.
Ce cri d'alarme faisait écho à une lettre ouverte du président de la région, Piero Marrazzo (centre-gauche) à Romano Prodi, pour se plaindre "des retards injustifiables" du ministère de l'environnement pour approuver le plan régional sur les déchets. A cause de ces atermoiements, explique-t-il, "la situation pourrait prendre une tournure d'une extrême gravité". Dans le Latium, un plan lancé en 1993 prévoyait en particulier la construction d'incinérateurs et des investissements en matière de tri sélectif et de recyclage. Il n'a jamais été suivi d'effets.
Le poids de la criminalité environnementale, estimé à 23 milliards d'euros par le dernier rapport de l'association écologiste Legambiente sur les éco-mafias, a poussé le gouvernement à adopter, le 24 avril, un projet de loi visant à introduire la notion de délit écologique dans le code pénal italien. Les sanctions sont alourdies pour les pollueurs et les trafiquants de déchets, qui encourront, si le texte est adopté par le Parlement, jusqu'à cinq ans de prison, voire dix ans en cas de catastrophe écologique.
Jean-Jacques Bozonnet