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Message Publié : 04 Juin 2007, 14:52
par canardos
dans le juornal de juin du CNRS:

a écrit :

[center]Culture du manioc : les clefs du succès[/center]


Pourquoi les Amérindiens font-ils partie des meilleurs cultivateurs de manioc au monde ? Parce qu'ils savent préserver la diversité génétique des plants dans leurs parcelles. Ce sont les récents travaux1 de l'équipe du professeur Doyle McKey, chercheur au Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier2, portant sur des cultivateurs traditionnels de Guyane et du Guyana, qui viennent de mettre au jour leur secret.

À la base de l'alimentation d'un demi-milliard de personnes dans la ceinture intertropicale, le manioc est majoritairement reproduit par bouturage : une petite branche est coupée et directement plantée dans la terre. Pratiquée seule, cette technique, qui revient à cloner des plantes sélectionnées, pourrait conduire à l'appauvrissement génétique des populations domestiquées, et à la perte de leurs capacités d'adaptation à divers évènements comme une sécheresse ou l'arrivée d'un pathogène. La parade des paysans amérindiens ? Incorporer régulièrement dans leurs cultures des plantes issues de graines de manioc qui dormaient sous la terre. Celles-ci ont en effet la propriété de pouvoir rester en « dormance » plusieurs décennies, pour germer lorsque l'environnement devient favorable. Lorsque cela se produit, les Amérindiens sélectionnent certaines de ces plantes issues de la reproduction sexuée pour les incorporer à leurs boutures. À chaque génération, quelques plantes issues de graines rejoignent ainsi le stock des clones. Ces pratiques traditionnelles ont plusieurs conséquences : d'abord, elles peuvent faire réapparaître des types de manioc abandonnés. Ensuite, elles constituent une véritable « assurance » pour les agriculteurs traditionnels : « Même s'ils n'ont plus rien à planter, témoigne le chercheur, ils ouvrent de nouvelles parcelles dans d'anciennes jachères, et attendent qu'émergent de nouvelles plantes issues de graines. »

La même équipe s'est intéressée aux flux éventuels de gènes entre la plante domestiquée et ses parents sauvages : « Nous avons démontré que le manioc domestiqué en Guyane est capable de s'hybrider avec le manioc sauvage, et de produire des descendants fertiles. » Ces résultats pointent la nécessité de protéger les plantes sauvages, véritable réservoir naturel de gènes, d'une « inondation  génétique » susceptible de conférer les mêmes caractéristiques à toutes ces populations. D'autant plus que la recherche pour produire des variétés de manioc génétiquement modifiées est en cours.

Ces travaux ont valu à Doyle McKey  le prix Terra Ficaria 2006 de la Fondation Yves Rocher / Institut de France.


Marie Lescroart

1. Biological Conservation, vol. 136, n° 4, mai 2007, pp. 541-551.
2. Centre CNRS / Universités Montpellier-I, II et III / Ensa Montpellier / Cirad / EPHE.
3. Molecular Ecology, 2007 (à paraître).