medecine et profits

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par othar » 30 Juin 2007, 12:21

un article interressant dans le monde :

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-...6-929117,0.html

a écrit :
Lundi 25 juin, le Comité d'éthique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a affiché sur son site Internet le message suivant : "Nous avons été saisis de questions éthiques posées par les modalités de validation et de mise sur le marché d'un test de dépistage précoce des cancers. (...)" Le Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé a été saisi de la même question, tout comme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports.


Aucun nom n'est cité. Il s'agit là d'une affaire étonnante, à la fois hors norme et dérangeante, une affaire située aux confins du commerce et de la recherche en cancérologie. Un dossier qui met brutalement en lumière les failles existant encore dans le contrôle par les autorités sanitaires françaises des outils médicaux de dépistage.

Tout commence en 2000, lorsque Patrizia Paterlini-Bréchot et ses collaborateurs de l'unité 370 de l'Inserm annoncent, dans l'American Journal of Pathology, une importante première : la mise au point d'une technique biologique sophistiquée permettant, le cas échéant, d'isoler dans le sang humain des cellules de nature cancéreuse. Cette méthode performante est rapidement reconnue au sein de la communauté spécialisée : elle permet d'identifier une seule de ces cellules au sein d'un millilitre de sang, soit parmi 10 millions de globules blancs et 5 milliards de globules rouges.

D'emblée, cette découverte laisse espérer que l'on pourra bientôt disposer d'un marqueur de l'efficacité des traitements anticancéreux mais aussi de prédire le risque de récidive ou de métastases. Elle ouvre aussi des perspectives de dépistages généralisés permettant une identification très précoce des personnes pour lesquelles un diagnostic de cancer n'a pas encore été porté.

Ce test est dénommé ISET (isolation by size of epithelial tumour cells) oncologie. Depuis quelques mois, la méthode est commercialisée par la société française Metagenex. Elle est ainsi largement proposée au corps médical par l'intermédiaire du laboratoire de biologie médicale Lavergne, situé dans le 16e arrondissement de Paris. Ses directeurs, les docteurs Jean-Claude et Laurent Zerat, expliquent qu'il s'agit là d'un marqueur biologique de choix "pour apprécier le potentiel d'agressivité" de certains cancers comme ceux de la prostate, du sein, du colon, du poumon ou du foie. Rappelant qu'ISET oncologie a été développé par l'unité 370 de l'Inserm, ils soulignent "avoir été le premier laboratoire privé français à proposer ce test en routine". La méthode est actuellement facturée 165 euros, sans remboursement par la Sécurité sociale.

Il n'y aurait là que l'application logique d'une avancée en biologie sans cet étonnant paradoxe : Patrizia Paterlini-Bréchot s'oppose avec force à l'usage qui est aujourd'hui fait de sa découverte. "J'estime qu'une série d'arguments majeurs, tant de nature éthique que scientifique, interdisent en l'état de commercialiser cette méthode, explique-t-elle. Il nous reste à mener différents programmes de recherche, et notamment ceux visant la validation de l'utilisation du test chez les patients avec cancer et ceux visant la démonstration moléculaire que la cellule identifiée dans le sang est bien cancéreuse et correspond à tel ou tel cancer."

"Rien ne permet aux cancérologues, à l'heure actuelle, de se servir des résultats qui leur sont communiqués après ce test, ajoute la chercheuse. Imaginez leur dilemme vis-à-vis de leurs patients et l'angoisse de sujets auxquels on dit qu'ils ont, peut-être, un cancer qui se développe quelque part dans l'organisme sans que cela soit certain... Des examens type scanner peuvent être effectués à répétition, à la charge de la Sécurité sociale, sans raison. Certains médecins prennent contact avec moi et, à mon grand dam, je me dois de leur communiquer ces éléments."

Plus étonnant encore, toutes les démarches qu'elle a entreprises ces derniers mois - auprès de la Haute Autorité de santé, de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou de la direction générale de la santé - sont restées vaines. Pour l'heure, un de ses rares soutiens est celui de Dominique Maraninchi, président de l'Institut national du cancer.

Comment un chercheur ayant déposé un brevet peut-il en venir à perdre le contrôle de l'application de sa découverte ? L'affaire se complique ici du fait que c'est Mme Paterlini-Bréchot elle-même qui, en 2001, a fondé la société Metagenex. Répondant aux incitations officielles de l'époque, il s'agissait pour cette chercheuse de trouver, tout en restant dans un organisme public, les capitaux privés lui permettant de promouvoir et de diffuser les tests "ISET oncologie". Elle n'a, en définitive, pu obtenir de l'argent qu'en juillet 2006 lorsque les sociétés Axa et Banexi décident d'investir 2,5 millions d'euros. David Znaty, inconnu dans le monde de la biologie, devient alors président du directoire de Metagenex.

Peu de temps après la signature du contrat, la situation s'est rapidement tendue. Les affrontements n'ont, depuis, jamais cessé de se radicaliser et le conflit prend aujourd'hui une nouvelle dimension avec la saisine des deux principales institutions françaises en charge de bioéthique. Dans son communiqué, le Comité d'éthique de l'Inserm précise qu'il va réaliser "des consultations et des auditions". Surtout, le comité d'éthique précise qu'il "lance un appel aux chercheurs, agences de réglementation et industriels pour recueillir le témoignage de personnes qui auraient une expérience - ou auraient élaboré une réflexion - concernant les questions éthiques qui ont pu, ou peuvent se poser actuellement, lors de la mise sur le marché de tels tests, en particulier dans le cadre de partenariats public-privé".

La chercheuse de l'Inserm accuse les investisseurs de ne pas tenir leurs engagements sur la constitution d'un conseil scientifique et le financement des études de validation de l'efficacité, préalable indispensable, selon elle, à la commercialisation.

"Cette gestion non éthique et non scientifique de notre test "ISET oncologie" est également une catastrophe économique, car il est impossible de diffuser une telle méthode sans les validations requises, ajoute-t-elle. Or, au dernier et récent congrès de la Société américaine de cancérologie, notre concurrent américain, qui a développé un test moins performant que le nôtre, a présenté des études de validation permettant sa diffusion internationale, alors que Metagenex, n'ayant rien fait de sérieux, est pratiquement éliminée de la compétition."

La question est désormais ouverte de savoir qui, des scientifiques ou des financiers, parviendra à l'emporter.
Jean-Yves Nau



othar
 
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Message par gerard_wegan » 30 Juin 2007, 21:32

Les beautés du "partenariat public-privé" dans le financement de la recheche... :(
(plus l'absence de scrupules de gens ayant flairé le bon filon, ce dont il n'y a pas à s'étonner)
gerard_wegan
 
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