"avant" le Big Bang

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par abounouwas » 09 Juil 2007, 18:04

a écrit :
Les cosmologistes s'aventurent de l'autre côté du Big Bang
LE MONDE | 09.07.07 | 13h28  •  Mis à jour le 09.07.07 | 13h28

Qu'existait-il avant qu'existe l'Univers ? La physique, comme le sens commun, bute sur cette question métaphysique, aux accents presque théologiques. Celle d'un avant la création, d'une pré-origine, d'une antériorité au commencement.

Une nouvelle pièce vient d'être apportée au débat, avec la présentation, dans l'édition en ligne de Nature Physics du 1er juillet, d'un travail théorique de l'Allemand Martin Bojowald, de l'Institut de physique et de géométrie gravitationnelles de l'université de Pennsylvanie. Il conclut que, s'il est possible d'apprendre quelque chose de ce qu'il y avait avant le début de tout, nous ne pouvons en avoir qu'une compréhension incomplète. Que nous en sommes réduits, à jamais peut-être, aux affres de la spéculation.

Certes, grâce à la théorie de relativité générale d'Einstein, formulée en 1915 et décrivant l'évolution à grande échelle de notre Univers, ainsi qu'à la découverte par l'astronome américain Edwin Powell Hubble, dans les années 1920, que cet Univers est en expansion, il est possible de regarder en arrière. De remonter le temps, jusqu'à l'hypothétique - mais admis par la plupart des scientifiques - événement fondateur, le Big Bang initial, voilà quelque 13,7 milliards d'années. Mais ce compte à rebours s'arrête à une infime fraction de seconde de la "déflagration" originelle : 10 - 43 seconde exactement, quantité temporelle incompressible appelée temps de Planck.

L'Univers que nous connaissons, avec ses milliards de galaxies, était alors tout entier concentré dans un volume infinitésimal - 10 millions de milliards de milliards de fois plus petit qu'un atome -, d'une densité et d'une chaleur incommensurables. Au-delà, ou plutôt en deçà de cet état, les équations de la relativité générale d'Einstein, qui considèrent l'espace-temps comme un continuum, deviennent inopérantes. C'est alors la mécanique quantique qui impose ses lois : celle d'un monde physique qui, à l'échelle de l'infiniment petit, évolue de façon non pas continue mais "discrète", par bonds minuscules, et où règne l'indétermination, l'incertitude, qui veut, par exemple, que l'on ne peut connaître à la fois la vitesse et la position d'une particule, ni, a fortiori, son évolution, future ou antérieure.

Pour franchir l'obstacle, certains physiciens ont échafaudé un système combinant physique classique et mécanique quantique : la gravité quantique à boucles. Un de ses chefs de file, Abhay Ashtekar, directeur de l'Institut pennsylvanien où travaille Martin Bojowald, a ainsi bâti un modèle mathématique avec lequel il a réussi à traverser la barrière du Big Bang. A regarder de l'autre côté du miroir.

"L'OUBLI COSMIQUE"

Qu'y a-t-il découvert ? Dans un article publié, en 2006, dans Physical Review Letters, il décrit l'existence, avant le Big Bang, d'un autre Univers physiquement semblable au nôtre, mais à l'évolution inversée. Au lieu d'être en expansion (de moins en moins dense, de plus en plus froid), il était au contraire en contraction (de plus en plus dense, de plus en plus chaud). Des forces gravitationnelles l'auraient fait se rétracter sur lui-même, jusqu'à ce qu'il atteigne un état où ces forces sont devenues répulsives. Il aurait alors "rebondi", pour donner naissance à l'Univers où nous vivons.

"Attention aux représentations trompeuses !", met toutefois en garde un autre tenant de la gravité quantique à boucles, Carlo Rovelli, du Centre de physique théorique de Luminy (université de Marseille) : "Les notions d'avant et d'après deviennent incertaines quand on s'approche du Big Bang." Il en veut pour image quelqu'un qui marcherait en ligne droite vers le nord et qui, ayant atteint le Pôle, continuerait dans la même direction, mais ne progresserait pas pour autant plus au nord. "De l'autre côté du Big Bang, le temps va-t-il en arrière ou en avant ? Les deux Univers se succèdent-ils, ou sont-ils comme deux jumeaux partant dans deux directions différentes, sans que l'on puisse dire que l'un précède l'autre ?", s'interroge Carlo Rovelli.

Plus qu'il n'éclaire sur l'Univers antérieur, le récent travail de Martin Bojowald incite lui aussi à la prudence. Selon son modèle, associant équations de la relativité générale et de la mécanique quantique, il est mathématiquement possible de remonter au-delà du Big Bang. Il est en revanche impossible d'en connaître toutes les caractéristiques. Tout simplement parce que le Big Bang agit comme un "mélangeur" : un état transitionnel au cours duquel sont irrémédiablement perdus certains aspects de l'Univers précédent. Ce que le chercheur baptise "l'oubli cosmique".

Le scénario cyclique qui, de contraction en expansion, ferait se succéder, depuis la nuit des temps et pour l'éternité, des Univers identiques les uns aux autres, semble ainsi battu en brèche. "Deux Univers qui se suivent ne peuvent jamais être les mêmes", estime Martin Bojowald. Ce que paraît confirmer la cosmologie moderne, qui observe que l'expansion de l'Univers actuel s'accélère et, supputent la plupart des scientifiques, se poursuivra.

Faut-il alors désespérer de percer un jour l'écran du Big Bang ? Gabriele Veneziano, professeur au Collège de France et chef de la division de physique théorique du CERN de Genève, ne le croit pas. Partisan d'une autre approche de la gravité quantique, la théorie des cordes, il observe que celle-ci est compatible avec l'hypothèse d'un Univers antérieur s'étant rétracté sur lui-même avant de rebondir vers le nôtre. De cet autre monde, pense-t-il, doivent persister des traces, dans le spectre du rayonnement fossile hérité des âges brûlants du cosmos. Des indices que les détecteurs d'ondes gravitationnelles, comme l'instrument franco-italien Virgo, permettront peut-être, un jour, de faire parler. A moins de considérer, avec certains astrophysiciens, que le temps commence avec le Big Bang et qu'il n'y a pas d'avant.

Pierre Le Hir
LEXIQUE

LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE
élaborée par Albert Einstein, est une théorie de la gravitation qui décrit la structure et l'évolution de l'Univers à grande échelle. Elle considère l'espace-temps comme un continuum.

LA MÉCANIQUE QUANTIQUE
rend compte, à l'échelle de l'infiniment petit, du comportement des particules élémentaires, qui ne peuvent se présenter que dans des "états" discontinus.

LA GRAVITÉ QUANTIQUE À BOUCLES
cherche à combiner relativité générale et mécanique quantique. Elle stipule que l'espace n'est pas continu, mais formé de boucles, à l'image d'une étoffe tissée de fibres distinctes.

LA THÉORIE DES CORDES
est une autre approche de la gravité quantique. Considérant que la matière est constituée de minuscules cordes vibrantes, elle cherche à unifier toutes les forces (électromagnétique, nucléaire forte, nucléaire faible, gravitation).



Article paru dans l'édition du 10.07.07
abounouwas
 
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Message par jeug » 09 Juil 2007, 18:19

Il faut bien avouer qu'entre les 2 familles de théories qui s'affrontent, l'une d'univers qui se succèdent en accordéon (expansion - rétractation) et l'autre d'un temps qui débuterait avec le big-bang (donc rien avant !), la première est plus facile à admettre par un esprit commun.
Mais peut-être pas par les experts.
jeug
 
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Message par Louis » 09 Juil 2007, 18:20

Voila quelque chose qui me parait hautement (pour ne pas dire complétement) spéculatif Sur quel type de donnée ce genre d'élucubration peut se baser, voila la seule question possible... Cela dit ça va faire plaisir aux hindouistes (dont la religion stipule que l'univers "recommence sans cesse" etc.)
Louis
 
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Message par com_71 » 09 Juil 2007, 18:46

(jeug @ lundi 9 juillet 2007 à 19:19 a écrit : un temps qui débuterait avec le big-bang (donc rien avant !)

Ce résumé de la théorie (en réalité résumé des interprétations induites par des vulgarisateurs souvent eux-mêmes trop simplistes) est bien trop court. Je crois que la plupart des partisans de la théorie ne prétendent pas qu'il n'y avait "rien" "avant", mais que si on remonte le temps jusqu'au big-bang (présumé) on atteint une limite au delà de laquelle "tout" (et non "rien" :roll: ) est inconnaissable.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par chuck » 09 Juil 2007, 19:07

Ouf, j'ai cru un moment que ce fil parlait des frères Bogdanov :roll:

La version de la théorie que j'avais sur l'"avant" big bang, était que la notion de "temps" telle que nous connaissons n'a pas d'existence, car le temps est intimement lié à la matière et à l'espace.

En gros, si on avait une machine à remonter le temps, ou une sorte de caméra qu'on pouvait rembobiner le plus "anciennement" possible, on ne parviendrait à observer l'état initial de l'univers qu'au bout d'un temps infini, car on se rapprocherait de moins en moins vite du "moment zéro".

Bon, je retranscris ça à ma manière, avec mes mots approximatifs, mais je crois que l'idée est là.
chuck
 
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Message par Matrok » 09 Juil 2007, 20:20

Une anecdote : il m'est arrivé il y a longtemps de causer avec un type beaucoup plus calé que moi en physique, et de lui demander ce qu'il y avait bien pu avoir avant le Big Bang. Il m'a répondu que ma question n'avait pas plus de sens que de savoir "ce qu'il y a au nord du Pole Nord". Depuis, j'ai renoncé à me poser ce genre de question avant d'avoir un peu approfondi mes connaissances. Le "Big Bang" n'est jamais qu'une théorie scientifique issue de la relativité générale, et la notion de "temps" qui y est utilisée est (pour ce que je comprends) assez éloignée de ce qu'on entend par là dans la vie de tous les jours, tout particulièrement dans certaines situations "extrêmes". Mais je laisse d'autres en parler, j'avoue mon ignorance...
Matrok
 
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Message par bennie » 12 Juil 2007, 13:22

a écrit : lui demander ce qu'il y avait bien pu avoir avant le Big Bang. Il m'a répondu que ma question n'avait pas plus de sens que de savoir "ce qu'il y a au nord du Pole Nord"

C'est aussi ce que je dis.
Mais visiblement, des spécialistes continuent à chercher ce qu'il y a avant...

Tout cela sont des notions "abstraites", difficiles à "visualiser", et donc à intégrer. On peut les accepter, mais j'ai du mal à en être totalement convaincu.

Ceci dit, je comprend très bien la comparaison avec la recherche du pole nord quand on y est, mais


"Les notions d'avant et d'après deviennent incertaines quand on s'approche du Big Bang." Il en veut pour image quelqu'un qui marcherait en ligne droite vers le nord et qui, ayant atteint le Pôle, continuerait dans la même direction, mais ne progresserait pas pour autant plus au nord. "De l'autre côté du Big Bang, le temps va-t-il en arrière ou en avant ?"
ne me parle pas du tout.
bennie
 
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Message par jeug » 14 Juil 2007, 10:04

(bennie @ jeudi 12 juillet 2007 à 14:22 a écrit : "Les notions d'avant et d'après deviennent incertaines quand on s'approche du Big Bang." Il en veut pour image quelqu'un qui marcherait en ligne droite vers le nord et qui, ayant atteint le Pôle, continuerait dans la même direction, mais ne progresserait pas pour autant plus au nord. "De l'autre côté du Big Bang, le temps va-t-il en arrière ou en avant ?"
ne me parle pas du tout.

Ca ne "parle" à personne. C'est pour ça qu'on utilise des analogies pour "comprendre" autrement. Mais du coup, ça donne une idée très limitée, voire déformée.
En fait, il y a plusieurs définitions différentes au mot "comprendre". Parce que les mots ont un sens commun, celui de leur emploi au quotidien dans notre vie de tous les jours. Et parfois, on emploie les mêmes mots (on devrait en avoir d'autres, d'ailleurs, pour ce faire) pour extrapoler nos connaissances acquises tous les jours à la compréhension de ce qui nécessite plus d'abstraction.

Ainsi, dans l'exemple de la métaphore de la marche en ligne droite vers le pôle nord, ou d'une remontée en deça du big-bang, il ne s'agit ni vraiment d'une marche, ni d'une remontée, ni d'une ligne droite, ni bien sûr ensuite d'une "traversée" du fameux big-bang.
Donc ça fait tellement d'approximations, qu'au bout du compte, quand c'est résumé de manière aussi simpliste, ça n'a plus tellement de sens. C'est juste une image, qui permet de se faire une idée de la démarche, de la vulgariser, mais pas de comprendre.
Pour comprendre vraiment, il n'y a pas de secret, il faut étudier plus.
jeug
 
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Message par shadoko » 14 Juil 2007, 10:55

a écrit :
Je crois que la plupart des partisans de la théorie ne prétendent pas qu'il n'y avait "rien" "avant", mais que si on remonte le temps jusqu'au big-bang (présumé) on atteint une limite au delà de laquelle "tout" (et non "rien"   ) est inconnaissable.

Non, je ne dirais pas les choses comme ça. Le "big bang" est un issu de la relativité générale. Selon la théorie à laquelle tu penses, on ne peut justement pas remonter "au big bang". On peut s'en approcher aussi près qu'on veut mais pas l'atteindre. Ce point n'existe pas. C'est juste une limite qui n'est pas dans l'univers (pas plus que le zéro absolu ne peut être atteint, ou que l'infini ne peut être atteint). Donc, ça n'a certainement pas de sens de se demander ce qu'il y a avant (avant quoi? avant un truc qui n'existe pas?). Tout je viens d'écrire est bâti uniquement à partir de la relativité générale.

Ensuite, il y a la constatation qu'on sait que les équations de la relativité générale ne s'appliquent plus dans des domaines trop petits de la matière (on le constate expérimentalement), et on atteint ces domaines si on remonte vers cette limite. Du coup, il y a un problème, et il faut modifier la relativité générale et/ou la mécanique quantique pour obtenir quelque chose de cohérent, et pouvoir se faire une idée de ce qui a pu se passer.

Enfin, ce dont parle (très mal) cet article, c'est plutôt de ceux qui pensent qu'il n'y a pas cette limite, mais juste un tassement et autre chose avant. C'est tout-à-fait différent. Tout cela est fourré sous le nom "big bang" parce que de toutes manières, qu'il y ait une limite ou qu'en fait qu'en fait il n'y ait qu'un tassement, dans les deux cas, il y une sorte de très forte expansion (un peu comme dans une explosion) après. Mais il ne faut pas mélanger des théories incompatibles (l'une est fausse si l'autre est vraie) et prendre l'une pour un complément de l'autre. Ce sont des possibilités distinctes.
shadoko
 
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Message par Matrok » 14 Juil 2007, 11:00

Enfin bon, on est d'accord sur quelque chose : cet article est de la mauvaise vulgarisation...
Matrok
 
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