Bataille "scientifique" à New York sur les conséquences sanitaires du 11-Septembre
LE MONDE | 10.09.07 | 15h02 • Mis à jour le 10.09.07 | 15h07
NEW YORK CORRESPONDANT
Quand l'affaire a commencé, il y a un an, les six docteurs du Centre de médecine du travail et environnementale de l'hôpital Mont-Sinaï, à New York, n'en ont pas cru leurs oreilles. Ils se retrouvaient accusés par des sommités médicales d'avoir mené leurs recherches sur les conséquences sanitaires des attentats du 11-Septembre à New York de manière "non scientifique".
Ils auraient "gonflé les chiffres" des personnes rendues malades par l'inhalation des poussières suite à l'effondrement des tours jumelles ; et auraient indûment lié l'apparition de maladies à ces inhalations.
Ainsi, eux qui s'étaient mobilisés dès le lendemain des attentats, qui n'avaient jamais compté leur temps pour s'occuper de plus de 15 000 victimes, eux qui avaient mené les premiers bilans sanitaires statistiques au point de devenir des experts reconnus, se retrouvaient accusés ! Après la stupéfaction est venue la rage. Car la polémique n'a fait que gonfler. Le New York Times lui a consacré, le 7 septembre, une pleine page. On pourrait n'y voir qu'une bataille de mandarins. En arrière-plan se profile peut-être une affaire moins "scientifique".
Plusieurs milliers de procédures judiciaires sont encore en cours devant les tribunaux new-yorkais. Elles opposent des personnes qui estiment avoir été rendues malades par l'inhalation des poussières après le 11-Septembre à la ville de New York, qui le conteste. Souvent, les plaignants se fondent sur les rapports des médecins de l'hôpital Mont-Sinaï.
RAPPORTS CONTESTÉS
Le Centre a été fondé par les docteurs Selikoff et Landrigan, deux médecins liés aux milieux syndicaux new-yorkais. "Pendant les mois qui ont suivi (les attentats), écrit le Times, c'était quasiment le seul endroit auquel des travailleurs pouvaient s'adresser", surtout pour des affections pneumologiques et respiratoires. Aujourd'hui, ses médecins se voient reprocher d'avoir privilégié l'intérêt de leurs patients à la science, en "exagérant" les retombées sanitaires réelles des attentats.
En cause, deux de leurs récents rapports. L'un, en 2006, estimait que 69 % des patients présentaient "des symptômes respiratoires nouveaux ou aggravés" depuis le 11-Septembre. Il leur est reproché d'avoir mélangé affections graves et bénignes.
Dans l'autre, publié en mai 2007 par le New England Journal of Medicine, le docteur Robin Herbert, membre du Centre Selikoff, évoquait des "risques de cancers" chez les patients, sans en apporter, aux dires de ses adversaires, de preuve convaincante.
"Ce sont des gens engagés, juge le docteur Albert Miller, un ancien du Centre : mais chaque fois que vous dérogez aux vérifications objectives, vous détruisez votre propre dossier." Ces médecins "devraient être canonisés pour les services qu'ils rendent", rétorque Micki Siegel de Hernandez, du syndicat des travailleurs américains des communications (CWA).
A la veille du sixième anniversaire du 11-Septembre, la mairie de New York a rendu publique une étude portant sur 26 000 employés travaillant à l'époque autour de "Ground Zero". Ceux-ci connaissent depuis 2001 douze fois plus de problèmes d'asthme que la moyenne nationale américaine.
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Sylvain Cypel