Page 1 sur 1

Message Publié : 09 Nov 2007, 08:35
par canardos
marrant, j'ai trouvé ça dans Libération:

a écrit :

Sous Louis XIV, l’autorisation du pain à la levure, ancêtre du débat sur les OGM
Grenelle.



Madeleine Ferrières Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, Aix-en-Provence
Libération : vendredi 19 octobre 2007

Nouveaux risques, nouvelle gouvernance… Décidément, nouveau est l’adjectif favori des déclarations d’intention de Grenelle. Nouveau, vraiment ? Mais nouveau par rapport à quoi, et à quand ? Associer des non experts à une concertation dans des domaines d’intérêt public n’est pas d’une nouveauté radicale. Citons ici l’expérience de 1668 – donc sous le gouvernement très monarchique du jeune Louis XIV. On trouve alors en vente à Paris un pain «nouveau», fait non plus de franc levain, mais de «l’écume de bière» – c’est l’ancêtre de notre baguette. Ce pain nouveau ne contient-il pas un poison inconnu, «un poison lent» aux effets différés ? Et comment savoir si cette miche n’est pas en fait une menace pour la santé ? Et de cabaret en cabaret, la rumeur court et enfle comme la pâte de ce pain qui lève si vite et si bien.

Experts.

On est face à un problème de santé publique – quand les trois livres de pain quotidien fournissent la majorité des calories – et face à une incertitude scientifique – avant Pasteur, on ne comprend guère les phénomènes de fermentation. Levain ou levure ? Ce pain génériquement modifié qui agite l’opinion mobilise les décideurs.

Premier à intervenir, le lieutenant de police La Reynie – l’œil du roi dans la capitale. Il ne se considère pas seulement en charge de la voirie, de l’éclairage et de l’ordre public (ce que les Parisiens résument par la trilogie «crottes, lanternes et catins») mais aussi des questions d’environnement et de santé. Il consulte les experts. Réponse de la faculté : il faut interdire le pain à la levure. Puis le Parlement se saisit de la question et demande l’avis d’un jury, composé à égalité de spécialistes et de non spécialistes. Ces derniers n’ont pas été choisis au hasard. Il n’est pas dans l’esprit du temps de s’en remettre à un tirage au sort pour désigner un panel de consommateurs. L’opinion publique, ou comme on dit, l’esprit public, ne peut émaner de ces couches populaires si versatiles qu’elles seraient bien incapables d’exprimer un avis stable et sensé. Les porte-parole choisis ont la double qualité d’être âgés (l’expérience doit parler) et notables. La distance entre eux et les médecins experts est bien mince. Sans microscope ni laboratoire, l’expert n’est pas complètement nu, mais presque. Et on acquiescerait bien volontiers au principe du XXIe siècle : rapprocher spécialistes et profanes, c’est partir de l’idée que toutes les ressources cognitives mobilisables ne se situent pas du côté scientifique.

Décalage.

A l’issue de la conférence, la réponse est consensuelle : non au pain à la levure ! Un an après, en mars 1670, le Parlement rend son arrêt. Il permet l’utilisation de la levure, sous condition : «faisant défense d’en employer d’autres que celle qui se fait dans cette ville de Paris, fraîche et non corrompue». On observe le même décalage en 1998, quand la première conférence de consensus organisée en France avait recommandé de ne pas autoriser les OGM contenant des gènes de résistance aux antibiotiques. Or, quelques semaines plus tard, le gouvernement autorisait la mise en culture de nouvelles lignées de maïs…