lutte anti ogm: anticapitalisme ou technophobie?

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par canardos » 09 Nov 2007, 09:10

dans le tout nouveau numéro spécial de sciences et pseudosciences (le journal de l'AFIS) consacré aux OGM, voila un article d'un militant révolutionnaire Yann Kindo:

a écrit :

[center]Lutte anti-OGM : anticapitalisme ou technophobie ?[/center]

par Yann Kindo - SPS hors série OGM (à paraître)

Il existe en France (et ailleurs) une opposition systématique et d’ordre politique à la culture de plantes transgéniques. Elle est à juste titre identifiée à la mouvance dite « altermondialiste », dont l’auteur de ces lignes se revendique au moins partiellement. Dans ce milieu spécifique, l’opposition aux OGM joue souvent un rôle politique structurant et relève de l’évidence, presque de l’identitaire. Le choix du refus semble aller de soi sur la base d’une accumulation d’arguments d’ordre sanitaire, écologique, philosophique ou économique. Pris en un tout, une telle accumulation apparaît convaincante. Je conteste néanmoins ce semblant d’évidence.

Les arguments d’ordre sanitaire

C’est cet argument qui l’emporte probablement dans l’opinion publique, parfois persuadée – à tort – de courir de plus en plus de risques en s’alimentant, du fait de « toutes ces saloperies chimiques et OGM qu’ils nous font avaler ». Les OGM, réduits ainsi aux plantes transgéniques, relèvent dans cette optique d’une forme de « malbouffe » particulièrement inquiétante, car nouvelle et méconnue. Pourtant, pour être le plus répandu, cet argument est aussi le plus faible de tous, car le moins étayé par des preuves. Ainsi, aucune étude reconnue par des autorités scientifiques compétentes n’a, à ma connaissance, jamais mis en évidence un risque de cet ordre pour un OGM mis en culture. Beaucoup d’altermondialistes le reconnaissent, expliquant que là n’est pas le principal problème, qui est plutôt d’ordre économique et écologique. Pourquoi alors surfer sur des peurs que l’on admet parfois infondées et sur le sentiment régressif que l’alimentation, « c’était mieux avant » ?

Les arguments d’ordre écologique

Ces arguments renvoient à des phénomènes peut être plus difficiles à évaluer que les risques d’ordre sanitaire. Ils perdent néanmoins du poids au fur et à mesure que le temps passe et que les cultures OGM se répandent : depuis 1996, la mise en culture en plein champ d’OGM s’est considérablement accrue, pour atteindre 102 millions d’hectares aujourd’hui, dont près de la moitié pour les seuls États-Unis (qui, bizarrement, saccageraient ainsi leur propre environnement au lieu de simplement aller « polluer » celui des pays pauvres, comme ils pourraient le faire). Or, à ce jour, si l’on exclut l’hypothèse selon laquelle une gigantesque conspiration cache la vérité sur les dégâts des OGM, aucune catastrophe sanitaire ni écologique ne pointe le bout de son nez. À quel seuil les anti-OGM considéreront-ils que la pratique a tranché ? Des millions d’hectares sur une décennie ne sont-ils pas un ordre de grandeur significatif pour commencer à se faire une opinion ?

Les arguments d’ordre philosophique

« tes-vous en mesure, d’assurer, de prouver que l’utilisation d’OGM en milieu ouvert n’a pas, n’aura jamais de conséquences négatives sur la santé humaine ? ». Cet argument peut sembler de bon sens mais il est tautologique et stérile : nul ne peut prouver qu’à l’avenir on ne va pas découvrir quelque chose que l’on ignore aujourd’hui, car personne n’a le don de prémonition. La recherche a des normes différentes de la voyance... Il me semble donc, que pour les OGM comme pour toute nouvelle invention, il faut se poser très classiquement la question en termes de comparaison entre les bénéfices attendus et les risques estimés, et le faire en endossant évidemment le point de vue du consommateur et du citoyen (et pas de Monsanto), au regard des besoins alimentaires et des équilibres écologiques tels que nous souhaitons les préserver.

Les arguments d’ordre économique

« De toutes façons, à qui profitent les OGM, sinon aux grands semenciers ? ». Dire que le capitalisme repose sur le recherche du profit et que ce moteur-là entre en contradiction frontale avec les aspirations écologiques et sociales est une chose. Dire que les marchandises vendues par les capitalistes n’ont aucune utilité sociale en est une autre, qui relève de l’idéologie de la Décroissance et non, par exemple, de l’analyse marxiste. Comment imaginer que des technologies qui n’offrent aucun avantage hormis à celui qui les vend trouvent preneurs sur un marché, même faussé par des logiques monopolistiques ? Il faut également découpler la question de la production d’OGM de celle du brevetage du vivant : on peut très bien être favorable à l’une et opposée à l’autre, de la même manière qu’on peut être favorable à la production de médicaments efficaces et être opposé au système des brevets qui empêche la copie des molécules et la diffusion de ces médicaments à bas prix.

Au total, une accumulation d’arguments boiteux ne produit pas une évidence solide, mais débouche sur un édifice conceptuel plutôt fragile, et peu pertinent politiquement. La critique du capitalisme et la recherche d’une alternative sociale et écologique n’ont rien à gagner de la disqualification quasi-principielle des OGM, et devrait peut-être plutôt poser les problèmes comme elle le fait pour les laboratoires pharmaceutiques : ce qui est produit est globalement utile à la société, mais celle-ci gagnerait à un contrôle public accru, pour éviter les fraudes et orienter la recherche vers des besoins fondamentaux, même s’ils ne sont pas « rentables » d’un point de vue marchand. On pourrait ainsi mettre les biotechnologies au service de la nécessaire « Révolution Doublement Verte », celle d’une agriculture qui devra nourrir les 9 milliards d’habitants attendus pour ce siècle tout en préservant les équilibres écologiques menacés. Ainsi veillera-t-on à ne pas confondre critique d’un système économique et critique de la technologie.

Yann Kindo est enseignant en histoire-géographie et milite en France au sein l’extrême-gauche anticapitaliste.

canardos
 
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Message par canardos » 17 Déc 2007, 11:34

un autre texte de Yann Kindo dans "BellaCiao":

a écrit :

[center]OGMs et anticapitalisme[/center]


Voici ci dessous un texte que j’ai envoyé à, l’Huma, dans le cadre d’un débat en cours dans la rubrique "Tribune Libre", autour de la question des OGMs et du mouvement anti-OGMs. Bon, c’est pas passé, mais je crie pas à la censure (ils peuvent pas tous passer, et j’ai pas de qualifiacation particulière pour m’exprimer sur le sujet). Voici quand même mon point de vue, assez différent de ce qui se dit généralement dans les millieux altermondialistes et antilibéraux, et qui vise à nourrir (provoquer ?) un débat qui n’a jamais vraiment eu lieu. Pour ceux qui ne sont pas ’accord, merci d’argumenter sur le fond, et de répondre précisément et de ne pas brandir un insultant "à la solde de Monsanto" quelconque.. :

Pour le principe de précaution…. alimentaire !

Je voudrais ici soutenir Gilles Mercier, dont l’article sur les OGMs paru le 2 août dans ces colonnes a suscité des réactions indignées. Je m’inquiète comme lui de glissements qui font passer une pensée technophobe pour de l’anticapitalisme, alors qu’il me semble au contraire que les Faucheurs jouent un rôle méséducatif en pointant du doigt les « responsabilités » d’une technologie (les OGMs) au lieu de cibler le système économique et social qui utilise cette technologie, comme il utilise tout développement technologique, à ses propres fins. Il me semble que le pari que la lutte anti OGM politise et développe une conscience anticapitaliste à partir du refus de cette nouvelle technologie est erroné, et que c’est l’inverse qui se produit : on fait dériver des positions anticapitalistes vers une vision technophobe proche de le Décroissance et de l’écologie profonde, et teintée de théorie du complot. En ce sens là, je pense comme Gilles Mercier qu’il y a régression prémarxiste, et que le titre d’un ouvrage récent sur « Les briseurs de machines : de Ned Ludd à José Bové » est tout à fait pertinent...

Le débat de fond sur les OGMs est très vaste, et je n’aborderai ici que 4 arguments, les deux premiers relevant de la méthode de raisonnement et deux suivants du plan factuel :

1) Dans sa réponse à Gilles Mercier, dans l’Humanité du 8 août, Jacques Fourré l’interpelle d’emblée de manière très significative : « D’abord, Gilles Mercier, êtes-vous en mesure, d’assurer, de prouver que l’utilisation d’OGM en milieu ouvert n’a pas, n’aura jamais de conséquences négatives sur la santé humaine ? ».

Cet argument, systématique dans la bouche des anti-OGMs, se pare des vertus du bon sens et du principe de précaution, et semble imparable : en l’absence de connaissance complète, mieux vaut s’abstenir. Sauf que cet argument est en fait tautologique et stérile : effectivement, Gilles Mercier, pas plus que le plus compétent des biologistes du monde, n’est en mesure de prouver ce qui est demandé, car ce n’est pas « prouvable ». On ne peut pas prouver qu’à l’avenir on ne va pas découvrir quelque chose que l’on ignore aujourd’hui, car personne n’a le don de prémonition. La recherche a des normes différentes de la voyance...

De la même manière que l’on ne peut pas garantir qu’une invasion extra-terrestre ne va pas se produire dans le futur ou que Dieu ne va pas déclencher la fin du monde, on ne peut pas garantir que demain ne vont pas apparaître avec les OGMs des problèmes que l’on ignore aujourd’hui ! Il faut raisonner à partir de ce que l’on sait aujourd’hui, et pas à partir de ce que l’on saura peut être (ou pas) demain, autrement dit : de ce que l’on ne sait pas ! Le principe de précaution tel qu’appliqué par Jacques Fourré, tue dans l’œuf toute idée de progrès : le premier humain qui a cuit ses aliments était-il « en mesure d’assurer, de prouver » que cette ingestion d’aliments cuits n’allait pas se révéler dangereuse à long terme ? Assurément, aux yeux de Jacques Fourré, l’auteur de la première transfusion sanguine était un dangereux irresponsable, un savant fou qui se lançait dans une aventure dont il ne maîtrisait pas tous les tenants et les aboutissants….

Il me semble donc, que pour les OGMs comme pour toute nouvelle invention, il faut se poser très classiquement la question en termes de comparaison entre les bénéfices attendus et les risques estimés, et le faire en endossant évidemment le point de vue du consommateur et du citoyen (et pas de Monsanto), au regard des besoins alimentaires et des équilibres écologiques tels que nous souhaitons les préserver.

2) Du côté du danger, ce que j’ai pu lire m’a convaincu que l’absence de danger, notamment sur le plan sanitaire, est l’hypothèse la plus probable. Les OGMs sont certainement la catégorie d’aliments la plus surveillée et contrôlée, et jamais aucune étude validée par la communauté scientifique compétente dans ce domaine précis n’a mis en lumière un danger avéré. De ce point de vue, les annonces récurrentes et définitives que font des anti OGMs tout à coup plein de « certitudes », et complaisamment relayés par des médias dominants toujours avides de sensationnalisme, se sont assez systématiquement avérées erronées à l’examen (non, le maïs sauvage mexicain n’a pas disparu, non le papillon monarque californien ne s‘est pas éteint, non le reportage médiocre de Canal + n’a pas été censuré…).

C’est pourquoi les Faucheurs Volontaires se feront probablement systématiquement condamner par une justice qui s’en tient au droit : ils invoquent l’état de nécessité pour justifier leurs actions de désobéissance civile, mais ils n’ont pas de données factuelles à apporter pour soutenir leur argumentation. Quant à l’argument, lui aussi systématique, qui veut que les opinions des experts ne sont pas valables car ils sont au service des grands semenciers, outre son aspect typiquement stalinien - je ne me fatigue pas à discuter sur le fond, je disqualifie mon interlocuteur à partir de sa position sociale, ce qui substitue aux analyses marxistes et sociologiques une forme de théorie du complot (ils se sont tous ligués pour étouffer la vraie information) -, il est très facile à retourner : l’étude de Greenpeace qui essayait de prouver les dangers d’un maïs OGM a été financée par Carrefour. Faut-il en déduire que les anti-OGMs sont à la solde de la grande distribution (qui, soit dit en passant, met concrètement les paysans en dépendance bien mieux que Monsanto ne saurait le faire) ? Evidemment non….

3) Si l’on se réfère à l’excellent Atlas du Monde Diplomatique, on apprend que, depuis 1996, la mise en culture en plein champs d’OGMs s’est considérablement accrue dans le monde, pour atteindre 80 millions d’hectares (et même 102 aujourd’hui..), dont 50 pour les seuls Etats-Unis (qui, bizarrement, saccageraient ainsi leur propre environnement au lieu de simplement aller « polluer » celui des pays pauvres, comme ils le font d’ordinaire). Or, à ce jour, si l’on exclut l’hypothèse selon laquelle une gigantesque conspiration cache la vérité sur les dégâts des OGMs (comme sur les attentats du 11 septembre…), aucune catastrophe sanitaire ni écologique ne pointe le bout de son nez.

Des millions d’hectares sur une décennie ne sont-ils pas un ordre de grandeur significatif pour commencer à se faire une opinion ? A quel seuil les anti-OGMs considéreront-ils que la pratique a tranché ? Se rendent-ils comptent que chaque minute qui passe sans que la catastrophe annoncée ne se produise affaiblit leur argumentation ? C’est vrai, on ne sait jamais tout… mais le savoir –toujours partiel - actuellement disponible ne penche pas dans leur sens.

4) Il y a certes aujourd’hui globalement assez de calories produites pour nourrir les 6 milliards d’êtres humains, et les problèmes de malnutrition renvoient essentiellement à des phénomènes d’ordre politique et économique (et c’est d’ailleurs là un fondement majeur de nos engagements en faveur de la révolution et du socialisme). Mais, le problème que devra affronter l’humanité au XXIe siècle, fut-elle socialiste, ce sera de nourrir beaucoup plus d’habitants (9 milliards au lieu de 6), tout en évitant, pour des raisons écologiques, de consommer trop (trop d’eau, trop d’engrais, trop de pesticides…), et ce dans des conditions partiellement très dégradées du fait du réchauffement climatique et des pratiques héritées de la Révolution Verte (sols salinisés, sécheresses récurrentes..).

Il est donc incontournable de prévoir pour ce siècle une « Révolution Doublement Verte », pour pouvoir produire de la nourriture pour toute l’humanité, mais sans épuiser des ressources déjà bien fragiles. Et le problème se pose notamment dans les zones tropicales, où les conditions de production sont souvent précaires (fragilité des sols, contraintes climatiques), alors que c’est précisément dans ces zones que la croissance démographique est la plus élevée. Il me semble évident que ni le socialisme, malgré sa supériorité sur le capitalisme, ni bien sûr l’agriculture bio (dont les rendements sont insuffisants) ne résoudront à eux seuls cette quasi quadrature du cercle.

Alors, comment ne pas voir dans des plantes génétiquement modifiées pour s’adapter à des conditions particulières comme les sols salinisés une voie d’avenir, y compris en termes de souveraineté alimentaire pour les pays tropicaux ? Plutôt que de faucher les champs, il faudrait alors revenir à une logique anticapitaliste et lutter pour une mise sous contrôle publique accrue de la recherche (voire de la production) pour la réorienter vers la satisfaction des besoins fondamentaux et pas vers les opportunités de profits de semenciers.

Bref, s’attaquer à la propriété privée des capitalistes et pas aux champs des paysans qui les travaillent….

Yann Kindo,
Enseignant en histoire-géographie, militant anticapitaliste.




De : Yann Kindo
samedi 11 août 2007



si comme le disait Lénine à juste raison l'antisémitisme est l'anticapitalisme des imbéciles, l'antiOGMisme est l'anticapitalisme des arriérés profonds
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