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[center]Des chercheurs corrigent chez la souris une déficience mentale héréditaire[/center]
LE MONDE | 20.12.07 |
Les signes liés à une grave anomalie génétique appelée syndrome de l'X fragile ont été corrigés sur un modèle animal, la souris. C'est ce qu'indique un article mis en ligne, mercredi 19 décembre, sur le site de la revue Neuron, et signé par une équipe américano-indienne. Cause la plus fréquente de retard mental héréditaire, le syndrome de l'X fragile est également responsable de formes d'autisme. En diminuant l'expression d'un gène fonctionnant de manière excessive chez des souris porteuses de l'anomalie génétique, Mark Bear (Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Etats-Unis) et ses collègues ont obtenu des animaux chez lesquels les signes de la maladie étaient réduits.
Tirant son nom du fait qu'une extrémité du chromosome X apparaît cassée, le syndrome de l'X fragile associe des signes divers : un retard mental d'une profondeur très variable, un faciès particulier, des troubles du comportement pouvant évoquer un autisme (chez 30 % des garçons atteints âgés de 5 à 10 ans) et, chez l'homme adulte, des testicules augmentés de volume. Liée à une mutation portée par le chromosome X, la maladie est exprimée chez le garçon porteur de l'anomalie et, sous des formes moins prononcées, chez 50 % des filles porteuses. La maladie touche un garçon sur 4 000 et une fille sur 7 000. Des tests ont été mis au point pour en faire le diagnostic, y compris sous forme prénatale dans le cadre d'une consultation de conseil génétique. Mais aucun traitement n'existe actuellement.
L'anomalie génétique à l'origine du syndrome de l'X fragile a été identifiée en 1991 par l'équipe de Jean-Louis Mandel, directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg. Elle affecte le gène FMR1 codant pour une protéine baptisée en anglais "Fragile X mental retardation protein" ou FMRP. Une séquence de ce gène est répétée beaucoup plus souvent que normalement, ce qui aboutit à le réduire au silence.
Une hypothèse a été avancée selon laquelle la forme mutée du gène FMR1 n'exercerait plus son rôle de frein vis-à-vis de l'activation d'un autre gène, celui d'un récepteur au glutamate (mGluR5). Tout se passerait donc comme si l'équilibre entre les deux gènes était rompu et que la balance penchait complètement du côté du mGluR5.
"Le syndrome de l'X fragile est un trouble en forme d'excès : excès de la sensibilité à une modification de l'environnement, des connexions entre synapses (points de contact entre neurones), de la synthèse protéique, de l'extinction de la mémoire, de la croissance corporelle et de l'excitabilité", décrivent Mark Bear et son équipe.
Pour vérifier l'hypothèse d'une levée de la modulation du gène mGluR5 du fait de la mutation de FMR1, ils ont utilisé un modèle de souris. Ces animaux possèdent en effet des gènes homologues de ceux impliqués dans l'hypothèse. En croisant des souris porteuses soit d'une mutation du gène FMR1 le réduisant au silence ("knock-out"), soit d'une mutation du gène mGluR5 atténuant son expression, les auteurs ont produit des souris porteuses d'une double mutation. Ils ont ainsi été en mesure de constater que les caractères anormaux observés chez les souris ayant une déficience du gène FMR1 étaient atténués chez les souris ayant la double mutation.
En confortant cette hypothèse d'un équilibre rompu entre deux gènes dont l'action s'oppose, Mark Bear et son équipe accréditent un mécanisme où l'activation non réfrénée d'un récepteur au glutamate explique la plupart des symptômes affectant le système nerveux central dans le syndrome de l'X fragile.
Ce travail expérimental conforte également les recherches sur un futur traitement avec des molécules qui se fixeraient sur le récepteur mGluR5, pour atténuer son activation chez les individus porteurs de la mutation du gène FMR1.
Paul Benkimoun