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CNRS 18 janvier 2008
[center]Des souris nous en font voir de toutes les couleurs ![/center]
Des chercheurs du Laboratoire d’Informatique, de Robotique et de Microélectronique de Montpellier - LIRMM et de l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier - ISEM, en collaboration avec l'Université de Leicester et le Scripps Institute, viennent de répondre à une question qui revêt toute son importance à l’heure où la bioinformatique et la génomique apportent un éclairage nouveau sur l’évolution des espèces. Ils montrent que les différentes variétés de souris commune échangent fréquemment, dans la nature, des portions de leur patrimoine génétique. Cela conduit à voir leurs génomes, non plus comme un patrimoine uniforme, mais comme une mosaïque de segments échangés au gré des contacts entre sous-espèces. Ceci oblige à réinterpréter les analyses effectuées sur la souris, qui sert de modèle pour l'étude de pathologies humaines.
L ’intérêt de ces travaux a été relevé par les experts du « Faculty of 1000 – Biology » (1) qui précisent que « lorsque les immunologistes interpréteront l’aspect génétique des réponses immunitaires chez la souris, ils devront être désormais conscients que les génomes comparés sont issus, en partie, de trois sous-espèces bien différenciées » (2).
Née il y a environ un million d'années dans le sous-continent indien la souris commune a colonisé la planète entière en migrant dans trois directions. Ce faisant, les génomes des individus de ces populations ont accumulé dans leur ADN des mutations. Cette évolution a abouti à la formation de trois sous-espèces distinctes de souris nommées ici par des couleurs : les vertes (M. m. musculus) au nord, les bleues (M. m. domesticus) à l'ouest, puis les rouges (M. m. castaneus) au sud-est. Si cette accumulation de différences génétiques se poursuit, elles deviendront alors des espèces à part entière par perte de l'interfertilité.
Pour retracer l'histoire génétique de ces sous-espèces sur une période évolutive courte (autour de 500 000 ans), les chercheurs ont utilisé des marqueurs génétiques à évolution ultra-rapide nommés minisatellites. Un minisatellite est formé par la répétition côte à côte d'un court motif d'ADN. Certains minisatellites varient tellement vite en nombre de copies que la répétition diffère entre deux individus d'une même population. Les minisatellites humains servent par exemple d'empreintes génétiques pour tester la paternité ou identifier le propriétaire de cellules recueillies sur les lieux d'un crime. En outre, comme les copies subissent aussi des changements de nucléotides, leurs séquences varient le long de la répétition, générant alors un très grand nombre de combinaisons (Bois et al. 2002).
Ainsi, en comparant simultanément les séquences de quatre minisatellites sur un échantillon mondial de 116 souris (image 1), les chercheurs ont pu, grâce à un logiciel de comparaison de répétitions issu du LIRMM (Bérard & Rivals, 2003), reconstruire des arbres de parenté de ces souris. Un tel arbre (image 2) regroupe logiquement les souris par sous-espèces en raison des similarités de séquences. Cependant, les souris ayant acquis une séquence provenant d'une autre sous-espèce que la leur par échange génétique apparaissent comme des intrus dans l'arbre. Par exemple des souris estampillées rouge en raison de leur appartenance géographique sont positionnées dans l'arbre au sein d'un groupe de bleues. Une exploration plus poussée des séquences portées par ces individus montre qu’elles résultent d'échanges génétiques entre souris de sous-espèces différentes. Le nombre de telles intrusions détectées pour les quatre locus minisatellites provenant de chromosomes divers révèlent l'importance de ces échanges que l'on croyait rares.
Il s'agit de la première étude à mesurer l'ampleur des échanges génétiques entre sous-espèces de souris. Ces résultats portent à penser qu'une souris, par exemple bleue, au lieu d'avoir hérité d'un génome entièrement d'origine bleue, porte un génome composé d'une mosaïque de segments bleus, rouges et verts. Cette conclusion soulève d’autres interrogations : ces échanges peuvent-ils empêcher l’accumulation progressive de différences génétiques entre sous-espèces ou reflètent-ils des cas limités qui n'empêcheront pas l'avènement de nouvelles espèces ? Nous sommes-là au coeur du débat sur la formation des espèces…
(1) Le « Faculty of 1000 Biology » propose une évaluation des papiers les plus marquants en biologie par des experts de renom du domaine.
(2) “When immunologists consider the genetic aspects of immune responsiveness in the mouse, they should now be aware that the genomes they are comparing belong at least in part to three really quite well differentiated subspecies with radically different geographies, presumably the result of many distinct selective pressures, most especially from the microbial world.”
Image 1
© CNRS / LIRMM-ISEM 2007
Image 2
© CNRS / LIRMM-ISEM 2007
Références :
- Bonhomme F, Rivals E, Orth A, Grant GR, Jeffreys AJ, Bois PJR : "Species-wide distribution of highly polymorphic minisatellite markers suggests past and present genetic exchanges among house mouse subspecies", Genome Biol 2007, 8(5):R80 (14 May 2007)
un lien vers l'article en openaccess
Species-wide distribution of highly polymorphic minisatellite markers suggests past and present genetic exchanges among house mouse subspecies