
a écrit :
[center]Un insecte parvient à résister au coton OGM censé l'éradiquer[/center]
LE MONDE | 08.02.08 |
Pour la première fois, un insecte est parvenu dans la nature à développer une résistance à une toxine produite par une plante génétiquement modifiée pour l'éradiquer. Helicoverpa zea, une noctuelle ravageuse du coton, vient d'administrer aux Etats-Unis une démonstration brillante de la théorie de l'évolution : quand une population est soumise à une pression de sélection, la survenue de mutations peut favoriser sa perpétuation.
Un tel phénomène de résistance aux toxines sécrétées par des OGM avait déjà été induit en laboratoire. Mais il n'avait encore jamais été détecté dans les conditions d'agriculture réelle, rapporte un article mis en ligne le 7 février par la revue Nature Biotechnology.
Bruce Tabashnik et ses collègues de l'université de l'Arizona y présentent leur compilation d'une décennie d'études conduites sur six espèces d'insectes visés par des toxines produites par des cotons et des maïs transgéniques cultivés en Australie, en Chine, en Espagne et aux Etats-Unis. A ce jour, notent-ils, seule Helicoverpa zea est parvenue à résister à une toxine, Cry1Ac, produite à partir d'un gène tiré de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt).
Les premières chenilles de papillon résistantes ont été détectées à partir de 2003, dans des champs de l'Arkansas et du Mississippi. Certaines étaient capables de survivre à des doses de toxine 500 fois plus élevées que celles tuant ces insectes, dans les mêmes parcelles, avant l'introduction de ce coton dit Bt.
MAINTIEN DE ZONES "REFUGES"
Pour faire face à ce phénomène de résistance, les promoteurs des OGM préconisent le maintien de zones "refuges", semées en plantes conventionnelles, où sont conservées des populations d'insectes sensibles à la toxine ayant pour avantage de "diluer" par croisement le caractère résistant des individus mutants.
Cette stratégie semble fonctionnelle, mais à condition que les refuges soient "abondants", prévient M. Tabashnik : en Arkansas, où 39 % de la population d'Helicoverpa pouvaient trouver pitance dans des champs non OGM, la résistance a pu apparaître et pourrait, au rythme actuel, être totale d'ici neuf ans.
Au contraire, en Caroline du Nord, où ce pourcentage de refuge était de 82 %, la fréquence de la résistance sera encore presque nulle dans dix ans, prédit-il.
Hervé Morin
quelques remarques...
1) que ce soit un insecticide de synthese, un insecticide "naturel" comme ceux utilisés dans l'agriculture biologique ou une toxine insecticide produite par la plante, que cette toxine ait été introduite par génie génétique, qu'elle ait été introduite par hybridation et sélection dans le cadre des procédés classiques utilisés par les agriculteurs depuis 10 000 ans ou que, comme pour la grande majorité des plantes elle soit le produit de la coévolution darwinienne proie prédateur, obligatoirement ou bout d'un certain nombre de générations des insectes résistants vont apparaitre. C'est le produit de la sélection naturelle.
c'est comme ça aussi que les microbes deviennent progressivement résistants aux antibiotiques, que les rats se mettent à supporter certains raticides, etc...
la preuve du darwinisme est sous nos pieds et les plantes ogm produisant une toxine insecticide n'échappent pas à la regle qui veut que tot ou tard leur prédateur deviendra résistant à cette toxine.
2) mais au lieu de 10 ans en moyenne , on aurait pu attendre 100 fois plus, 1000 ans en moyenne, avant qu'une telle résistance apparaisse si pour des raisons marketing les capitalistes n'avaient pas fait le choix de n'inserer qu'un seul gene codant une seule toxine insectides au lieu d'inserer par exemple des genes codant trois toxines differentes.
loi du profit immédiat , rapidité de mise au point,obligation de changer de coton gm pour les agriculteurs au bout de quelques années, les semenciers avaient tout à y gagner mais pas les agriculteurs ni l'environnement car il n'existe pas une infinité de toxines à faire produire par des plantes gm et avec cette gestion dans quelues dizaines d'années on sera revenu à la case départ et aux insecticides de synthese en formules et en doses doses toujours plus toxiques car les insectes y résisteront de mieux en mieux.
c'est le meme probleme que les firmes pharmaceutiques avec les antibiotiques.
je vous met l'extrait d'un article d'un généticien Jacques Van Helden, publié sur le site de l'AFIS, qui explique cette question:
a écrit :
[center]OGM : les dangers d’une approche réductionniste des systèmes complexes[/center]
On peut donc se demander pourquoi ces technologies ont soulevé tant d’objections de la part de diverses associations, lesquelles ont été, dans certains pays, relayées par une législation prohibant le déploiement de variétés transgéniques.
Un risque prévisible
La principale crainte suscitée par les plantes Bt est l’apparition d’insectes résistants. La résistance aux pesticides est un phénomène courant qui pose un gros problème pour le contrôle des insectes. Des insectes résistants aux toxines de Bt avaient déjà été détectés avant l’existence de plantes transgéniques. Toutefois, dans les conditions habituelles de contrôle biologique, les insectes sont mis en présence de la bactérie uniquement en cas d’invasion massive, et durant une période limitée. De plus, la bactérie exprime simultanément une série de toxines différentes, dont les effets se combinent. En revanche, les plantes Bt expriment de façon permanente une seule toxine, ce qui exerce une pression sélective énorme en faveur des insectes résistants.
Des précautions sabordées
Il existe des méthodes génétiques permettant d’exprimer un gène de façon sélective. On peut par exemple insérer le gène de la toxine sous contrôle d’un promoteur conditionnel, de façon qu’il ne s’exprime qu’à certains moments du développement de la plante (par exemple aux moments où les attaques des insectes sont les plus nocives), ou dans certains organes (par exemple les fruits). La mise au point de ce type de transgène à expression conditionnelle aurait permis de réduire la pression sélective, et de diminuer la probabilité d’apparition d’insectes résistants, mais demandait évidemment un temps de recherche plus important que l’insertion du gène seul. Les premières variétés commercialisées exprimaient donc la toxine de façon constitutive (dans tous les organes et durant tous les stades de développement). Malheureusement, une fois que ces variétés constitutives ont été répandues, l’intérêt des variétés à expression conditionnelle diminue, puisque les insectes résistants ont déjà été sélectionnés.
Conscientes du risque de propagation des insectes résistants, les firmes phyto-pharmaceutiques ont d’emblée proposé une stratégie pour minimiser la pression sélective, en maintenant un certain pourcentage de surface de cultures non-transgéniques, sur lesquelles les insectes pourraient survivre sans subir la pression sélective exercée par la toxine. La perte de productivité sur ces refuges devait évidemment être compensée par le gain en productivité sur les surfaces Bt. Toutefois, cette mesure ne faisait pas le bonheur des agriculteurs, qui se voyaient contraints de sacrifier une partie de leurs champs aux insectes. L’agriculteur serait donc tenté d’acheter les graines chez la firme qui conseillait le plus faible pourcentage de refuges. Pour éviter ce problème, les firmes phyto-pharmaceutiques se mirent d’accord sur le pourcentage de refuges. Quel que soit ce pourcentage, il n’en reste pas moins une frustration de l’agriculteur, qui voit une partie de son champ attaquée par les insectes. En 1999, une réglementation du département américain de l’agriculture autorisa les agriculteurs à épandre des pesticides sur les zones de refuges. Cette mesure enlève toute rationalité à l’existence même des refuges, puisqu’elle revient à recréer les conditions de pression sélective qui susciteraient la propagation rapide des insectes résistants à la toxine Bt !
L’insertion de toxines multiples
En 2001, lors d’une rencontre sur le thème « Agriculture durable dans les pays en voie de développement : définir un rôle pour les plantes transgéniques et la recherche », une représentante d’Aventis annonçait que le problème des refuges serait bientôt dépassé, car sa compagnie avait trouvé le moyen d’empêcher complètement l’apparition d’insectes résistants en insérant, non pas un, mais deux gènes de toxines Bt dans une plante.
Des simulations permettent de prévoir que, s’il suffit de 100 générations d’insectes pour qu’apparaissent des insectes résistants à une simple toxine, il en faut 10.000 pour que se développe la résistance à deux toxines. Ces simulations sont fondées sur le fait que la probabilité d’apparition d’une résistance à deux toxines indépendantes est le produit des probabilités d’apparition de chacune d’entre elles. En supposant que la probabilité pour qu’un insecte porte la résistance à une seule toxine soit de 10-6 (un individu par million), la probabilité serait de 10-12 (=10-6x10-6) pour la double résistance, de 10-18 pour la triple résistance, etc. La probabilité de résistance diminue donc de façon exponentielle avec le nombre de toxines.
Du point de vue d’un généticien, ces simulations pourraient presque porter à rire, tant elles révèlent l’ignorance (ou la négligence) complète des conditions de sélection de résistants. En effet, s’il est vrai que la sélection d’individus présentant une résistance simultanée à des toxines multiples est fortement improbable, en revanche, il suffit de présenter séquentiellement ces différentes toxines pour obtenir des insectes multi-résistants en un temps linéairement proportionnel au nombre de toxines. La raison est la suivante : s’il existe déjà des insectes résistants à la première toxine au moment du déploiement de la plante à deux toxines, ceux-ci n’auront plus qu’à développer la résistance à la seconde toxine pour acquérir la double résistance. La sélection de doubles résistants à partir de simple résistants ne coûte pas plus de temps que la sélection de résistants à la première toxine. Donc, en présentant les toxines de façon séquentielles, il suffit de 200 générations d’insectes (et non 10.000) pour sélectionner des doubles résistants. La sélection séquentielle est précisément le protocole utilisé par les généticiens depuis des décennies pour obtenir des multirésistants dans un contexte de recherche fondamentale.
En résumé, si l’on attend l’apparition des résistants à la première toxine avant de déployer les plantes à deux toxines, on favorise l’apparition rapide de doubles résistants. On peut déjà prédire la suite : quand l’apparition des insectes doublement résistants aura diminué l’efficacité des plantes à deux toxines, les firmes phyto proposeront des plantes à trois toxines, qui susciteront rapidement l’apparition de triples résistants parmi les insectes portant déjà la double résistance.
On est en droit de se demander pourquoi les firmes pharmaceutiques n’ont pas tenu compte de ces mécanismes bien connus, en combinant, dès les années 1980, plusieurs toxines de Bt dans les plantes transgéniques, avant les premières applications en champs. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse d’erreurs d’appréciation. Toutefois, si l’on replace les plantes transgéniques dans un contexte de marketing, il est évident qu’une stratégie de commercialisations successives d’une série de variétés, chacune surpassant la génération précédente, est plus porteuse que la mise au point d’une variété unique et plus durable. Même en s’en tenant au scénario naïf selon lequel le relâchage successif des toxines (le protocole le plus approprié pour développer rapidement des résistances multiples) relève de la maladresse plutôt que d’une politique commerciale consciente de la part des firmes phyto, les priorités commerciales et la concurrence entre ces firmes entrent en contradiction avec l’élaboration de stratégies durables pour le contrôle des insectes ravageurs. Il est donc essentiel que l’évaluation des risques écologiques soit réalisée par des organismes indépendants de ces firmes.