Le documentaire est
accablant, c'est effectivement le mot qui convient. Le voici :
http://www.telerama.fr/television/a-voi ... 270594.phpIl y a bien quelques réflexions relevant plus de l'affirmation ou de la conviction des victimes ici ou là, mais cela s'efface largement face à l'amoncellement d'indices et de preuves. De ce point de vue, le documentaire est très bien fait et convaincant.
On peut penser que le cas du gamin souffrant de malformation de l'oesophage et de la trachée, fils d'une propriétaire de centre d'équitation, met surtout en cause une mauvaise utilisation du glyphosate (aspergé partout avec une protection insuffisante alors que la mère ne se savait pas encore enceinte). Le cas de la maman argentine dont la fille a exactement la même malformation, et plus largement tous les cas argentins avec malformations et cancers, sont la conséquence d'une utilisation massive voire inconsidérée du glyphosate sur cultures OGM à proximité des habitations. (Sauf peut-être un cas : l'homme souffrant de polyneuropathie le doit peut-être davantage à d'autres pesticides que le glyphosate, et il a effectivement manipulé de tout). Le cas de la propriétaire américaine d'une plantation de café souffrant d'un lymphome peut être attribué au glyphosate, sans certitude bien sûr mais avec un fort niveau de présomption.
La multiplication des cas de maladie rénale autour des rizières au Sri Lanka, depuis l'arrivée du glyphosate, est très bien expliquée, avec le rôle chélateur (capture des métaux) du glyphosate qui constitue un complexe beaucoup plus toxique que le glyphosate seul ou les métaux lourds seuls. Cela rappelle que le premier brevet historique du glyphosate était comme chélateur et donc, Monsanto est forcément au courant.
Ensuite, tous les reportages montrant la perte d'efficacité puis la nocivité du glyphosate sur les cultures (prolifération de Fusarium, déficit en métaux) ainsi que le danger de sa présence dans les aliments animaux (vaches malades par manque de manganèse, cochons malformés par excès de rétinoïdes) se rapportent à l'utilisation des packs glyphosate / OGM. Le glyphosate a des propriétés antibiotiques (brevetées elles aussi, depuis 2010) et elles sont néfastes pour la flore intestinale des animaux, éliminant des bactéries utiles mais épargnant une bactérie pathogène, celle responsable du botulisme, maladie qui sévit du coup dans les élevages. Peut-être néfastes aussi pour la flore intestinale humaine...
La classification 2A (probablement cancérogène) du glyphosate par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) qui dépend de l'OMS, est expliquée et justifiée par deux des membres décisionnaires. La réalisation de très bonnes études scientifiques par Monsanto, restées secrètes car relevant du secret industriel et commercial, mais obtenues par la voie d'un sénateur américain, montre que Monsanto était parfaitement au courant depuis longtemps du caractère cancérogène du glyphosate (qu'il avait lui-même identifié, avec un profil de cancers différents pour les hommes et pour les femmes) et qu'il a soigneusement sélectionné les études qu'il souhaitait rendre publiques et les autres. Et un chercheur norvégien démontre que la toxicité du glyphosate (sur la faune aquatique) est bien supérieure à ce que prétend Monsanto et que l'affirmation d'une toxicité moindre que le café ou le sel porte sur une forme non soluble de glyphosate, pas sur la forme soluble, ce que Monsanto a caché.
Si je devais aujourd'hui (moi qui travaille dans l'industrie chimique) statuer sur le glyphosate, voici ce qu'il me semblerait évident de faire :
- Interdiction totale des packs OGM / glyphosate (avec utilisation du glyphosate sur culture) : le danger lié au glyphosate est maximal à la fois pour l'environnement, les élevages, l'homme en bout de chaîne, pour une productivité agricole qui se détériore avec le temps. Ce n'est pas de ces OGM-là dont on a besoin.
- Restriction d'utilisation du glyphosate en usage traditionnel (herbicide classique avant culture) avec : 1. interdiction de sa pulvérisation sans protection ou à proximité de personnes non protégées. 2. interdiction de sa pulvérisation même avec protection par ou à proximité de femmes en âge de procréer. 3. interdiction de son utilisation à proximité des points d'eau de surface et dans les configurations de terrain susceptibles de contaminer des eaux de surface par ruissellement, ainsi que dans les cultures inondées (rizières...) 4. mesures pour limiter la contamination des eaux souterraines (à déterminer) et arbitrages en conséquence pour le choix de leur exploitation éventuelle.
En gros, ça veut dire peut-être une division par vingt de l'utilisation du glyphosate et surtout, l'élimination de l'utilisation qui se trouve avoir encore un intérêt économique stratégique pour Monsanto, celle sur des cultures OGM résistantes au glyphosate (pour tuer les mauvaises herbes en préservant la culture quand la plante a déjà poussé). L'utilisation en herbicide traditionnel n'a pas le même enjeu, la molécule étant tombée dans le domaine public et copiée par beaucoup de "génériqueurs" (comme pour les médicaments !)
Remarque : l'interdiction des packs OGM / glyphosate n'est
absolument pas une condamnation du principe des OGM, juste une condamnation de ces OGM-là.
Autre remarque : l'utilisation maîtrisée en herbicide traditionnel présuppose d'avoir tous les moyens de procéder correctement, ce qui n'est pas le cas dans bien des pays.
En tout cas, le reportage conclut sur la nécessité de reconnaître le "
crime d'écocide" (c'est la revendication mise en avant), mais il nous offre un boulevard pour mettre en avant (ce que les écologistes ne font pas) la
levée du secret industriel et commercial derrière lequel les firmes s'abritent !
Com.71 a dit :
La suspicion - justifiée - et généralisée, envers les grosses firmes industrielles et leurs protecteurs gouvernementaux ou autres n'entraîne-t-elle pas une partie de l'opinion publique vers des dérives ? (Comme dans le cas - actuel - des vaccinations)
Evidemment Com.71 tu as raison, il y a un risque de dérive de l'opinion sur toutes ces questions et en particulier, dans le cas précis, sur l'utilisation de tous les pesticides d'une part et d'autres OGM d'autre part. Mais dans le cas du glyphosate cela me semble justifié.
Le CIRC - toujours lui - a aussi alerté dans une autre étude sur le risque élevé de toxicité dû aux mycotoxines (aflatoxines et fumonisines), des toxines dus à certains champignons et qui sont, notamment, elles-mêmes cancérogènes ou provoquent des retards de croissance chez les enfants. Or ces toxines affectent les cultures (maïs, arachide, fruits...) en particulier dans des pays qui ont peu accès aux pesticides (fongicides en l'occurrence, mais aussi herbicides, parce que les mauvaises herbes récoltées avec les bonnes sont aussi une source d'humidité et de prolifération des champignons à mycotoxines - c'est un argument de Monsanto !) Bien entendu, les mauvaises conditions de stockage jouent aussi un rôle important.
http://www.iarc.fr/en/media-centre/iarc ... toxins.phpLa bonne nouvelle, c'est que la solution réside dans l'augmentation de la variété des plantes consommées dans les pays très "mono-aliment" (maïs...) pour diluer l'exposition ; dans le tri des semences selon leur niveau de contamination ; et dans l'amélioration des conditions de stockage. C'est-à-dire, une solution qui ne nécessite pas de faire appel aux pesticides. Encore faut-il pouvoir la mettre en oeuvre : comment repère-t-on les semences plus ou moins contaminées en aflatoxines dans une région rurale déshéritée ???