Un petit topo, d'après des trucs lus récemment, ce qui permettra d'introduire quelques notions de volcanologie, et de donner quelques nouvelles...
L'origine du volcanisme Islandais peut s'expliquer par deux phénomènes : l'Islande est située sur la dorsale Atlantique, c'est à dire là où les plaques tectoniques de l'Europe et de l'Amérique s'écartent. En général, cette "mise à nu" du manteau terrestre, puisque la croute s'écarte, donne lieu à un volcanisme essentiellement sous-marin. Mais il semblerait (c'est assez discuté en fait) que l'Islande soit aussi à la verticale de ce qu'on appelle un "point chaud", c'est à dire un endroit du globe terrestre où le magma remonte depuis une très grande profondeur. Deux autres exemples célèbres de points chauds : La Réunion, et Hawaï. Ce sont donc des volcans "rouges", ce qui signifie que leurs éruptions prennent la forme d'émissions de laves relativement fluides et chaudes.
C'est très différent de ce qui se passe par exemple aux Antilles ou autour du Pacifique (Philippines, Japon, Kamtchatka...), où on a un volcanisme né de la subduction, c'est à dire d'une plaque océanique qui passe sous la croute continentale, et plonge dans le manteau. Dans ces cas, on a émission de laves relativement moins chaudes et beaucoup plus visqueuses, mais aussi des émissions de gaz très violentes (du fait que la plaque qui plonge dans le manteau est chargée d'eau), ce qui fait des éruptions explosives. Ce sont des volcans "gris", réputés beaucoup plus dangereux que les "rouges".
Pour revenir à l'Islande (volcans "rouges" donc, a priori), c'est un pays avec beaucoup, beaucoup d'eau et de glace. Ce qui fait que la lave rencontre parfois de l'eau avant d'atteindre la surface, et qu'on a donc de temps en temps une éruption explosive. On parle d'"activité phréatomagmatique". Il y a un autre risque si l'éruption a lieu sous un glacier : la glace va fondre non pas en surface, mais par en dessous, en libérant de l'eau liquide qui va être piégée sous la glace, jusqu'à ce qu'elle fasse rompre ce qui la retient et dévale très violemment aux alentours. Ce phénomène extrêmement destructeur, et assez fréquent en Islande (le dernier a eu lieu en 1996 avec l'éruption du volcan Grimsvötn) se nomme "Jökullhaup". Comme la crise sismique qui a précédé l'éruption actuelle a eu lieu sous un glacier (le Eyjafjallajökull), c'était la crainte principale des autorités islandaises.
Heureusement, l'éruption n'a pas démarré sous le glacier, mais sur le bord du glacier. Cela peut paraître curieux et difficile a expliquer. Grâce aux nombreux sismographes répartis autour du volcan, il a été possible d'enregistrer le lieu des séismes qui ont précédé l'éruption ainsi que de ceux qui l'accompagnent. Les vulcanologues islandais ont ainsi pu reconstituer le trajet de la lave, puisque c'est elle qui a provoqué ces séismes en passant. Ils ont constaté que la lave est montée quasiment à la verticale sous le glacier, puis a bifurqué à l'est au dernier moment, probablement en suivant une faille dans le terrain. Plus d'infos ici, c'est en angliche mais ça pourrait être pire si c'était en Islandais, et puis il y a des dessins :
http://en.vedur.is/about-imo/news/2010/nr/1859Quelques explications sur les images du film posté ci-dessus et sur ce qu'on peut voir par webcam : L'éruption a commencé avec l'ouverture d'une fissure éruptive. C'est classique en Islande, les éruptions ont rarement lieu dans un cratère existant, c'est en général la terre qui s'écarte à un endroit, sur une ligne à peu près droite, et laisse s'échapper des fontaines de lave. Cela ressemble beaucoup à ce qui s'était passé en 1973 dans la petite ville d'Heimaey, sur les îles Westmann, pas très loin au sud de l'éruption actuelle d'ailleurs... La lave qui est sortie de ces fontaines ressemble aussi beaucoup à celle de Heimaey : c'est le même type de lave plutôt visqueuse qui avance lentement et à la manière d'un tapis roulant. Dans le jargon des vulcanologues, on appelle ça des laves "Aa", un mot Hawaïen car ce type de lave se retrouve aussi parfois à Hawaï, bien que le plus souvent ce soit un autre type de lave qu'on rencontre à Hawaï, les laves "Pahoehoe", très fluides et très chaudes, qui avancent très vite et laissent une surface lisse quand elles ont refroidi. Alors que les laves "Aa" laissent une surface rugueuse et pleine de piquants, d'où leur nom. Ben oui, c'est le cri qu'on pousse quand on marche dessus !
Tout ce qui est noir autour du volcan, ce sont des scories ou des cendres. C'est le nom qu'on donne aux petites particules de roche volcanique éjectées par le volcan. La lave émet une lumière rouge parce qu'elle est chaude, mais une fois refroidie, c'est de la roche noire.
L'autre phénomène qu'on voit brièvement dans la vidéo, et qu'on a pu voir nettement via les webcams ces derniers jours, ce sont d'énormes panaches blanc, comme de la fumée blanche. En réalité, ils sont formés quand la lave atteint la glace : Bien entendu vu la différence de température la glace fond et l'eau se vaporise, entraînant plein de flotte, de neige, de glace et de débris de roche pulvérisée avec elle. Ici, les coulées de laves ont traversé une zone libre de glace puis sont tombées dans un ravin, en formant une cascade de lave. Dans le ravin, il y avait un glacier à peine couvert de cailloux. D'où les panaches blancs qui semblaient sortir d'en dessous du volcan.
Enfin, les dernières nouvelles : Hier soir, alors qu'on pensait que l'éruption était en perte de vitesse, une nouvelle fissure éruptive s'est ouverte. On peut observer par webcam les fontaines de lave de la nouvelle fissure. On les voit aussi sur cette vidéo prise d'avion :
http://http.ruv.straumar.is/static.ruv.is/...var_1_april.wmvLes éruptions fissurales au sud de l'Islande peuvent durer longtemps : celle d'Heimaey en 1973 avait duré 6 mois. L'énorme éruption du Laki, un peu plus à l'Est, la plus importante en termes de volume de lave des temps historiques, avait duré 8 mois, de juin 1783 à février 1784. Espérons que celle qui vient de commencer ne va pas faire comme le Laki, ce serait une catastrophe... Mais bon, on n'en est pas là, pour le moment c'est plutôt une "jolie petite éruption", sans grande conséquence à part enrichir un peu les professionnels du tourisme !
L'autre crainte exprimée par certains vulcanologues, c'est le possible réveil d'un autre volcan, le Krafla, situé sous le glacier voisin Myrdhalsjökull. Les quelques autres éruptions historiques du Eyjafjöll ont toutes été suivies d'une éruption du Krafla. Or ces dernières sont en général beaucoup plus destructrices, car elles démarrent souvent de manière explosive puis donnent lieu à des jökullhaup. Mais pour l'instant, le Krafla n'a donné aucun signe de réveil.