a écrit :Je soussigné, Esteve Freixa i Baqué, né à Barcelone (Espagne) le 12 septembre 1951, de nationalité française, domicilié au 28 de la rue Saint Jacques à Tourcoing (59200), Docteur d’État en Psychologie, Professeur des Universités, titulaire de la chaire d’Épistémologie et Sciences du Comportement de l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV), membre de plusieurs sociétés savantes nationales et internationales, du comité de rédaction ou de lecture de plusieurs revues spécialisées nationales et internationales, auteur d’approximativement 125 articles dans des revues spécialisées nationales et internationales, conférencier invité à des nombreux colloques, symposiums et congrès nationaux et internationaux (voir cv joint), sans aucun lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles, de subordination à leur égard, sachant que cette attestation sera utilisée en justice, et connaissance prise des dispositions de l’article 441-7 du code pénal réprimant l’établissement d’attestation faisant état de faitsmatériellement inexacts,
ayant attentivement visionné le film-documentaire Le mur ou la psychanalyse à l'épreuve de l'autisme, de la réalisatrice Sophie Robert produit par la société « Océan Invisible Productions », déclare que :
CONCERNANT LES ALLEGATIONS SELON LESQUELLES LES INTERVIEWS DES PLAIGNANTS AVAIENT ETE DÉNATURÉS : Le discours des psychanalystes concernant leur conception de l’autisme est en tout point rigoureusement conforme à la doctrine psychanalytique classique, dans sa forme la plus canonique, prenant racine dans les écrits fondateurs de S.Freud et formalisés depuis de façon structurée par certains de ses disciples, notamment par Bruno Bettelheim, dont l’oeuvre principale : La Forteresse vide1, a constitué pour toute une génération la référence absolue en la matière (même si, récemment, la critique historique a montré la mystification à laquelle s’était livré l’auteur2). L’origine psychologique de l’autisme, avec la mère comme cause sinon exclusive du moins primordiale, fait partie intégrante du corpus psychanalytique, pleinement assumé, revendiqué et enseigné par les psychanalystes. Le rôle « psychogène » de la mère (assimilée par Bettelheim aux gardiens SS des camps de concentration3)
constitue le noyau même de la conception psychanalytique de l’autisme (mais aussi de la schizophrénie4).
Par conséquent, les affirmations des psychanalystes interviewés par Sophie Robert ne peuvent pas résulter d’un quelconque effet de montage, d’extraction de leur contexte ou de manipulation malveillante puisqu’elles reflètent fidèlement la position officielle de la psychanalyse en la matière. Il suffit de lire leurs innombrables écrits pour s’en convaincre. Les plaignants ne peuvent donc pas prétendre que Sophie Robert a dénaturé la pensée et les propos des intervenants.
CONCERNANT LA RENOMMÉE ET LA RÉPUTATION DES TROIS PLAIGNANTS, que l’avocat met en avant comme un argument (et qu’en épistémologie ou, tout simplement, en méthodologie, on appelle « argument d’autorité » et est considéré comme nul et non avenu, donc irrecevable) : il faut savoir que, contrairement aux titres de, notamment, médecin, pharmacien, vétérinaire, architecte, psychologue et, depuis mai 2010, psychothérapeute, l’appellation « psychanalyste » n’est en rien protégée (contrairement aux professions ci-dessus citées, il ne peut y avoir d’exercice illégal de la psychanalyse parce qu’il n’existe aucun diplôme de psychanalyste -fait que beaucoup de personnes ignorent-). Il en résulte donc que n’importe qui, pourvu qu’il ait suivi lui-même une psychanalyse dite didactique5, peut, sans encourir les peines de l’article 433-17 du code pénal relatif à l’usurpation de titre ou de qualité protégés, se proclamer psychanalyste, visser une plaque sur sa porte et s’occuper de la santé mentale de ses clients (alors qu’un psychiatre, un psychologue ou même un psychothérapeute doivent avoir validé une formation universitaire d’au minimum 5 ans sanctionnée par un diplôme de l’État).
L’un des trois plaignants n’a d’autre titre que celui de psychanalyste. Un autre est enseignante à l’université mais ne décline pas ses diplômes et seul le troisième est psychiatre. Mais ils ne parlent qu’en tant que psychanalystes, grade qui les met tous à égalité malgré leur différence criante de formation, ce qui prouve à l’évidence que ce qu’ils puissent être par ailleurs (psychiatre ou psychologue) ne rentre en ligne de compte lorsqu’ils s’expriment en tant que psychanalystes.
Par conséquent, leur renommée et notoriété ne constituent en rien un argument à retenir.
CONCERNANT L’ALLEGATION DE PIÈGE , les professionnels de l’analyse du comportement verbal sont habitués à considérer qu’entre deux discours différents, doit être considéré comme vrai et sincère celui qui est produit spontanément en l’absence de tout indicateur (stimulus discriminatif, dans notre jargon) des attentes de celui à qui il s’adresse. Lorsque ces attentes sont connues du locuteur, celui-ci adapte le discours en fonction des dites attentes, introduisant ainsi des biais (d’acquiescement, de conformité, etc.) bien connus des spécialistes, y compris des professionnels d’enquêtes d’opinion.
Par conséquent, les plaignants, en parlant de « piège », avouent implicitement qu’ils auraient tenu un tout autre langage s’ils avaient connu le positionnement épistémologique de la réalisatrice et qu’ils ont tenu les propos qu’ils ont tenus parce qu’ils se sentaient en confiance. Quels propos expriment au plus près une intime conviction : ceux que l’on tient spontanément et sans auto-censure lorsque l’on se croit entre des gens du même bord ou ceux que l’on prononce lorsque l’on se méfie ?
Par ailleurs, il est strictement contradictoire, du point de vue de la logique et du raisonnement, de prétendre à la fois que leurs propos ont été dénaturés et qu’ils ont été obtenus par ruse (piège).
L’existence d’un double niveau de discours de la part des psychanalystes, la « psychanalyse pour profanes » et la « psychanalyse pour initiés » à été, par ailleurs, magistralement analysée et dénoncée par Jacques Van Rillaer, ancien psychanalyste, dans une publication de 2005.6
CONSIDÉRATIONS FINALES : En tant que scientifique, je tiens à porter à la connaissance du Tribunal que, loin de s’apparenter à une prétendue « guerre des psys », ce dont il est question ici est bel et bien d’une grave question de Santé Publique, de défense des droits des patients à être efficacement soignés et, même, partant, de non-assistance à personne en danger (sans parler de liberté de la presse, sujet sur lequel, contrairement aux autres ci-avant évoqués, mes qualifications ne me confèrent aucune compétence ni légitimité pour m’exprimer).
En ce qui concerne la question de Santé Publique, juste rappeler que, l’Argentine et la France mises à part7, la psychanalyse est en voie d’extinction partout8 et aucun pays ne confie plus le traitement des autistes à des psychanalystes9, le gouvernement suédois, via le "National Board of Health and Welfare" ayant même récemment décidé de supprimer tout recours aux traitements d'orientation psychodynamique dans le traitement de l'autisme.10
En ce qui concerne les droits des patients, le Code de déontologie des Psychologues11, rédigé par la SFP (Société Française de Psychologie), stipule explicitement dans son Préambule que : Sa finalité est avant tout de protéger le public et les psychologues contre les mésusages de la psychologie et contre l’usage de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie. Dans son titre I alinéa 2, concernant la compétence, on peut lire : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour (…) Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Dans son titre I alinéa 5, concernant la qualité scientifique, on peut lire : Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des
professionnels entre eux.
Les psychanalystes professent une doctrine qui date de plus d’un siècle et qui ne tolère de mise à jour car tout est contenu, une fois pour toutes, dans les écrits du fondateur, dont l’exégèse tient lieu de « recherche ». Ce mode de fonctionnement est, certes, justifié dans le domaine des religions, des dogmes ou de la philosophie, mais ne saurait avoir de place dans une discipline dont le but est de venir efficacement en aide à des personnes qui souffrent. Si elle peut apporter des bénéfices pour des « mal-êtres existentiels » des interrogations sur soi ou la recherche de mieux se connaître, elle est cruellement inefficace et inadaptée pour des troubles graves, comme la schizophrénie, l’autisme ou la toxicomanie12, par exemple. Tout ce qui précède est en flagrante contradiction avec le Code de déontologie ci-dessus cité.
Pour finir, je crois de mon devoir de rappeler à la Cour le recours persistant aux tribunaux13 des membres de l’extrêmement puissant lobby14 de l’École de la Cause Freudienne à laquelle appartiennent les plaignants, attitude qui s’apparente incontestablement à une volonté constante d’exercer une inacceptable censure dans le débat des idées d’une démocratie moderne et tournée vers le progrès, tentant ainsi d’empêcher notre pays d’accéder aux connaissances mondialement reconnues qui invalident les théories freudiennes et renouant avec le plus rétrograde des obscurantismes dont l’Inquisition, avec son Index des oeuvres interdites, constitue le plus paradigmatique des exemples.
1 Bettelheim, Bruno : La Forteresse vide, NRF Gallimard éd., Paris, 1969 (1967)
2 Pollak, Richard : Bettelheim l’imposteur. In : Meyer, Catherine (ed.): Le livre noir de la psychanalyse, Les arènes, Paris 2005, pp.533-548.
3 Ibid.
4 Guéritault, Violaine : Les mères, forcément coupables. In : Meyer, Catherine (ed.): Le livre noir de la psychanalyse, Les arènes, Paris 2005, pp.508-531.
5 et encore, ceci n’est valable que pour les freudiens orthodoxes ; les lacaniens peuvent s’y soustraire ou la pratiquer autrement puisque Lacan, lorsqu’il a crée sa propre école dissidente, a affirmé que « le psychanalyste ne s'autorise que de lui-même » (Lacan, "Proposition de 67", Autres écrits, p 247)
6 Van Rillaer, Jacques : Psychanalyse populaire et psychanalyse pour initiés. In : Meyer, Catherine (ed.): Le livre noir de la psychanalyse, Les arènes, Paris 2005, pp.235-240.
7 est-ce un hasard si l’un des plaignants est originaire de l’Argentine, un autre est français et le troisième francophone ?
8 Bénesteau, Jacques : La chute de la maison Freud. Science et Pseudo-sciences, 293, 13-19, 2010
9 cf. Meyer, Catherine : L’exception française. In : Meyer, Catherine (ed.): Le livre noir de la psychanalyse, Les arènes, Paris 2005, p.242.
10
http://fr.wikipedia.org/wiki/Psychanalyse_...analyse_en_Su.C11
http://www.sfpsy.org/Code-de-deontolgie-des.html12 Déglon, Jean-Jacques : Comment les théories psychanalytiques ont bloqué le traitement efficace des toxicomanes et contribué à la mort de milliers d'individus en France. In : Meyer, Catherine (ed.): Le livre noir de la psychanalyse, Les arènes, Paris 2005, pp.616-637.