L'autisme mieux compris ?

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par luc marchauciel » 24 Fév 2012, 20:08

Deux textes, dans Politis.
D'abord le psychanalyste Bernard Golse, qui illustre la nouvelle technique de défense de la citadelle assiégée en train de vaciller : "bien sûr que l'atusime est multifactorielle et que nous sommes pour une prise en charge éducative, mais il faut aussi une aide psychothérapeutique, ça ça ne peut être que la psychanalyse, et d'aileurs on va continuer à raconter nos salades comme avant". Et ce mec qui prétent faire de la "neuropsychanalyse blablate encore sur "l'interprétation des angoisses archaïques" et sur le "Moi corporel". On ne les "guérira" pas de leurs crise d'analyse analysante, le mal est trop profond
Quand on sait comment les freudiens ont lutté pied à pied pour garder leur monopole et empêcher les progrès en France du comportementalisme, qu'ils qualifiaient en gros de "dressage fascisant au service de l'ordre néolibéral", et qu'ils l'ont fait y compris en utilisant leurs positions mandarinales pour faire fermer des cours en Fac, les voir sortir, aujourd'hui qu'ils sont en passe d'êtré balayés, le grand numéro du "pluralisme des approches", c'est assez indécent.
En ce moment, dans les couloirs, ils manoeuvrent pour que la HAS révise son rapport, un peu come Servier faisait pression pour que son Mediator ne soit pas correctement évalué et retiré du marché.

- le deuxième texte , du président d'une assoc de parents d'autistes, est sensiblement différent....

a écrit :
Bernard Golse, Pédopsychiatre et psychanalyste.

L’hypothèse plausible de l’origine polyfactorielle des pathologies
autistiques nous oblige à une prise en charge multidimensionnelle la
plus précoce possible, afin de ne se priver d’aucune voie d’accès
potentiellement efficace.
En France, à la suite des décrets pris par Madame le ministre Simone
Veil en 1996, la décision a été prise de doter progressivement chaque
région d’un « Centre ressources autisme » chargé de promouvoir l’information et la formation en matière de dépistage précoce, d’évaluation diagnostique, de prise en charge et de recherches, mais, sur le plan des soins, ces décrets insistaient à juste titre sur le nécessaire équilibre entre les options pédagogiques, éducatives, rééducatives et psychothérapeutiques, une fois le diagnostic posé dans les Centres d’évaluation et de diagnostic de l’autisme et des troubles envahissants du développement, selon les principes des recommandations de l’Anaes (1).
Qu’entend-on sous le terme de prise en charge multidimensionnelle ? Le
tout-psychanalytique a échoué, mais le tout-pédagogique, le tout-éducatif ou le
tout-rééducatif échoueront de même, et toute technique qui prétendrait réclamer ou imposer le monopole de la prise en charge serait en fait hautement suspecte !
Il importe, bien entendu, de respecter au maximum les trajectoires des familles, tout en plaidant avec force pour le fait que, sur le fond d’une intégration scolaire digne de ce nom, une action puisse être menée conjointement sur les trois plans de l’éducatif, du rééducatif et du soin psychothérapeutique.
Les enfants autistes doivent aller à l’école, et nous nous sentons entièrement solidaires des parents qui réclament que la loi de 2005 sur l’intégration scolaire des enfants handicapés et autistes puisse effectivement être mise en oeuvre.
Malheureusement, nous sommes encore très loin du but, du fait d’une formation
insuffisante des enseignants et des auxiliaires de vie scolaire !
Une fois l’enfant autiste scolarisé, reste alors à lui proposer une prise en charge sous la forme d’un trépied fondamental : une aide éducative – et aucun psychanalyste raisonnable ne s’oppose plus aujourd’hui à ce type d’apports qui peuvent beaucoup aider l’enfant autiste à accroître ses habiletés sociales, pour peu que ces mesures d’aide ne deviennent pas envahissantes pour lui comme pour ses parents –, une aide rééducative toujours nécessaire à un moment ou à un autre (rééducation orthophonique et psychomotrice, en particulier), et une aide psychothérapique enfin.
En dépit de tout ce qu’on peut lire et entendre aujourd’hui, il nous semble que l’approche psychothérapique des enfants autistes demeure une nécessité absolue.
Quelle que soit la méthode employée, toute psychothérapie d’un enfant autiste vise à lui faire sentir qu’un autre existe et qui n’est pas menaçant… Il n’y a pas que la cure psychanalytique qui puisse se donner cet objectif psychothérapeutique, et l’on citera, par exemple, les « Thérapies d’échange et de développement » développées en France par l’école de Tours, mais aussi la méthode « Floortime » très utilisée aux États-Unis et qui donne une place centrale au jeu et au partage émotionnel.
Compte tenu des polémiques actuelles, quelques mots nous semblent toutefois utiles à propos des psychothérapies psychanalytiques des enfants autistes, si décriées.
tre autiste donne lieu, à certains moments, à des souffrances affectives extrêmes, et sortir de l’autisme n’est pas simple non plus, car l’enfant autiste va alors découvrir le monde et les objets qui le composent (objets animés et objets inanimés), lesquels peuvent être ressentis par lui comme des objets terrifiants.
Dans ces conditions, que peut apporter la cure psychanalytique ?
Avec un enfant autiste, la question n’est pas tant de trouver et de désigner le coupable de ses difficultés (lequel n’existe d’ailleurs pas en tant que tel), mais de l’aider à être en lien vivant avec son monde interne, et de l’aider à lui donner forme et sens.
Le psychanalyste, au sein d’un cadre rigoureux et stable, passera ainsi, par exemple, de longues périodes à mettre des mots sur les affects de l’enfant (verbalisation des affects).
Il a aussi à « interpréter » ses angoisses archaïques, c’est-à-dire à proposer un sens aux figurations corporelles ou comportementales de l’enfant qui, aussi autiste soit-il, a une sorte d’intention inconsciente de communiquer à l’autre quelque chose de son vécu intime, de ses éprouvés et de ses ressentis affectifs.
La verbalisation des affects de l’enfant autiste et l’interprétation de ses angoisses archaïques offrent ainsi deux moyens importants de faire sentir à l’enfant qu’un autre existe et qui peut le comprendre, ce qui soutient l’enfant dans l’instauration de son intersubjectivité.
Mais le psychanalyste peut aussi aider l’enfant à édifier ce que Geneviève Haag appelle son « Moi corporel », c’est-à-dire lui permettre de se vivre comme un tout unifié, différencié et progressivement plus sécure. Tout cela n’est possible que grâce à la formation du psychanalyste en matière de transfert et de contre-transfert, formation qui lui permet de s’identifier profondément aux vécus corporels et affectifs de l’enfant autiste. Au moment même où une vision plurifocale commence, enfin, à émerger quant aux causes de l’autisme, vision centrée, notamment, sur les troubles de la sensorialité des enfants autistes qui les empêcheraient d’accéder normalement à l’intersubjectivité, il serait dommage de continuer à fonctionner de manière clivée, à l’image des enfants autistes eux-mêmes, et à faire ainsi l’économie d’une articulation raisonnée de nos différentes approches.




a écrit :
M’Hammed Sajidi, président de l’association « Vaincre l’autisme ».

Nous sommes une association de familles d’enfants autistes et sommes victimes du traitement psychanalytique. Celui-ci s’est toujours montré nocif pour les enfants et leurs familles. Nous ne sommes pas contre la psychanalyse en tant que telle, mais notre problème est le traitement de l’autisme en France par la seule pédopsychiatrie psychanalytique ou presque.
Aujourd’hui, l’autisme est reconnu en France et à l’étranger comme un trouble
neurodéveloppemental, et l’on sait que cette maladie est à la fois prénatale et postnatale.
Il ne s’agit donc pas d’un problème uniquement psychique ou psychologique. Mais la particularité du traitement de l’autisme en France est la mainmise de la pédopsychiatrie psychanalytique, et le refus de toutes les données et avancées scientifiques et médicales, notamment en matière de prise en charge.
On voit aujourd’hui une stratégie de lobby puissant de la part de personnalités de la pédopsychiatrie psychanalytique, qui nous considèrent comme les grands méchants loups prêts à les persécuter et qui, surtout, cherchent à empêcher toute autre forme de traitement de l’autisme en France.
Nous représentons plus de 3 000 familles qui, toutes, ont été prises en charge au départ par la pédopsychiatrie psychanalytique. Ce que nous reprochons à celle-ci est l’absence de véritable diagnostic pour les enfants autistes, la culpabilisation des mères, et l’absence de toute prise en charge sur le plan éducatif. Pendant des années, dans les hôpitaux psychiatriques de jour, nos enfants n’ont bénéficié d’aucune évolution favorable de leur état de santé, qui s’est même dégradé dans la plupart des cas, sans parler des ravages
au sein des familles.
Nous avons donc sorti nos enfants de ces structures et avons mis en place des prises en charge dans le milieu ordinaire avec des scolarisations : nous avons alors constaté que nos enfants ont atteint une vraie autonomie, et leur état de santé s’est grandement amélioré, ce qui est prouvé et reconnu par les pouvoirs publics.
La psychanalyse n’a, elle, aucune donnée fiable sur la prise en charge de l’autisme. Il n’y a aucune raison que les droits des usagers de la santé publique soient bafoués au prétexte qu’un lobby a des intérêts financiers importants à « traiter » nos enfants, puisque la Sécurité sociale paye ses services.
Quand l’État impose la scolarisation des enfants autistes, il n’accorde aucun budget pour celle-ci, alors qu’un accompagnement spécialisé avec des auxiliaires de vie et des personnels de l’Éducation nationale formés est nécessaire. La mobilisation actuelle de ce lobby montre bien la réalité de la situation en France. Ces pédopsychiatres mettent les enfants dans des hôpitaux psychiatriques sans aucune évaluation, aucun suivi ni aucun
résultat concret, pour un coût qui va de 600 à 1 300 euros par jour, financé par la Sécurité sociale.
Aujourd’hui, nous avons les capacités, les compétences et les outils pour diagnostiquer l’autisme des enfants avant l’âge de 2 ans et au plus tard avant 3 ans. Il faut alors mettre en place des prises en charge éducatives et psycho-éducatives qui donnent de véritables résultats et empêchent le développement de la maladie. On fait en outre partout dans le monde ce que l’on appelle des diagnostics différentiels, pour prendre en charge les troubles, voire les maladies associées dans certains cas à l’autisme. En France, ces
maladies ou troubles ne sont généralement pas traités car les pédopsychiatres
psychanalystes refusent des outils pourtant utilisés ailleurs. Je veux parler de problèmes somatiques qui, ici, ne sont pas soignés car nos enfants sont traités uniquement comme des malades mentaux. Qu’ils aient des maux de ventre, de dents ou de tête, ils ne peuvent pas les exprimer et ne sont donc pas soignés.
Il existe aujourd’hui des thérapies médicamenteuses qui permettent de bien soigner certains problèmes. C’est le cas notamment pour les troubles du sommeil, dont souffrent la majorité des enfants autistes et qui génèrent de grandes fatigues pour eux et tout l’environnement. Or, ces médicaments ne sont toujours pas délivrés en France, alors qu’ils le sont chez la plupart de nos voisins !
Tous ces outils ont fait leurs preuves à l’étranger depuis plusieurs décennies ; seule la France continue, pour une grande part, de les ignorer. À cause de ce lobby psychanalytique.
Qu’attendent donc les pouvoirs publics pour donner de telles directives dans la
prise en charge de nos enfants ? Cela, alors que nous sommes aujourd’hui à un point qui correspond au début de la découverte de causalités multifactorielles de l’autisme, dont 10 % au moins seraient génétiques.
Alors que nous avons en France une recherche de haut niveau, nous avons une carence importante de compétences médicales qui puissent mettre en oeuvre les réponses thérapeutiques enfin diversifiées que nous attendons depuis si longtemps.
Dans ce pays, la médecine ne suit pas parce que l’on a cloisonné, enfermé même, l’autisme sous l’emprise de la psychiatrie psychanalytique. Il faut aujourd’hui que des médecins, praticiens hospitaliers, compétents en neurologie, en génétique, en pédopsychiatrie, en neuropédiatrie, s’expriment enfin. Or, ils ne s’expriment toujours pas en France. Leur silence est extrêmement grave aujourd’hui.
luc marchauciel
 
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Message par canardos » 25 Fév 2012, 00:13

Franck Ramus Directeur de recherches au CNRS chercheur en psychologie cognitive répond au député UMP Daniel Fasquelle auteur d'une proposition de loi interdisant la prise en charge psychanalytique de l'autisme. je suis tout à fait d'accord avec cette lettre, ce n'est pas à la loi d'interdire une thérapie mais en revanche elle peut poser le principe d'une évaluation systématique et pas seulement pour l'autisme et pas seulement pour la psychanalyse.

En plus je trouve juridiquement élégant le moyen que Franck Ramus propose pour mettre un termes aux abus, en procédant sur la base de la notion d'allégation,comme dans le domaine alimentaire, où il est actuellement illégal d'alléguer des bienfaits pour la santé d'un aliment sans en apporter les preuves.
Il s'agirait d'interdire toutes les allégations d'efficacité thérapeutique portant sur une thérapie non validée qu'il s'agisse de psychothérapie, d'orthophonie, d'acupuncture, ou de toute pratique médicale ou paramédicale, comme des médicaments et des aliments.

Ramus propose également de retenir comme des allégations de santé a priori tout nom de profession ou de pratique comportant les mots thérapie/thérapeute, ortho-, -pathe/-pathie, et quelques autres des lors qu'elle correspondent à des pratiques thérapeutiques non évaluées.

ça ferait le ménage chez les charlatans...un sacré ménage dont nous avons tous besoin...mais ne rêvons pas...

a écrit :

Dimanche 12 février 2012
Lettre à M. le député Daniel Fasquelle

Paris, le 12 février 2012

Monsieur le député,

J'ai lu avec intérêt votre proposition de loi sur les prises en charge psychanalytiques de l'autisme. Sans aucun doute, vous avez mis le doigt sur un problème important, qui nécessite des mesures énergiques. En revanche, je suis plus réservé sur la méthode que vous avez choisie pour répondre à ce problème, qui me paraît à la fois inappropriée et singulièrement étroite dans ses ambitions:
·         Premièrement, il n'est pas du ressort des députés de fixer, par la loi, la liste des traitements efficaces pour l'autisme, pas plus qu'il n'est de leur ressort de définir les molécules efficaces pour le traitement du diabète. Il s'agit là d'une affaire règlementaire, qui doit être confiée à une autorité compétente. Le rôle des députés est de définir le cadre légal pour que de tels traitements puissent être réglementés.
·         Deuxièmement, votre proposition de loi concerne les enfants autistes, mais quid des enfants avec troubles du langage, troubles de l'attention, dyslexie, etc., qui eux aussi sont victimes des mêmes modèles théoriques dépassés et des mêmes approches thérapeutiques inefficaces? Quid des adultes souffrant de divers troubles cognitifs ou mentaux? Les enfants autistes ne sont pas les seules victimes de la psychanalyse.
·         Troisièmement, votre proposition de loi identifie nommément la psychanalyse, mais quid des autres pratiques dont l'efficacité est inconnue, ou connue comme étant équivalente à un placebo, quand elles ne sont pas dangereuses? Thérapies de la mémoire retrouvée, rebirth, karmathérapie[ii]... Et au-delà de la santé mentale, quid de l'homéopathie, de l'acupuncture, de l'imposition des mains... La psychanalyse n'a pas le monopole des pratiques douteuses ou inefficaces.

Pourquoi donc s'arrêter en si bon chemin? Peut-on raisonnablement justifier de ne s'intéresser qu'aux enfants autistes, et de ne s'attaquer qu'à la psychanalyse? Votre proposition de loi part d'une bonne intention mais ne fait qu'effleurer la pointe d'un iceberg bien plus vaste et complexe.

Monsieur le député, si votre engagement en faveur des enfants autistes (et des autres) est sincère, si votre engagement contre toutes les thérapies inefficaces est tout aussi sincère, alors je ne peux que vous inviter à travailler sur une proposition de loi beaucoup plus ambitieuse, qui serait à même de résoudre véritablement le problème des prises en charges inadaptées de l'autisme et de bien d'autres affections. Je me permets de vous faire ci-dessous quelques suggestions de mesures que cette proposition de loi pourrait contenir.

1.      En France, actuellement, seuls les médicaments et un certain nombre de produits biologiques et de dispositifs médicaux doivent obligatoirement faire l'objet d'évaluations afin d'obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). En revanche, les traitements non pharmaceutiques ne font l'objet d'aucune évaluation obligatoire, et sont mis sur le marché sans aucun contrôle. Cette situation, tout à fait anormale, laisse les Français sans aucune protection contre les traitements inefficaces, voire nuisibles. Il conviendrait donc d'instituer une nouvelle agence gouvernementale, similaire à l'AFSSAPS (maintenant l'ANSM), chargée de l'évaluation de tous les traitements non médicamenteux. La mission de cette agence serait de passer en revue les études d'évaluation des différents types de traitements non médicamenteux, pour toutes les affections ciblées par ces traitements. Au vu de ces évaluations, elle établirait des listes de traitements et de pratiques validés et de leurs indications. Elle serait également chargée de contrôler que les pratiques des professionnels se conforment à ses recommandations. Bien entendu, les listes de traitements validés devront être régulièrement remises à jour pour bien refléter l'évolution inévitable des connaissances.

2.      Comment délimiter le champ d'action d'une telle agence? En dehors du médicament, l'approche générale a été jusqu'à présent de réglementer des professions: médecins, psychologues, un certain nombre de professions paramédicales, et plus récemment les psychothérapeutes avec l'amendement Accoyer (qui est un échec, puisque grâce à un lobbying efficace des psychanalystes au plus haut niveau de l'Etat, il accorde le titre de psychothérapeute à tous les psychanalystes, sous seule condition d'un stage, mais sans aucune condition de formation). Sans exclure la réglementation nécessaire de certaines professions, je propose une approche complémentaire, procédant sur la base des allégations. Dans le domaine alimentaire, il est désormais illégal d'alléguer des bienfaits pour la santé d'un aliment sans en apporter les preuves. Cette nouvelle législation européenne est certainement un grand pas en avant. Mais elle ne met que plus crûment en relief l'absence totale de réglementation pour les traitements non médicamenteux. Est-il acceptable qu'un psychothérapeute (de quelque formation que ce soit) puisse en toute liberté alléguer soigner des troubles mentaux, sans jamais avoir à se justifier et sans aucun contrôle de ses pratiques, alors qu'un fabricant de yaourt est sommé d'apporter la preuve des bienfaits de son produit pour la digestion? La cohérence impose donc de réglementer toutes les allégations de santé, qu'il s'agisse de psychothérapie, d'orthophonie, d'acupuncture, ou de toute pratique médicale ou paramédicale, comme des médicaments et des aliments. Pour une couverture complète, en plus des allégations explicitement formulées concernant les maladies appartenant à la Classification Internationale des Maladies, on devrait retenir comme étant une allégation de santé a priori tout nom de profession ou de pratique comportant les mots thérapie/thérapeute, ortho-, -pathe/-pathie, et quelques autres, avec quelques exceptions à définir. Ainsi, tout individu prétendant soigner des enfants autistes, des adultes schizophrènes, ou des douleurs chroniques devrait obligatoirement se conformer aux pratiques validées pour la maladie en question (et ce, quelle que soit sa profession, tant qu'elle autorise à ce genre de pratiques). De même, tout individu utilisant le titre de psychiatre, de psychologue ou de psychothérapeute, ou déclarant pratiquer une thérapie, ne pourrait le faire que dans la limite des pratiques validées pour chaque maladie. Une telle réglementation obligerait chaque professionnel à se tenir au courant de l'état de l'art de la recherche clinique et à se former aux pratiques validées. Elle obligerait également ceux tenant à proposer des pratiques non validées à ne les offrir qu'aux personnes adultes et saines. Ainsi, les psychanalystes, coaches et autres conseillers ni psychiatres, ni psychologues, ni psychothérapeutes, pourraient continuer à proposer leur écoute et leurs conseils à des adultes sains rencontrant des difficultés ou éprouvant un mal-être, à condition de rediriger obligatoirement les personnes véritablement malades (qu'il s'agisse d'autisme, de schizophrénie, de dépression ou de trouble anxieux) vers des professionnels plus compétents. Ce qui les inciterait déjà à se former aux éléments de base de repérage des différents troubles. Un même professionnel aurait la faculté de concilier des thérapies validées avec les personnes malades et d'autres pratiques avec les personnes saines, le principe de cette réglementation étant simplement: "quelles pratiques pour quelle maladie?". En suivant cette approche, le problème que l'amendement Accoyer cherchait à résoudre ne se poserait plus (on libérerait l'usage du titre de psychothérapeute, pour mieux en contrôler les pratiques).

3.      Une telle réforme devrait bien entendu être accompagnée d'un effort très important de formation de tous les professionnels concernés par les allégations de santé, à la fois dans leur formation initiale et dans leur formation continue. Pour commencer, il serait bon de vérifier que les facultés de médecine et de psychologie, ainsi que les écoles d'orthophonie, de kinésithérapie, de psychomotricité, etc., enseignent bien les thérapies validées, ce qui est loin d'être le cas actuellement (par exemple, seule une minorité de psychiatres et de psychologues français en activité sont formés aux thérapies cognitives et comportementales ayant fait la preuve d'une certaine efficacité).

4.      Malgré l'aspect très exhaustif et contraignant de la réglementation proposée, il conviendrait de préserver une certaine marge de manœuvre pour l'expérimentation, car il faut bien expérimenter des méthodes non validées pour en découvrir de plus efficaces. Simplement, on ne peut plus laisser chaque médecin, chaque thérapeute, expérimenter dans son coin avec ses propres patients, de manière informelle, sans protocole expérimental contrôlé et sans collecte rigoureuse des données, pour ensuite (au mieux) publier ses observations subjectives de cas dans un livre soustrait à toute expertise. Il est nécessaire d'encadrer ces expérimentations, de les restreindre aux CHU, et peut-être aux professionnels formés à la recherche (par exemple titulaires d'un doctorat de sciences), et les assortir d'une obligation de déclarer un protocole, de collecter des données objectives sur ces expérimentations, et, si elles sont suggestives d'une certaine efficacité, de conduire un essai clinique rigoureux et d'en publier les résultats (dans une revue médicale internationale). Et il faudrait réaliser et publier régulièrement des synthèses des études d'évaluation (françaises et internationales), afin qu'aucun professionnel ne puisse ignorer les pratiques à l'efficacité démontrée, et celles qui (au mieux) nécessitent plus de recherche.

5.      Dernier point, il conviendrait de faire correspondre la nomenclature de remboursement des soins par la Sécurité Sociale aux listes de traitements validés, de communiquer largement sur le sujet, et d'imposer aux professionnels d'informer clairement leurs patients du caractère remboursable ou non des pratiques qu'ils leur proposent. Cela aurait des effets bénéfiques dans les deux sens. D'une part, cela inciterait les professionnels à abandonner les pratiques non validées (car la plupart de leurs patients ne souhaiteront ou ne pourront pas s'offrir des soins non remboursés). Par exemple, les psychiatres ne pourraient plus faire rembourser (ne serait-ce que partiellement) les thérapies analytiques. Les orthophonistes ne pourraient plus faire rembourser que les pratiques validées (parmi la grande diversité de pratiques ayant cours). D'autre part, cela pourrait ouvrir le remboursement à toute une série de traitements qui actuellement ne sont pas remboursées, ce qui pose de graves problèmes d'égalité d'accès aux soins entre citoyens. Par exemple, les psychothérapies pratiquées par un psychologue diplômé, ou encore les rééducations psychomotrices ne sont actuellement pas remboursables, quelle que soit leur efficacité. Toutes les pratiques à l'efficacité thérapeutique démontrée devraient pouvoir entrer dans la nomenclature des soins remboursés, pour le bénéfice de tous. Enfin, dans le même esprit, il serait nécessaire de conditionner aussi les subventions aux instituts médico-sociaux et autres instituts dispensant des soins gratuits à l'adoption de pratiques validées.

Un tel cadre législatif permettrait d'augmenter considérablement la qualité de l'offre de soins en France, en développant la recherche clinique, en faisant progresser les connaissances et les pratiques, en éliminant progressivement les pratiques inefficaces, sans avoir besoin de stigmatiser a priori une école de pensée particulière. Bien entendu, certains professionnels finiraient bien par être mis en cause dans un tel système, mais ils le seraient au motif de leur refus persistant d'adopter des pratiques conformes à l'état des connaissances, plutôt qu'au motif de leur appartenance ou de leur adhésion à une école de pensée particulière.

Je réalise bien, Monsieur le député, que le projet que j'ai ébauché ci-dessus est excessivement complexe et ambitieux. Même restreint aux seules psychothérapies, un tel projet serait une avancée majeure; Je ne m'imagine pas que vous puissiez vous y atteler d'ici la fin de la mandature, quelles que soient vos convictions et votre bonne volonté. Ce n'est pas pour cela qu'il faut renoncer à envisager le problème dans sa globalité. Je vous souhaite d'être en mesure de le faire au cours de la prochaine mandature.

Veuillez agréer, M. le député, mes salutations les plus sincères,
Franck Ramus
Directeur de recherches au CNRS

canardos
 
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Message par canardos » 28 Fév 2012, 13:38

voila sur Rue 89 un papier de Sophie Robert, la réalisatrice du MUR, le documentaire sur l'autisme censuré par la justice à la demande des psychanalystes.

a écrit :

Autisme : ce que je retiens de la théorie sur le « dragon maternel »
Sophie Robert | Réalisatrice et productrice

   
La réalisatrice du film « Le Mur », condamnée par le tribunal de grande instance de Lille pour « atteinte à l'image et à la réputation » de trois psychanalystes interviewés dans son documentaire, revient pour Rue89 sur les racines de cette théorie qu'elle juge si nocive pour les autistes.

Au cours de mes quatre ans d'enquête (45 interviews dont 27 filmées), j'ai découvert que la majorité des psychanalystes français se référaient aujourd'hui encore à un schéma de pensée pour lequel la toxicité maternelle reste l'explication-phare de l'autisme, comme de toutes les pathologies du développement.

Parmi les analystes, cette théorie fondamentale ne fait pas débat. Mon travail de réalisatrice a pour but de permettre à tout un chacun de décoder la théorie analytique, par la bouche des psychanalystes eux-mêmes, invités à expliquer leurs propres théories, sans les dénaturer, c'est-à-dire en assumant devant ma caméra la dimension politiquement incorrecte de leur discours.

Un débat de fond sur le contenu des théories psychanalytiques est pourtant plus que jamais nécessaire. Or, face aux rares bilingues psychanalyse-français qui s'évertuent à mettre en évidence leurs partis-pris idéologiques, les psychanalystes adoptent une stratégie de victimisation, accusant le fauteur de trouble de fascisme, d'antisémitisme, voire de scientologie, pour se parer des vertus de l'humanisme outragé.

La « fusion incestueuse » avec la mère

Malgré près de trente ans de recherches en génétique et neurobiologie, les psychanalystes persistent à considérer l'autisme comme une psychose.

La sollicitude d'une mère à l'égard d'un enfant qui ne se développe pas normalement est interprétée soit comme mensongère (un désir de mort masqué) soit comme la cause directe du retard de développement. La thérapeutique consiste à séparer l'enfant de la mère en le plaçant dans une institution chargée de couper le lien.

L'autisme est interprété comme une dépendance excessive de l'enfant à sa mère. Les psychanalystes parlent de grossesse externe, de mère fusionnante, d'étouffement maternel. Pendant la maternité, les femmes traverseraient un état de folie transitoire qui plonge le bébé dans un état de psychose généralisée, prototype de tous les troubles psychiques à venir.

Tant que le bébé ne parle pas il est supposé être incapable de se différencier de sa mère, et donc psychotique (fou). Sous prétexte que sa mère engage avec lui une relation organique et non verbale, elle est supposée folle.

Les psychanalystes parlent de « folie à deux ». Cette relation primordiale, parfois appelée fusion incestueuse, sous-tend l'idée d'une animalité en opposition à l'humain, une relation hors normes, dans laquelle le père doit venir mettre de l'ordre, afin que conscience et langage puissent advenir.
Lacan et l'aliénation maternelle

La maternité n'aurait d'intérêt pour une femme que dans la mesure où l'enfant représente le substitut du phallus. Le bébé est en effet un objet de valeur, valorisant la mère, c'est donc un substitut du pénis (même si c'est une fille ! ) parce qu'analytiquement parlant tout ce qui est valable est forcément phallique.

Jacques Lacan, le plus célèbre des psychanalystes français, a été le promoteur de l'idée de mère psychogène avec le concept d'aliénation maternelle : une personne psychotique – un aliéné – est supposé avoir été aliéné à une mère fusionnante, incapable de le laisser s'autonomiser pour ne pas se séparer de son phallus providentiel.

Le sexe féminin est supposé absent dans l'inconscient où ne règnerait que du phallus. Il y aurait donc une contradiction insoluble entre le sexe anatomique de la femme et son inconscient phallique, qui pousserait la mère psychogène à s'amarrer à son enfant-substitut du phallus, et l'empêcher de se différencier d'elle, au point de le rendre fou.
Mère frigidaire ou fusionnante, même résultat

Ce mécanisme s'appelle la forclusion, autrement dit le gommage, du nom du père. Une mère est dite psychogène lorsqu'elle fait barrage au travail de séparation-individuation du père à l'égard de l'enfant. Ce concept suppose que c'est le père qui permet à l'enfant de s'individualiser et d'accéder au langage, phénomènes qui résulteraient simplement d'un travail de séparation de la mère et de l'enfant.

Mais l'enfant qui va mal est également supposé avoir été abîmé par un vœu de mort maternel, et victime d'une pensée destructrice, fût-elle inconsciente et passagère.

Simultanément à ses désirs d'inceste, une jalousie haineuse pousserait la femme à détruire les substituts du phallus manquant, à savoir l'enfant-phallus et le mari déchu de sa toute puissance. Parce qu'elle dit une chose et son contraire, cette théorie est irréfutable : que la mère soit trop froide, « kapo frigidaire » selon Bettelheim, ou dépressive, ou bien qu'elle soit trop chaude et fusionnante, peu importe, le résultat est identique forclore, gommer l'influence du père et l'empêcher d'exercer sur l'enfant son œuvre civilisatrice.

La dépression maternelle, si souvent invoquée dans l'autisme, est supposée liée à ce vœu de mort exprimé par la mère ; ou bien refléter la crainte d'une perte de l'enfant-phallus. Le sous-entendu est permanent : un enfant livré à sa mère c'est la catastrophe. La mère serait « dragonne » par essence, de par son sexe manqué, absent, et un penchant féminin naturel à l'absence de limites, tandis qu'il n'y aurait de loi et d'ordre que phalliques.

L'inceste paternel ne ferait pas tellement de dégât, tandis que l'inceste maternel serait effroyablement destructeur même s'il ne s'agit que d'un inceste inconscient, sans passage à l'acte. D'un point de vue psychanalytique, la folie même est synonyme d'inceste maternel.
Un débat qui s'est tenu partout dans le monde, sauf en France

Si les psychanalystes se contentaient de recevoir en cabinet une clientèle privée de névrosés adultes, ces croyances, aussi sexistes soient-elles, n'auraient pas de conséquences aussi graves. Mais ils exercent en tant que psychiatres et psychologues dans des institutions psychiatriques où ce qui doit primer c'est le soin apporté au patient au meilleur d'une connaissance scientifique actualisée.

La foi en la psychanalyse fait barrage à cette mission ainsi qu'à l'examen objectif du contenu de théories qui ont des conséquences sanitaires et sociales énormes dans l'existence de centaines de milliers de familles. Ces débats ont eu lieu dans le reste du monde depuis plus de trente ans.

Pourquoi, en France, est-il impossible de débattre simplement, objectivement, du contenu des thèses psychanalytiques ?

canardos
 
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Message par com_71 » 28 Fév 2012, 14:15

La messe est dite, écoutée, entendue. On peut fermer ce fil.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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