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08/06/2010
Consortium sur l'autisme : Découverte de nouveaux gènes
Cent soixante-dix-sept scientifiques, issus de plus de 60 institutions de 11 pays différents, présentent les résultats de la phase 2 du consortium international de recherche génétique sur l'autisme, Autism Genome Project. Ce groupe de chercheurs, parmi lesquels des scientifiques français, a découvert des mutations génétiques et de nouveaux gènes impliqués dans l'autisme. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature du 10 juin 2010.
Le groupe de chercheurs internationaux a analysé le génome entier de 1000 personnes présentant des troubles liés à l’autisme et 1300 individus témoins à l'aide des micropuces ADN à haute résolution. Les scientifiques ont ainsi pu mettre en évidence des insertions et des suppressions de séquences génétiques, invisibles au microscope. Ces remaniements, appelés « variations du nombre de copies » ont permis d’identifier de nouveaux gènes impliqués dans l’autisme, notamment SHANK2, SYNGAP1, DLGAP2 et PTCHD1. Certains d’entre eux agissent au niveau des contacts entre les neurones (les synapses), tandis que d’autres sont impliqués dans la prolifération cellulaire ou encore la transmission de signaux intracellulaires. L’identification de ces voies biologiques offre de nouvelles pistes de recherche, ainsi que des cibles potentielles pour le développement de traitements originaux.
La nouvelle étude de l’Autism Genome Project a également démontré que les sujets atteints d'autisme tendent à avoir plus de « variations du nombre de copies » rares (détectées dans moins d’un pour cent de la population) touchant des gènes que les individus témoins. Certaines de ces mutations sont héritées, d’autres sont considérées comme « de novo » car elles apparaissent chez les patients et sont absentes chez leurs parents. Les chercheurs ont remarqué que chez les personnes autistes, un grand nombre de ces mutations tendent à perturber des gènes déjà associés à l’autisme ou aux déficiences intellectuelles.
Ces découvertes viennent appuyer un consensus émergent au sein de la communauté scientifique, selon lequel l’autisme serait provoqué en partie par de nombreuses « variations rares » ou des modifications génétiques détectées chez quelques sujets atteints. Les gènes identifiés par cette étude confortent aussi la voie synaptique identifiée par l’équipe de Thomas Bourgeron (Institut Pasteur, Université Denis Diderot) et Marion Leboyer (AP-HP, Inserm, Université de Paris-Est-Créteil, Fondation FondaMental). Alors que chacun de ces changements n'est observé que dans une petite partie des cas, l’ensemble de ces variations commence à représenter un pourcentage important de personnes atteintes d’autisme. « L’observation de gènes communs impliqués dans la prédisposition à l’autisme et dans des déficiences intellectuelles soutient l’hypothèse que différents troubles psychiatriques liés au développement du système nerveux partagent certains facteurs de risque génétique. » précise Catalina Betancur, chargée de recherche à l’Inserm dans l’unité 952 « Physiopathologie des maladies du système nerveux central » (Inserm/CNRS/UPMC), et dernière auteure de la publication parue dans la revue Nature.
Autism Genome Project
Démarré en 2002, l’Autism Genome Project rassemble 177 scientifiques, issus de plus de 60 institutions de 11 pays différents, qui ont formé le plus grand consortium sur la génétique de l’autisme. Ce projet est né de la volonté des chercheurs du monde entier de se regrouper pour partager leurs échantillons, leurs données et leur expertise afin de faciliter l’identification des gènes impliqués dans l’autisme. Cette collaboration, avec un vaste ensemble d’échantillons et une expertise multidisciplinaire, a créé des opportunités qui n’existeraient pas autrement. Aujourd’hui, les chercheurs étudient plus en profondeur les variations rares, ce qui nécessite de plus grands ensembles d’échantillons afin d’identifier davantage de mutations génétiques. La première phase de l’Autism Genome Project, achevée en 2007, avait permis de rassembler la plus grande collection d’ADN sur l’autisme et de mettre en évidence l'importance des « variations du nombre de copies » dans cette pathologie. Ce projet est majoritairement financé par Autism Speaks, une organisation américaine qui soutient la recherche sur l'autisme.
Les équipes françaises
La partie française de cette étude a été pilotée par Catalina Betancur, qui dirige le groupe de recherche sur la Génétique de l'Autisme au sein du Laboratoire de Physiopathologie des maladies du système nerveux central (Inserm, CNRS, UPMC) à Jussieu. Ce travail est le fruit d’une collaboration datant de plus de 10 ans entre l’Institut Pasteur, l’AP-HP et l’Inserm pour chercher à identifier les facteurs de vulnérabilité génétique rencontrées chez les personnes atteintes d’autisme. Ce projet bénéficie, entre autre, d’une promotion Inserm (Pôle Recherche Clinique, Institut Santé Publique, C07-33). Ce consortium a permis dès 2003 l’identification des toutes premières mutations des gènes impliqués dans la mis en place des synapses dans l’autisme. Les travaux de ce consortium ont été renforcés depuis 2007 par le soutien de la fondation FondaMental, fondation de coopération scientifique crée par le Ministère de la Recherche pour accélérer la recherche en psychiatrie.
A propos de l’autisme
L’autisme est un trouble neurobiologique complexe qui affecte la capacité d’une personne à communiquer et à établir des relations sociales. Il s’accompagne fréquemment de comportements répétitifs et d'intérêts restreints. Les troubles autistiques sont diagnostiqués chez un enfant sur 110 et touchent quatre fois plus de garçons que de filles. Les troubles du développement débutent en général avant l'âge de trois ans. Dans certains cas, l'autisme est associé à des maladies génétiques comme le syndrome de l'X fragile ou à des anomalies chromosomiques. Cependant, dans la majorité des cas, l'étiologie génétique précise demeure inconnue. Il n'y a pas de traitement curatif de l'autisme mais la prise en charge éducative précoce améliore le pronostic.
Source
Functional impact of global rare copy number variation in autism spectrum disorders, Autism Genome Project consortium, Nature, 10 juin 2010.
Rappelons pour mémoire les dogmes qui ont longtemps prévalu à propos de cette pathologie, sous l'influence du courant psychanalytique.
Voici par exemple la présentation faite sur un site "Psy en ligne" (http://psy-en-ligne.eu/lautisme-ou-la-f ... lheim.html) des thèses de Bruno Bettelheim dans son livre "La forteresse du vide" [c'est moi qui ai mis en gras]:
a écrit :
l'autisme ou "la forteresse vide" (Bruno Bettelheim)
Dans son ouvrage intitulé La forteresse vide (1967) B. Bettelheim s’intéresse de près aux origines de l’autisme infantile. Face à la thèse génétique1 (p705) influençant pendant très longtemps la manière de percevoir et de traiter l’autisme infantile, B. Bettelheim oppose une thèse psychogénique. L’autisme infantile ne serait pas dû à un désordre inné du contact affectif, ou à une incapacité à établir le contact. La perturbation affective résulterait, d’une part, d’un dérèglement grave de la communication (vu de l’extérieur) (p710); d’autre part, d’une angoisse écrasante face à une situation extrême2 de danger de mort imminent et irrémédiable (p144).
L’enfant autistique ne naît, alors, pas déshumanisé mais se détourne de l’humanité selon certaines motivations.
Selon B. Bettelheim, la future interaction sociale d’un individu avec ses pairs, comme cela se voit dans le règne animal, est façonnée par la qualité de l’interaction précoce parent- nourrisson. Peu après sa naissance, le nourrisson remarque son monde et lui prête délibérément son attention (p42). Plus l’action spontanée est encouragée par la mère et se fait au sein d’une profonde mutualité, plus le nourrisson prend conscience que le monde peut avoir une valeur positive pour lui. Son intérêt pour le monde extérieur est non seulement maintenu mais se voit augmenter, afin de commercer avec lui et d’obtenir la moindre satisfaction (p59). Si l’action spontanée du nourrisson est, au contraire, gênée ou perturbée haine, frustration, lutte, souffrance (des deux partis) imprègnent la relation. C’est l’enlisement. La communication est difficile, voire impossible. Et l’intérêt premier pour le monde extérieur baisse jusqu’à s’éteindre. Les efforts de l’enfant peuvent être perturbés à différents moments de son développement. Lors de son activité générale aux six premiers mois ; lors de sa recherche active de contact avec autrui entre le sixième et le neuvième mois ; lors de ses efforts actifs pour maîtriser physiquement et intellectuellement le monde entre le dix huitième mois et la deuxième année (p102). De cette interaction, l’enfant acquiert différentes convictions. Quoi qu’il fasse ses efforts pour changer une situation d’inconfort, de douleur, sont vains. Le monde, représenté par la mère, est insensible ou en colère. La réalité est rejetante, le manipule selon sa volonté, lui octroyant un non désir (mauvais désirs), une non existence (mauvaise existence). C’est ce pessimisme qui constitue l’anlage (position) autistique. Afin de ne pas s’attirer la haine destructrice du monde et de préserver le Soi ayant fait connaissance de certaines satisfactions mais ne sachant rien sur elles, il s’agit de s’empêcher d’agir. De puissantes défenses s’appliquent, alors, à oblitérer toute stimulation pouvant provenir du monde extérieur et tout ce qui à l’intérieur nécessiterait l’action ou l’interaction avec le monde extérieur (p121). Le succès provient du refoulement extrême de l’agressivité, dont le ressenti exprime clairement la perception de l’autre comme s’introduisant dans le monde "individuel" (p131).
L’autisme infantile, bien loin d’être caractérisée par une absence de relation avec les personnes, est marqué par le fait que l’enfant établit des relations entre tout ce qui lui arrive et ce qu’il a vécu avec une personne en particulier, ou un groupe de personnes (p183). Dans sa relation à l’enfant le père est si absent ou soumis qu’aucune autre expérience ne permet de contre balancer la relation unique au monde.
Bref, il fut une époque où les parents d'enfants autistes étaient en prime psychologiquement torturés par des barjots de psys de ce genre qui leur expliquaient que c'était leur faute si leur enfant choisissait en réaction de se réfugier dans son monde, et que c'est parce qu'ils n'avaient pas assez désiré leur enfant que celui-ci était malade (Betteleheim parlait à ce sujet des "mères frigidaires", parce que évidemment les femmes sont toujours un peu plus responsables quand même...).
Là, on a arrêté avec ces délires culpabilisateurs, et on va pouvoir peut être commencer à comprendre les mécanismes de la maladie pour agir dessus.
Parfois, il y a de bonnes nouvelles, comme ça.