Désolé, à nouveau, d'être long. Et je précise que sans prétendre à l'originalité, j'assume évidemment ce que j'écris (mais c'est le cas de tout le monde ici, non?)
Sur la question de l'objectivité des sciences (je reviendrais plus tard sur le marxisme et les sciences sociales). D'une manière ou d'une autre, plusieurs intervenants insistent sur le fait que la science seraient
( matrok, a écrit : bel et bien purement objective, ou du moins elle évolue continuellement dans le sens de devenir purement objective
Je pense qu'il y a vraiment un malentendu sur ce qu'on entend par objectif. Je crois que c'est cette confusion qu'on retrouve quand canardos écrit
a écrit :la science c'est l'étude de la réalité extérieure indépendante de l'observateur. quand je ferme les yeux, le monde ne disparait pas. Et cela quelques soient les rapports sociaux dans lesquels se meut l'observateur, ses conceptions idéologiques, sa vision du monde...ces rapports sociaux, ces conceptions, cette vision du monde peuvent être un frein ou au contraire un accélérateur, mais au bout du compte, ce qui fait d'une hypothèse une théorie scientifique, c'est sa conformité avec l'objet de l’étude, que cet objet soit l’étude de la société humaine, du psychisme humain ou l'étude des particules élémentaires.
Ce sont les relativistes comme Latour, dont se moquent Sokal et Bricmont, qui font de la science une idéologie une croyance qui n'est en dernière analyse pas validée par les faits observés mais par un consensus social...et j'ai l'impression que la science prolétarienne c'est un avatar de cette conception relativiste que Lénine dénonçait chez Bogdanov dans "matérialisme et empiriocriticisme".
D'abord, évidemment, on peut et on doit dénoncer le relativisme qui nie l'existence objective du monde et conçoit la science comme une pure idéologie. Mais vu que personne sur ce fil, je crois ne défend cela, on devrait pouvoir passer assez vite.
Mais que veut-on dire quand on dit "la science est objective?". Dire que la réalité extérieur existe indépendamment de l'observateur et fonctionne selon des régularités propres, c'est une chose, avec laquel tout matérialiste est d'accord. Mais il n'y a pas identité entre la science et le monde extérieur objectif. La science, ou plutôt la connaissance dont la science est un moment historique du développement (avec la constitution de méthodes, de disciplines, etc.), est le processus par lequel on connaît le monde extérieur objectif. C'est donc un rapport entre un sujet qui connaît (et ce sujet est social puisque justement les institutions scientifiques ont comme fonction, notamment, de mutualiser et de socialiser la connaissance, et d'établir des procédures fiables pour le faire) et l'objet de la connaissance. Dire que la science est purement subjective, comme le font les relativistes, c'est nier que cette relation s'établisse avec le monde objectif (ce qui peut aller jusqu'à nier l'existence indépendante de ce monde). Mais dire que la science serait pure objectivité n'a pas plus de sens.
Du coup, les sciences, dans leur développement historique sont nécessairement à la fois déterminées par leur objet, mais aussi par les rapports sociaux. En un sens très général, je pourrais être d'accord avec canardos quand il dit que le rôle des rapports sociaux est d'être un frein, ou un accélérateur. Mais c'est se placer de manière aussi générale que de dire que, à l'échelle du développement productif de l'humanité, les rapports sociaux, notamment la lutte des classe, ne sont jamais que des accélérateur ou des freins au développement des forces productives. Cette accélération ou se freinage se marquent dans le contenu des sciences elles-mêmes. Et je crois qu'il n'est pas inintéressant pour des marxistes d'étudier la manière dont les rapports sociaux, à travers l'idéologie mais aussi et d'abord les développements et limites des moyens matériels et techniques, l'organisation matérielle du travail scientifique, etc. agit concrètement à ce niveau. Un des meilleurs exemples, à mon avis, est la tentative du physicien soviétique Boris Hessen, au congrès d'histoire des sciences de 1931 d'analyser les liens entre l'ascension de la bourgeoisie et le développement de la physique newtonienne (il y avait eu un fil pour signaler la traduction en français de son texte : (
http://forumlo.cjb.net/index.php?showtopic=16960)). Et cela n'enlève rien au fait que la physique newtonienne représentait une bonne (la meilleure possible à son époque) description des faits objectifs et que c'est sur ce critère qu'il fallait l'évaluer.
C'est en ce sens là que l'on peut, si l'on veut, parler de caractérisation de classe des sciences. Je ne tiens pas comme à une lubie à parler de « sciences bourgeoise », et dans ce type de discussion on tord toujours un peu le bâton. Mais en tout cas une telle caractérisation, telle qu'elle a pu apparaître occasionnellement chez Marx, Engels, Lénine ou Trotsky renvoie toujours aux conditions sociales de production des sciences comme rapport au monde objectif et jamais à l'idée de juger les théories selon des critères de classe.