Le marxisme est-il une science ?

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par shadoko » 20 Fév 2012, 18:00

(Matrok a écrit :
Si on se met dans un cadre kühnien, personne sur ce fil jusqu'ici n'a dit que le paradigme marxiste était en fin de course et que les temps étaient mûrs pour une révolution scientifique.

Je faisais référence à cette phrase de Gaby:
(Gaby a écrit :
Je prétends que ce que tu décris de façon générale sur les changements de paradigme ne peut pas avoir lieu dans certains milieux dogmatiques où l'on ne peut même pas dire que Gramsci a de l'intérêt sans être soupçonné de s'écarter du Trotskysme pur sucre...

d'où ma question: est-ce que c'est juste pour dire le dogmatisme, c'est pas bien dans l'absolu, ou est-ce que cette phrase sous-entend qu'un changement est nécessaire (mais ne peut avoir lieu etc.)?

(Matrok a écrit :
Et surtout, le marxisme tel qu'il existe aujourd'hui est un courant de pensée auquel se rattachent plus de mouvements politiques que de scientifiques (ce que je ne critique pas, bien au contraire, mais que je constate). Et les productions "marxistes" sont autant les textes par exemple de la revue "Lutte de Classe" que ceux de chercheurs "marxistes" dans tel ou tel journal spécialisé de sociologie ou d'économie. Quelle que soit leur valeur politique, les textes de la revue "Lutte de Classe" n'ont souvent pas grand chose à voir avec une démarche scientifique. Ces textes ne sont pas forcément doctrinaires ou dogmatiques non plus, mais disons de vulgarisation. Ils ne contribuent pas à l'avancée de la "science marxiste", si une telle science existe. Et bien sûr "Lutte de Classe" n'est pas le pire exemple !

Je ne vois pas les choses comme ça. Les textes de la LDC (ou d'une autre revue marxiste, ce n'est pas le problème) exposent une certaine vision sur certains sujets spécialisés (ex: Haïti, ou bien Le New Deal). Ils sont produits après une certaine analyse de la situation économique ou historique qui suit des critères, une grille de lecture et des idées marxistes. De là ressort une certaine description, et dans certains cas un guide pour l'action. La LDC est accessible au grand public, et c'est heureux, mais dans bien des cas, je ne vois pas ce qui changerait si cette accessibilité n'était pas dans le cahier des charges. En tout cas, ce qu'elle contient peut se discuter (et se discute, d'ailleurs, par exemple ici), selon des critères rationnels, et par comparaison au monde extérieur, soit après coup (les vieilles LDC) pour voir si ce qui a été écrit était correct, soit parfois directement dans le feu de l'action. Je ne vois pas ce qu'on pourrait espérer de plus pour une science "sociale".

Je vois un peu la LDC ou toute autre analyse marxiste d'une situation concrète comme les maths appliquées du marxisme. C'est sûr, ça n'a pas pour but de changer des pans entiers de théorie, mais ça a pour but de l'appliquer, et parfois, des applications remontent des idées fécondes et plus théoriques. Et d'ailleurs, si on veut se référer à des noms plus illustres, les oeuvres de Lénine et Trotsky regorgent de textes dans lesquels une situation concrète les a conduits à développer des concepts généraux.
shadoko
 
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Message par Matrok » 20 Fév 2012, 19:46

Canardos, je suis désolé de te décevoir mais le texte que tu as posté (celui d'Angèle Kremer Marietti, je n'ai pas encore lu "Popper and Systematics") n'est pas très bon... L'introduction historique est correcte, mais le mélange exposé et critique qui suit est confus. Il recense bien des critiques possibles de Popper, mais les exprime mal et fait des erreurs grossières, qui parfois même contredisent le reste du texte. J'en ai cité une plus haut, j'en cite une autre :
a écrit :Alors même qu’il est question chez Popper d’une approche de la vérité ou encore d’indices de vérisimilitude, les concepts de Vrai et de Faux n’ont pas cours dans son épistémologie ni vraisemblablement dans sa logique (celle-ci serait alors une logique sans vrai ni faux !).

C'est du n'importe quoi. Popper écrit par exemple que "le fait d'admettre la vérité de certains énoncés expérimentaux nous autorise parfois à justifier l'affirmation qu'une théorie explicative universelle est fausse" (La Connaissance Objective, Flammarion, p. 48). Je pourrais aller chercher d'autres citations mais il est bien évident que Popper n'a pas évacué les concepts de Vrai et de Faux ! En tout cas s'il est super prudent avec le vrai, il l'est moins avec le faux.

À un autre moment du texte, il est écrit :
a écrit :[on] s’interroge de savoir comment ces « meilleures théories » ont pu voir le jour : sûrement pas avec la méthode de découverte scientifique poppérienne !

Je m'interroge sur ce qu'elle entend par "méthode de découverte poppérienne", peut-être en vain : Popper à ma connaissance ne propose pas de méthode de découverte, il propose (en tout cas dans ce qui est exposé ici) une logique de tests des théories, et peu lui importe quelle méthode a été utilisée pour construire les théories testées. Sa critique de l'induction vise à préciser que cette méthode, l'induction, ne suffit pas à faire des théories vraies ; mais tout le reste de sa réflexion vise à voir comment se débrouiller avec des théories dont on ne sait pas a priori si elles sont vraies (puisque l'induction ne permet pas de le savoir). Sur ce sujet de la méthode de découverte, Feyerabend écrivait un peu plus tard que "tout est bon". Feyerabend (que je n'ai pas lu, à part de très courts extraits) est le mal aimé des épistémologues car il semble à l'extrême limite du relativisme, mais quand on regarde un peu l'Histoire des sciences on se rend compte que sur ce point particulier, l'absence de méthode de découverte, il avait sans doute raison : Kékulé qui découvre la formule du benzène en rêvant d'un serpent qui se mord la queue, c'est quand même une drôle de "méthode de découverte" ! La méthode scientifique, c'est surtout dans la confrontation des théories à l'expérience qu'elle réside.

Les remarques de Sokal et Bricmont qui sont rapportées sont cependant plus intéressantes (et prudentes) que le reste du texte.

Enfin bon, ça nous éloigne un peu du sujet de ce fil...
Matrok
 
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Message par redspirit » 20 Fév 2012, 20:09

(luc marchauciel @ lundi 20 février 2012 à 09:21 a écrit : Ta première phrase peut se discuter (dans le sens où il existe je crois des sortes de "degrés de scientificité"), mais pas en fonction de l'explication que tu donnes dans ta deuxième phrase, qui me semble être une porte ouverte au relativisme.
Si telle physique apparaît comme dépassée à un môment donné (ce qui ne veut pas dire qu'elle cesse d'être vraie pour un certain périmètre d'application), ce n'est pas parce que les conditions sociales de production des sciences physiques ont changé, mais parce que on a pu proposer une nouvelle théorie qui explique plus de phénomènes constatés que la précédente. Et cela, quel que soit la société qui a produit ces théories.
Le bout du chemin que tu proposes, Redpsirit, c'est la formule de Kanapa au moment du délire sur science bourgeoise/science prolétarienne selon laquelle [je cite de mémoire] "un arbre soviétique ce n'est pas le même objet qu'un arbre en système capitaliste". Il faut dans notre façon de voir le monde fermer complètement la porte à ce genre de dérives.
La science progresse en soi, selon des critères qui lui sont propres.
Les conditions sociales, là dedans ? Elles expliquent pourquoi et comment la science progresse plus ou mooins à tel endroit à tel moment [ex : un carreffour de civilisation est un lieu propice aux innovations scintifiques ; un système coopératif débarrassé du secret liée à la concurrence favoriserait sans doute aussi le pogrès scientifique ; etc], mais elles n'influent pas sur le contenu de la science elle-même, sur ce qui est science et ce qui ne l'est pas [je sais pas si je suis très clair, c'est pas super clair dans ma tête non plus]


Salut Luc,

Oui, mon discours est plus relativiste que le tien. J'ai plus de distance vis-à-vis de la science et je pense qu'il est important d'en avoir. Je m'explique.

Je pense en effet que le critère ultime d'évaluation de la science n'est pas le critère de vérité, mais le critère d'opérativité (ou d'opérationalité). Ce qui est scientifique, c'est ce qui est "marche", pas ce qui est "vrai". Ma position est relativiste mais ne revient pas à dire que tous les discours se valent. Pour être scientifique un discours doit :
- avoir une cohérence interne : c'est-à-dire répondre aux exigences de la logique déductive (ne pas être en contradiction avec lui-même).
- avoir une cohérence externe : être en adéquation avec la réalité qu'il prétend expliquer.

Prenons l'exemple de la physique. La théorie de la relativité est celle qui prévaut aujourd'hui pour expliquer la gravitation des corps. Cette théorie est scientifique de mon point de vue, non pas car elle correspondrait à une réalité, mais parce que pour notre degré de connaissances (déterminées par nos conditions sociales et historiques), elle donne une explication cohérente des mouvements des corps, vérifiable empiriquement. Pourtant, pas plus tard que l'année dernière, il a suffi que quelques particules aillent plus vite que la vitesse de la lumière pour l'éventualité d'une remise en cause de ce discours apparaissent. Je ne me prononce pas sur le fond du débat, je veux juste illustrer un phénomène à travers cet exemple : ce qui constitue notre discours scientifique, y compris en physique (science naturelle s'il en est), ne peut pas être assimilé à ce qui est "vrai", mais à ce qui "marche" pour expliquer la réalité en fonction d'un niveau de connaissances donné. Celui-ci est évidemment déterminé par les conditions sociales et historiques des populations. La science est le produit de conditions sociales et historiques particulières. Ce que la science est aujourd'hui n'est pas ce que sera la science demain. C'est à ce niveau-là que la logique dialectique est indispensable pour comprendre le réel de mon point de vue. Le capitalisme financiarisé actuel est le capitalisme et en même temps, ce n'est plus le capitalisme industriel ou mercantiliste qui a pu prévaloir. La science contemporaine, c'est toujours la science et en même temps ce n'est plus la science du moyen-âge. Il reste une essence commune mais des processus sont à l'oeuvre et viennent modifier les caractéristiques de ces essences. Comprendre le dynamisme des processus qui nous entoure nous contraint à faire reposer nos raisonnements sur des logiques dialectiques.

En cela, la vision de la science par le marxisme est de mon point de vue tout à fait particulière, et n'est pas une vision "capitaliste".

Un second point que j'aimerais discuter dans ton texte est l'idée de progrès scientifique. Contrairement à toi, je ne pense pas que l'histoire des sciences révèle une route linéaire de l'erreur vers la vérité, avec l'accumulation de connaissances sur des sujets. Les sciences humaines sont à ce niveau éclairantes. Si tu penses que nous allons de l'erreur vers la vérité, alors le marxisme appartient à l'erreur et le libéralisme à la vérité dans la sphère des sciences économiques. D'ailleurs dans tout le domaine des sciences humaines, le champ de la science n'est souvent pas unifié et des théories concurrentes prétendent mieux expliquer qu'une autre les phénomènes qu'elles étudient.
Je pense qu'il existe un double phénomène qui vient contrer l'idée de progrès scientifique linéaire (je prends garde de distinguer les connaissances scientifiques de leurs applications industrielles) :
- L'accroissement des connaissances scientifiques sur un sujet n'engendre pas nécessairement un progrès scientifique. Le surplus de connaissances peut en effet complexifier le réel au lieu de l'expliquer. Par exemple, pour reprendre l'exemple de ces particules qui se seraient déplacées plus rapidement que la lumière, cette connaissance supplémentaire fragilise notre savoir et notre compréhension du monde. Des découvertes scientifiques sont nuisibles et potentiellement dangereuses du strict point de vue du stock des connaissances humaines sur le monde.
- L'effet d'oubli : des méthodes se substituent à d'autres, des paradigmes se substituent à d'autres au cours de l'histoire. A chaque fois des éléments sont perdus, et ces éléments peuvent parfois être riches.

C'est parce que je ne considère pas le progrès scientifique comme linéaire, parce que je ne considère pas la science comme une description d'une réalité indépendante de l'esprit humain (et en cela elle est le produit de rapports sociaux particuliers) que je pense important d'avoir une position relativement distanciée vis-à-vis des discours scientifiques sans tomber dans un relativisme absolu pour autant (évidemment la science n'est pas n'importe quel discours).
redspirit
 
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Message par logan » 20 Fév 2012, 20:29

J'ecris sur un portable et il n'est pas etonnant qu'il y ait des malentendus

Me voilà stalinien et responsable de Lyssenko

ce n'est pas du tout cela

Pour prendre un exemple concret : la théorie economique de Marx est-elle compatible avec l'économie enseignée dans les universités et les écoles de commerce ? Oui ou non ?
logan
 
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Message par logan » 20 Fév 2012, 20:47

Et voilà un texte de Trotsky exprimant sans doute mieux que moi la chose :

(litterature et revolution trotsky a écrit :en résulte-t-il que nous n'ayons pas de science prolétarienne ? Ne pouvons-nous pas dire que la conception matérialiste de l'histoire et la critique marxiste de l'économie politique constituent des éléments scientifiques inestimables d'une culture prolétarienne ? N'y a-t-il pas là une contradiction ?
Bien sûr, la conception matérialiste de l'histoire et la théorie de la valeur ont une immense importance, aussi bien comme arme de classe du prolétariat que pour la science en général. Il y a plus de science véritable dans le seul Manifeste du Parti communiste que dans des bibliothèques entières remplies de compilations, spéculations et falsifications professorales sur la philosophie et l'histoire. Peut-on dire pour autant que le marxisme constitue un produit de la culture prolétarienne ? Et peut-on dire que déjà, nous utilisons effectivement le marxisme non seulement dans les luttes politiques, mais aussi dans les problèmes scientifiques généraux ?
Marx et Engels sont issus des rangs de la démocratie petite-bourgeoise, et c'est évidemment la culture de celle-ci qui les a formés, et non une culture prolétarienne. S'il n'y avait pas eu la classe ouvrière, avec ses grèves, ses luttes, ses souffrances et ses révoltes, il n'y aurait pas eu non plus le communisme scientifique, parce qu'il n'y en aurait pas eu la nécessité historique. La théorie du communisme scientifique a été entièrement édifiée sur la base de la culture scientifique et politique bourgeoise, bien qu'elle ait déclaré à cette dernière une lutte non pour la vie, mais une lutte à mort. Sous les coups des contradictions capitalistes, la pensée universalisante de la démocratie bourgeoise s'est élevée, chez ses représentants les plus audacieux, les plus honnêtes et les plus clairvoyants, jusqu'à une géniale négation de soi-même, armée de tout l'arsenal critique de la science bourgeoise. Telle est l'origine du marxisme.
Le prolétariat a trouvé dans le marxisme sa méthode, mais pas du premier coup, et pas encore complètement à ce jour, loin de là. Aujourd'hui, cette méthode sert principalement, presque exclusivement, des buts politiques. Le développement méthodologique du matérialisme dialectique et sa large application à la connaissance sont encore entièrement du domaine de l'avenir. C'est seulement dans une société socialiste que le marxisme cessera d'être uniquement un instrument de lutte politique pour devenir une méthode de création scientifique, l'élément et l'instrument essentiels de la culture spirituelle.
Que toute science reflète plus ou moins les tendances de la classe dominante, c'est incontestable. Plus une science s'attache étroitement aux tâches pratiques de domination de la nature (la physique, la chimie, les sciences naturelles en général), plus grand est son apport humain, hors des considérations de classe. Plus une science est liée profondément au mécanisme social de l'exploitation (l'économie politique), ou plus elle généralise abstraitement l'expérience humaine (comme la psychologie, non dans son sens expérimental et physiologique, mais au sens dit " philosophique "), plus alors elle se subordonne à l'égoïsme de classe de la bourgeoisie, et moindre est l'importance de sa contribution à la somme générale de la connaissance humaine. Le domaine des sciences expérimentales connaît à son tour différents degrés d'intégrité et d'objectivité scientifique, en fonction de l'ampleur des généralisations qui sont faites. En règle générale, les tendances bourgeoises se développent le plus librement dans les hautes sphères de la philosophie méthodologique, de la " conception du monde ". C'est pourquoi il est nécessaire de nettoyer l'édifice de la science du bas jusqu'en haut, ou plus exactement, du haut jusqu'en bas, car il faut commencer par les étages supérieurs. Il serait toutefois naïf de penser que le prolétariat, avant d'appliquer à l'édification socialiste la science héritée de la bourgeoisie, doit la soumettre entièrement à une révision critique. Ce serait à peu près la même chose que de dire, avec les moralistes utopiques : avant de construire une société nouvelle, le prolétariat doit s'élever à la hauteur de la morale communiste. En fait, le prolétariat transformera radicalement la morale, aussi bien que la science, seulement après qu'il aura construit la société nouvelle, fût-ce à l'état d'ébauche. Ne tombons-nous pas là dans un cercle vicieux ? Comment construire une société nouvelle à l'aide de la vieille science et de la vieille morale ? Il faut ici un peu de dialectique, de cette même dialectique que nous répandons à profusion dans la poésie lyrique, l'administration, la soupe aux choux et la kacha. Pour commencer à travailler, l'avant-garde prolétarienne a absolument besoin de certains points d'appui, de certaines méthodes scientifiques susceptibles de libérer la conscience du joug idéologique de la bourgeoisie; en partie elle les possède déjà, en partie elle doit encore les acquérir. Elle a déjà éprouvé sa méthode fondamentale dans de nombreuses batailles et dans les conditions les plus variées. Il y a encore très loin de là à une science prolétarienne. La classe révolutionnaire ne peut interrompre son combat parce que le parti n'a pas encore décidé s'il doit accepter ou non l'hypothèse des électrons et des ions, la théorie psychanalytique de Freud, la génétique, les nouvelles découvertes mathématiques de la relativité, etc. Certes, après avoir conquis le pouvoir, le prolétariat aura des possibilités beaucoup plus grandes pour assimiler la science et la réviser. Mais là aussi, les choses sont plus aisément dites que faites. Il n'est pas question que le prolétariat ajourne l'édification du socialisme jusqu'à ce que ses nouveaux savants, dont beaucoup en sont encore à courir en culottes courtes, aient vérifié et épuré tous les instruments et toutes les voies de la connaissance. Rejetant ce qui est manifestement inutile, faux, réactionnaire, le prolétariat utilise dans les divers domaines de son œuvre d'édification les méthodes et les résultats de la science actuelle, en les prenant nécessairement avec le pourcentage d'éléments de classe, réactionnaires, qu'ils contiennent. Le résultat pratique se justifiera dans l'ensemble, parce que la pratique, soumise au contrôle des buts socialistes, opérera graduellement une vérification et une sélection de la théorie, de ses méthodes et de ses conclusions. Entre-temps auront grandi des savants éduqués dans les conditions nouvelles. De toute manière, le prolétariat devra amener son œuvre d'édification socialiste jusqu'à un niveau assez élevé, c'est-à-dire jusqu'à une satisfaction réelle des besoins matériels et culturels de la société, avant de pouvoir entreprendre le nettoyage général de la science, du haut jusqu'en bas.
logan
 
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Message par luc marchauciel » 20 Fév 2012, 21:35

Hé ben !
Je connaissais pas ce texte de Trotsky, et ce n'est pas ce qu'il a écrit de mieux sur le sujet, loin s'en faut.
ça, par exemple, c'ets une véritable horreur :

a écrit :
La classe révolutionnaire ne peut interrompre son combat parce que le parti n'a pas encore décidé s'il doit accepter ou non l'hypothèse des électrons et des ions, la théorie psychanalytique de Freud, la génétique, les nouvelles découvertes mathématiques de la relativité, etc.


Comme si le parti avait à décider quoi que ce soit à propos de théories de physique ou de biologie...

Il date de quand, ce texte ?
Il me surprend, parce qu'il est sensiblement différent de ce que j'avais pu lire jusqu'ici sous la plume de Trotsky.
luc marchauciel
 
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Message par Matrok » 20 Fév 2012, 22:32

(luc marchauciel @ lundi 20 février 2012 à 20:35 a écrit : Hé ben !
Je connaissais pas ce texte de Trotsky, et ce n'est pas ce qu'il a écrit de mieux sur le sujet, loin s'en faut.
ça, par exemple, c'ets une véritable horreur :

a écrit :
La classe révolutionnaire ne peut interrompre son combat parce que le parti n'a pas encore décidé s'il doit accepter ou non l'hypothèse des électrons et des ions, la théorie psychanalytique de Freud, la génétique, les nouvelles découvertes mathématiques de la relativité, etc.


Comme si le parti avait à décider quoi que ce soit à propos de théories de physique ou de biologie...

Hum... Il dit justement que dans son combat, la classe révolutionnaire n'a pas à attendre des décisions du parti sur ces sujets (enfin c'est comme ça que je le comprend).

J'avoue que je suis surpris aussi, je ne connaissais pas non plus ce texte (de "Littérature et Révolution" je n'avais lu que des extraits dont l'introduction) et je croyais vraiment que cette histoire de "science prolétarienne" vs. "science bourgeoise" était une invention des idéologues staliniens. :ermm: Je ne trouve pas pour autant cette idée moins absurde qu'avant.

Il reste que dans ce texte, Trotsky écrit bien que le marxisme n'est pas une "science prolétarienne", qu'il n'est pas le produit d'une "culture prolétarienne", mais bien le produit de la "science bourgeoise", ce qui revient à dire qu'à l'heure où il écrit ce texte il n'y a pas à proprement parler de "science prolétarienne"...
Matrok
 
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Message par jeug » 20 Fév 2012, 22:43

Luc, je crois bien que tu as compris cette citation à l'envers.
jeug
 
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Message par Matrok » 20 Fév 2012, 22:53

(jeug @ lundi 20 février 2012 à 21:43 a écrit :Luc, je crois bien que tu as compris cette citation à l'envers.

Je le pense aussi... mais soit dit en passant : nous voila à nous disputer sur le sens à donner à une phrase du maître !
:prosterne: :trotsky: :sygus:
N'y a-t-il pas de meilleure illustration de l'attitude dogmatique dont je parlais hier dans ce fil ?
Matrok
 
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Message par luc marchauciel » 20 Fév 2012, 23:15

(jeug @ lundi 20 février 2012 à 22:43 a écrit : Luc, je crois bien que tu as compris cette citation à l'envers.

C'est possible.. mais je ne crois pas.
Surtout à la lumière de la suite (l'idée selon laquelle le prolétariat une fois au pouvoir "révisera" la science, je ne vois pas pourquoi ni comment il ferait ça)
Si on prend le morceau que j'ai cité, et si on laisse tomber la fin, qui est une liste d'exemples :
Il y a deux morceaux dans la phrase. Le premier dit que la lutte se fait quoi qu'il arrive et ne peut attendre une décision du parti [je vois pas de quoi il parle, je vois pas le rapport avec la suite, mais OK], et le deuxième parle bien d'une décision du parti en matière de théories scientifiques.
Or, cette idée que le parti aurait à statuer sur ce genre de choses est bien un des fondements du délire qui a suivi autour de science bourgeoise /science prolétarienne.
Ce qui m'étonne beaucoup de la part de Trotsky, pour deux raisons :
1) La première est qu'il n'a pas du tout agi de la sorte quand il a été aux responsabilités, et que les bolchéviks ont largement foutu la paix aux scientifiques sans les emmerder avec ces hsitoires de science prolétarienne. C'est pas super clair, mais dans son Discours aux chimistes de 1925, il me semble bien que Trotsky établit une sorte de séparation des magistères entre ce qui relève de la science et ce qui relève du politique :
a écrit :
Quand quelque marxiste tentait de transformer la théorie de Marx en passe-partout universel et sautait vers d'autres domaines des sciences, Vladimir Iliitch le gratifiait de sa réplique expressive : "komchvanstvo" [social-fanfaron]. Cela signifie dans ce cas spécifique  : le communisme ne remplace pas la chimie. Mais le théorème inverse est également vrai. La tentative d'enjamber le marxisme, sous prétexte que la chimie (ou les sciences naturelles en général) doit résoudre tous les problèmes, est aussi une fanfaronnade, qui théoriquement n'est pas moins erronée, et pratiquement pas plus sympathique, que la sociale-fanfaronnade.

http://www.marxists.org/francais/trotsky/o.../lt19250917.htm
2) Le truc de la science prolétarienne, contrairement à ce que dit Matrok, n'est pas une invention stalinienne, ça préexistait. Avant les années 30 et l'ascension symbolique de Lyssenko, puis la théorie des 2 sciences dans les années 50 [mais là, c'est presque une création du PCF plus que du PCUS, les stals français ont fait un peu de zèle dans cette affaire], il y avait déja eu des tendances en ce sens dans le Parti Bolchévik, du côté des gauchistes du Parti (et, si je me souviens bine, de jeunes qui piaffaient d'impatience de prendre la place des gnes en poste). Mais il me semble bien que Trotsky et surtout Lénine étaient opposés à ce genre de choses. D'où ma surprise à la lecture du texte assez confus que cite Logan.
luc marchauciel
 
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