Le marché des publications scientifiques

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par shadoko » 20 Juil 2012, 15:43

(Gaby a écrit :
Si c'était la propriété d'universités elles-mêmes privées, les mêmes problèmes de contrôle se poseraient en raison du prestige de telle ou telle revue qui permettrait d'augmenter les tarifs.

Je ne suis pas pour les universités privées. Cela dit, le prestige des revues n'a que peu de rapport avec les tarifs. Il y a des tas de contre-exemples (Annals of Mathematics, Princeton, est plutôt dans les moins chères, et c'est la revue la plus prestigieuse au monde en mathématiques à l'heure actuelle). Il s'agit de situations de quasi-monopoles de certaines maisons d'édition, et les tarifs sont complètement biaisés à cause de cela. Il y a des surprofits énormes. Mais je pense qu'à terme, cela va se retourner contre eux: de plus en plus de solutions alternatives se mettent en place parce que ce n'est plus viable pour les structures de recherche, c'est trop cher. Par leur politique d'en vouloir toujours plus, les maisons d'édition sont en fait train de tuer la poule aux oeufs d'or (ce qui me va très bien à moi, je veux que ça change). Donc, je pense que même tenues en partie par certaines universités privées, les revues pourraient avoir un coût bien moindre que celui d'aujourd'hui. En gros, la situation actuelle est essentiellement la pire qu'on puisse imaginer, du point de vue du prix. Evidemment, l'idéal serait d'avoir des services publics, je suis d'accord.

Mais ça va changer, je pense, même sans être sous le socialisme. Le tout est de savoir combien de temps ça va prendre.
shadoko
 
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Message par Indesit » 02 Août 2012, 12:28

(shadoko @ mercredi 18 juillet 2012 à 20:11 a écrit : Tu dis ça parce que t'as plus de 40 ans :hinhin: .

Cela dit, plus sérieusement, le fait qu'il faille publier dans des journaux prestigieux pour avoir une carrière raisonnable est un des facteurs qui fait perdurer ce système pourri: les journaux prestigieux sont principalement la propriété d'éditeurs privés (et chers), et les gens ont du mal à s'abstenir de publier chez eux. Les "jeunes" journaux qui sont des initiatives plus progressistes ont du mal à s'imposer.


Bonjour,

autre aspect, subsidiaire certes : les grandes revues sont le plus souvent en anglais, avec une prime aux chercheurs anglophones, pour qui c'est la langue maternelle, par rapport aux autres, pour qui c'est une langue véhiculaire ou apprise.

Or, même dans l'hypothèse (loin d'être systématique d'ailleurs) d'une maîtrise excellente d'une langue apprise (en l'espèce l'anglais), la compétence dans la dite langue sera toujours inférieure à celle que l'on a dans sa langue maternelle.

Quand on voit l'anglicisation accélérée de l'enseignement supérieur, on peut être inquiet de la qualité du dit enseignement. Ce n'est pas une préoccupation d'ordre nationaliste ou de puriste de la langue française, mais un problème de qualité tout simplement. Non seulement pour la raison linguistique, mais aussi parce que le fait de parler une même langue étrangère (qui, de commune, devient de plus en plus unique) favorise une certaine aseptisation du savoir.

C'est un titulaire de M2 d'anglais qui parle, donc aucune aversion vis-à-vis de cette langue que j'adore au contraire quand elle n'est pas en version "globish".

En Suède, où 80 % des thèses sont soutenues en anglais, des voix s'élèvent pour s'inquiéter d'une possible perte de substance de la langue nationale, certains chercheurs étant incapables d'expliquer leur thème de recherche en suédois...

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Message par shadoko » 02 Août 2012, 14:37

Oui, certes. Toutefois, si les suédois publiaient leurs articles scientifiques en suédois, personne ne les lirait en dehors de la Scandinavie, ce qui serait un peu dommage. Je n'ai pas d'opinion très tranchée sur le sujet, mais la situation que je connais le mieux, les mathématiques, il me semble que l'anglais a pris la place d'une poignée de trois ou quatre langues, essentiellement le français, l'allemand, le russe et déjà l'anglais, dans lesquels étaient écrits la majorité des articles. Alors la situation ne change pas tellement, une langue au lieu de quatre, ça n'est pas bien différent. Au 19ème, les mathématiciens qui n'étaient pas d'une langue maternelle parmi ces trois là étaient déjà dans le cas que tu dis: ils écrivaient dans une langue qui n'est pas leur langue maternelle. Pour citer un cas proche des suédois: le mathématicien norvégien Sophus Lie (1842-1899), connu pour sa théorie des groupes de Lie, a essentiellement publié en Allemand, si je ne dis pas de bêtise. Ce sont un peu toujours les langues des pays dominants économiquement, et du coup aussi scientifiquement, qui s'imposent.
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Message par Indesit » 02 Août 2012, 15:52

(shadoko @ jeudi 2 août 2012 à 14:37 a écrit : Oui, certes. Toutefois, si les suédois publiaient leurs articles scientifiques en suédois, personne ne les lirait en dehors de la Scandinavie, ce qui serait un peu dommage. Je n'ai pas d'opinion très tranchée sur le sujet, mais la situation que je connais le mieux, les mathématiques, il me semble que l'anglais a pris la place d'une poignée de trois ou quatre langues, essentiellement le français, l'allemand, le russe et déjà l'anglais, dans lesquels étaient écrits la majorité des articles. Alors la situation ne change pas tellement, une langue au lieu de quatre, ça n'est pas bien différent. Au 19ème, les mathématiciens qui n'étaient pas d'une langue maternelle parmi ces trois là étaient déjà dans le cas que tu dis: ils écrivaient dans une langue qui n'est pas leur langue maternelle. Pour citer un cas proche des suédois: le mathématicien norvégien Sophus Lie (1842-1899), connu pour sa théorie des groupes de Lie, a essentiellement publié en Allemand, si je ne dis pas de bêtise. Ce sont un peu toujours les langues des pays dominants économiquement, et du coup aussi scientifiquement, qui s'imposent.


Salut

une langues et quatre langues, c'est la différence entre un monopole et un oligopole. Ce n'est quand même pas exactement la même chose.

Bien sûr que personne ne lirait s'il s'exprimait en suédois, mais il ne faut pas confondre langue commune et langue unique. Avoir une lingua franca est nécessaire et c'est même une bonne chose, mais il faut à mon sens laisser le droit de publier dans sa propre langue même (voire... surtout) s'il s'agit d'une langue de diffusion relativement réduite. Rien n'empêche le chercheur, ensuite, soit de publier les travaux en anglais, ou même d'avoir un traducteur.

Dernière chose ; dans les années qui viennent, il va falloir suivre de près l'évolution de la traduction automatique. J'ai essayé de tester avec un texte en néerlandais, langue que je maîtrise, c'est assez bluffant, de manière instantanée le teste est rendu en français avec pas mal de maladresses, mais y en a-t-il moins dans les textes écrits en anglais par des "non native speakers" ?

Par ailleurs, la traduction automatique rend mal les traits d'humour ou d'ironie, mais dans un exposé de mathématiques ou de biologie, je doute que cela pose un problème insurmontable.

à +,

Indesit
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Message par shadoko » 02 Août 2012, 23:37

a écrit :
une langues et quatre langues, c'est la différence entre un monopole et un oligopole. Ce n'est quand même pas exactement la même chose.

Oui, il y a une différence, mais franchement, si tu ne fais pas partie des locuteurs d'une de ces quatre langues, à mon avis, tu ne la vois pas vraiment.

a écrit :
Dernière chose ; dans les années qui viennent, il va falloir suivre de près l'évolution de la traduction automatique. J'ai essayé de tester avec un texte en néerlandais, langue que je maîtrise, c'est assez bluffant, de manière instantanée le teste est rendu en français avec pas mal de maladresses, mais y en a-t-il moins dans les textes écrits en anglais par des "non native speakers" ?

Oui, je pense aussi que cela risque de changer la donne à un certain moment.

a écrit :
Par ailleurs, la traduction automatique rend mal les traits d'humour ou d'ironie, mais dans un exposé de mathématiques ou de biologie, je doute que cela pose un problème insurmontable.

Certains articles sont drôles, bien que ce ne soit pas indispensable. Mais ça n'a à mon avis rien de spécifique aux sciences "dures".
shadoko
 
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