Le marché des publications scientifiques

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par shadoko » 18 Juil 2012, 09:50

Il semble qu'il y a un peu de mouvement dans le secteur. La situation actuelle est toujours que les universités (souvent publiques) financent la recherche, les chercheurs écrivent les articles, les vérifient, et ces mêmes universités rachètent ces articles à prix d'or à des éditeurs privés. Il y a tout de même un certain nombre d'initiatives qui laissent penser que la situation pourrait évoluer.

Un article du Monde:

a écrit :
Dès 2014, tous les travaux universitaires financés par les contribuables britanniques seront disponibles en ligne gratuitement et immédiatement pour les universités, entreprises et particuliers. Le Guardian décrit ce mouvement comme "le plus radical remaniement de l'édition universitaire, depuis l'invention de l'Internet".

Cette décision du gouvernement britannique intervient au moment où les éditeurs de revues scientifiques sont de plus en plus pointés du doigt par les universités du monde entier pour ne supporter qu'une infime partie des coûts de production des travaux scientifiques universitaires, réalisant ainsi des bénéfices exorbitants.

UN MODÈLE À PLUS DE 60 MILLIONS D'EUROS PAR AN

Le ministre britannique de l'enseignement supérieur et de la science, David Willetts, a indiqué qu'il y aurait des avantages économiques "énormes" à rendre la recherche disponible à tous. "Si le contribuable a payé pour que cette recherche soit produite, ce travail ne doit pas être payant pour que le citoyen britannique puisse le lire, a-t-il déclaré. Cela prendra du temps à mettre en place, mais dans quelques années, nous devrions voir ce système se répercuter complètement."

David Willetts a tenu à insister sur le fait que ce projet bénéficiera aux chercheurs comme aux contribuables. Les universités britanniques paient actuellement environ 200 millions de livres par an en frais d'abonnement aux éditeurs de journaux, soit 250 millions d'euros, selon le Guardian. Avec ce nouveau régime d'abonnement, les auteurs devront payer des frais de traitement d'environ 2 500 euros par article pour voir leurs articles édités et mis en ligne gratuitement.

Mais Outre-manche, ce projet fait débat. Le coût de la transition vers ce modèle économique pourrait atteindre 62 millions d'euros par an, et sera financé sur le budget actuellement alloué à la recherche scientifique, soit près de 6 millards d'euros par an. Les universitaires craignent qu'avec moins de budget, il y ait moins de recherche, et donc moins d'articles publiés.

UNE TRANSITION DIFFICILE ?

Si Adam Tickell, professeur et vice-chancelier de l'université de Birmingham, s'est félicité de la décision du gouvernement, il s'est inquiété du fait que le Royaume-Uni puisse perdre des projets de recherche. "Si l'UE et les Etats-Unis pratiquent le libre accès, nous passerons dans ce monde en accès ouvert sans aucun doute, et je suis certain que dans une dizaine d'années, nous y serons, a-t-il indiqué. Mais le problème reste la période de transition, car le Royaume-Uni ne publie seulement que 6 % de la recherche mondiale. Le reste restera payant." Avec ce système, la recherche provenant du Royaume-Uni sera disponible gratuitement dans le monde entier, mais les Britanniques devront payer pour lire les articles de leurs voisins à l'étranger.

>> Lire : "Harvard rejoint les universitaires pour un boycott des éditeurs"

Mais pas sûr que cette transition soit si difficile. De plus en plus d'universités à travers le monde, comme la prestigieuse université américaine Harvard, commencent à exiger de leurs chercheurs de rendre disponibles leurs publications en libre accès, et non plus par le biais de ces revues – qui permettent pourtant aux spécialistes de faire valider leurs travaux, de les diffuser, et participer à leur réputation et à celle de leur laboratoire universitaire. Et les revues électroniques gratuites, comme les plateformes d'archives ouvertes, telles arXiv ou Hal, se développent.

Parallèlement, de plus en plus de chercheurs souhaitent rendre disponibles leurs publications en libre accès. Plus de 12 000 universitaires du monde entier ont déjà signé la pétition, "Le coût du savoir". Elle appelle au boycott d'Elsevier, le géant hollandais de l'édition, qui publie 2 000 revues scientifiques différentes par an.
shadoko
 
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Message par Matrok » 18 Juil 2012, 11:05

:wavey: On en parlait déjà dans ce fil...

Quelques remarques en passant, vu que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup :

On entend parfois dans les médias des journalistes, lobbyistes ou des politiques peu ou mal informés pester contre la "privatisation du savoir", et accuser... les brevets. C'est très mal comprendre ces sujets. Même si peu de gens le savent, un brevet peut être consulté gratuitement par n'importe qui ; son contenu scientifique, s'il en a un, n'est donc pas du tout "privatisé" : il est au contraire rendu public. En échange de quoi, c'est le droit d'utiliser ce savoir pour des applications industrielles et commerciales qui est interdit pour tous ceux qui ne sont pas propriétaires du brevet. En revanche, un article d'une revue scientifique, la plupart du temps, n'est pas accessible gratuitement au grand public : la réalité de la "privatisation du savoir", c'est donc bien la mainmise des grands éditeurs sur les publications scientifiques. Le caractère proprement scandaleux de cette privatisation du savoir est que pour produire ce savoir, les éditeurs n'est pas fait grand chose : les recherches qui donnent lieu à ce type de publications sont le plus souvent financées par des agences de recherches étatiques ou par des Universités, c'est à dire par l'impôt...

Au passage, les éditeurs privés ne sont pas les seuls à pratiquer des prix indécents : dans le domaine de la chimie, des sociétés savantes comme l'ACS (Etats-Unis) ou la RSC (Royaume Uni) publient des journaux très chers aussi. À titre d'illustration : j'ai récemment été co-auteur d'un article d'une revue britannique de chimie des polymères. Et bien même moi, je devrais théoriquement payer 35£ pour pouvoir obtenir une copie l'article que j'ai écrit !
Matrok
 
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Message par com_71 » 18 Juil 2012, 11:34

Tu peux pas obtenir un poly-mer-de alors !! :roll:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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com_71
 
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Message par shadoko » 18 Juil 2012, 11:50

Oui, merci, je me rappelais qu'il y avait un autre fil, mais je n'arrivais pas à remettre la main dessus (l'article du Monde que je viens de poster fait d'ailleurs référence à l'article posté dans le précédent fil).

(Matrok a écrit :
Le caractère proprement scandaleux de cette privatisation du savoir est que pour produire ce savoir, les éditeurs n'est pas fait grand chose : les recherches qui donnent lieu à ce type de publications sont le plus souvent financées par des agences de recherches étatiques ou par des Universités, c'est à dire par l'impôt...

Oui, effectivement, et d'ailleurs non seulement les recherches, mais le processus d'édition lui-même ne leur occasionne quasiment aucun frais: les articles sont écrits par les chercheurs, les rapports sur les articles sont écrits par des chercheurs, bénévolement dans la quasi-totalité des cas, et le comité éditorial des revues est composé de chercheurs (bénévoles également). Finalement, la mise en page n'occasionne plus du tout les mêmes frais qu'il y a une trentaine d'années. Dans certaines matières, comme les mathématiques, il n'y a pratiquement aucun travail de mise-en-page, c'est envoyé tout fait par l'auteur. Dans d'autres, il y en a un peu plus, mais c'est tout de même presque zéro par rapport au travail d'édition d'avant l'ère informatique.

Mon avis personnel est que ça coûterait beaucoup moins cher que les journaux scientifiques soient totalement pris en charge par les universités elles-mêmes, en interne. Un tout petit service dédié suffirait, dans quelques grosses universités.

L'autre problème, un peu lié, c'est qu'auparavant, les bibliothèques universitaire recevaient un journal en papier et le stockaient. Quelque soit l'avenir de l'éditeur du journal ou des relations de la bibliothèque avec cet éditeur, il restait toujours les volumes reçus. Mais aujourd'hui, de nombreux abonnements sont uniquement électroniques. Or, cela ne garantit pas grand-chose à l'avenir. Supposons qu'un éditeur disparaisse, ou qu'un contrat soit interrompu, comment accèdera-t-on désormais aux articles de ses journaux?
shadoko
 
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Message par Zorglub » 18 Juil 2012, 20:08

De toute façon, celui qui n'a pas écrit au moins un article dans Nature ou The Lancet à 40 ans, a loupé sa vie.
Zorglub
 
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Message par shadoko » 18 Juil 2012, 20:11

Tu dis ça parce que t'as plus de 40 ans :hinhin: .

Cela dit, plus sérieusement, le fait qu'il faille publier dans des journaux prestigieux pour avoir une carrière raisonnable est un des facteurs qui fait perdurer ce système pourri: les journaux prestigieux sont principalement la propriété d'éditeurs privés (et chers), et les gens ont du mal à s'abstenir de publier chez eux. Les "jeunes" journaux qui sont des initiatives plus progressistes ont du mal à s'imposer.
shadoko
 
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Message par Zorglub » 18 Juil 2012, 20:32

Même pas ! Et j'ai bon espoir pour The Lancet.
Sinon un courrier des lecteurs pour Picsou Magazine (quel facteur d'impact ?), ça compte ?
Zorglub
 
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Message par jeug » 18 Juil 2012, 21:31

Picsou Magazine ? Et tu veux nous faire croire que tu as moins de 40 ans ?
jeug
 
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Message par Zorglub » 19 Juil 2012, 18:36

Exactement, il existe toujours. :sleep:
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Message par Gaby » 20 Juil 2012, 01:32

(shadoko @ mercredi 18 juillet 2012 à 12:50 a écrit : Mon avis personnel est que ça coûterait beaucoup moins cher que les journaux scientifiques soient totalement pris en charge par les universités elles-mêmes, en interne. Un tout petit service dédié suffirait, dans quelques grosses universités.

Si c'était la propriété d'universités elles-mêmes privées, les mêmes problèmes de contrôle se poseraient en raison du prestige de telle ou telle revue qui permettrait d'augmenter les tarifs. En tout cas ta suggestion a beaucoup de sens, et en sciences sociales, des revues comme Genèses ou les Annales sont soutenues par le CNRS ou l'EHESS.

Sur l'édition électronique tout de même, outre les avantages matériels évidents (comander une revue papier à l'étranger prend du temps), on peut noter que ça a permis certaines choses, notamment par revues.org et sa publication gratuite d'articles quelques années après leur publication papier.

Après, l'anecdote de Matrok sur le fait de devoir commander le numéro d'une revue à laquelle il a contribué lui-même, même expérience en ce qui me concerne, deux fois...
Gaby
 
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