vive la methode syllabique

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

vive la methode syllabique

Message par canardos » 21 Déc 2013, 18:26

Dans le Monde daté d'aujourd'hui un article très intéressant d'un spécialiste des sciences cognitives qui plaide pour le retour à la méthode syllabique intégrale avec des arguments très convaincants....




Une prise de conscience est nécessaire pour sauver l’école. L’apport des neurosciences ne peut plus être ignoré



Enseigner est une science

StanislasDehaene




Professeur de psychologie cognitive expérimentale au Collège de France. Il dirige l’unité Inserm-CEA de neuro-imagerie cognitive à Saclay (Essonne). Stanislas Dehaene est également membre des Académies des sciences française et américaine. Il a dirigé la publication de l’ouvrage collectif «Apprendre à lire: des sciences cognitives à la salle de classe» (Odile Jacob, 2011). Il est l’auteur du livre «Les Neurones de la lecture» (Odile Jacob, 2007)



Pour quiconque sait que « l’enfant est l’avenir de l’homme», l’enquête PISA est un véritable électrochoc. Que nous apprend le Programme international pour le suivi des acquis des élèves
de l’OCDE? Plus inégalitaire que jamais, l’éducation nationale française réussit aux élites, mais ne parvient pas à donner aux enfants défavorisés le bagage minimal dont ils ont besoin pour comprendre un article de journal ou un problème d’arithmétique. Jusqu’à la seconde génération, une famille issue de l’immigration affiche des résultats scolaires en très net retard.


Ce résultat est-il inéluctable? Non. La complexité de la langue française n’est pas en cause car, à difficulté égale, le Québec et la Belgique réussissent nettement mieux que la France. Le sociologue Jérôme Deauvieau, dans un rapport récent, identifie le nœud du problème: l’enseignement de la lecture au cours préparatoire (CP). Il est allé enquêter dans les quartiers populaires de la petite couronne parisienne, les zones «Eclairs », anciennement zones d’éducation prioritaires (ZEP) où habitent les enfants les plus pauvres et les plus difficiles à scolariser. Son objectif :recenser les stratégies éducatives des enseignants, répertorier les manuels qu’ils choisissent d’utiliser, et évaluer l’impact de ces manuels sur les capacités de lecture des élèves en fin de CP.



Premier scandale. Pourquoi le département d’évaluation des programmes de l’éducation nationale n’a-t-il pas pris la peine de mener lui-même une telle évaluation? Cela lui serait pourtant facile: il lui suffirait de croiser les chiffres recueillis dans chaque classe lors des évaluations nationales des élèves avec les méthodes qu’elles utilisent. Lorsque l’on dépense un budget annuel de 63,4milliards d’euros, la moindre des choses est d’optimiser ses pratiques. Pourquoi l’éducation nationale refuse-t-elle encore de recommander à ses enseignants les meilleurs manuels?



Deuxième scandale dévoilé par l’enquête Deauvieau: nous sommes en 2013, et 77% des enseignants des zones défavorisées choisissent toujours un manuel de lecture inapproprié, qui fait appel à une méthode mixte, c’est-à-dire où l’enfant passe un temps considérable à des exercices de lecture globale et de devinettes de mots qu’il n’a jamais appris à décoder. Seuls 4% adoptent une méthode syllabique, qui propose un enseignement systématique et structuré des correspondances entre les lettres et les sons. Or les résultats montrent que c’est ce système qui réussit le mieux aux enfants, et de très loin : 20points de réussite supplémentaires sur 100 aux épreuves de lecture et de compréhension!



Ce résultat vient confirmer ce que trois décennies de recherches en psychologie cognitive ont démontré: seul l’enseignement explicite du décodage graphophonologique est vraiment efficace. En 2000, par exemple, une vaste méta-analyse américaine montre que les enfants à qui on enseigne ces principes parviennent plus vite, non seulement à lire à haute voix, mais également à comprendre le sens de ce qu’ils lisent. Ce n’est guère étonnant: l’invention de l’alphabet a demandé plusieurs siècles, comment imaginer que l’enfant le découvre seul? Le principe alphabétique ne va pas de soi. Il faut en enseigner explicitement tous les détails: la correspondance de chaque son du langage avec une lettre ou un groupe de lettres; et la relation entre la position de chaque lettre dans le mot écrit et l’ordre de chacun des phonèmes dans le mot parlé. Les recherches de mon laboratoire, fondées sur l’imagerie cérébrale, le confirment: tous les enfants apprennent à lire avec le même réseau d’aires cérébrales, qui met en liaison l’analyse visuelle de la chaîne de lettres avec le code phonologique. Entraîner le décodage graphème-phonème est la manière la plus rapide de développer ce réseau– y compris pour les enfants défavorisés ou dyslexiques.



Comment expliquer qu’en France les stratégies de lecture qui ont prouvé leur efficacité ne soient pas proposées à tous les enfants? La réponse est simple: la formation des enseignants ne leur a jamais expliqué qu’il existe une approche scientifique de l’apprentissage. Résultat: bon nombre d’enseignants «bricolent», selon le mot de Jérôme Deauvieau. Leur enfer scolaire est pavé de bonnes intentions pédagogiques. Ils conçoivent l’enseignement comme un art, où l’intuition et la bonne volonté tiennent lieu d’instruments de mesure. Combien de fois m’a-t-on dit : «La méthode globale ne fait pas de mal, je l’emploie depuis des années, et la plupart de mes élèves savent lire. » Mais 5 ou 6 enfants par classe en échec, c’est précisément ce que crient les statistiques: 20%des élèves n’apprennent pas à lire ,et ces ont ceux d bas niveau socio-économique; les autres réussissent parce que leur famille compense, tant bien que mal, les déficiences de l’école.

Partout ailleurs dans le monde s’impose pourtant l’idée d’une éducation fondée sur la preuve, c’est-à-dire sur une évaluation rigoureuse des stratégies éducatives, et de vastes études contrôlées, multicentriques et statistiquement validées. Ces études ont conduit à identifier plusieurs principes fondamentaux qui maximisent la compréhension et la mémoire. Ces principes doivent être mis en œuvre au plus vite dans les classes françaises. Il est urgent que la formation des maîtres inclue un bagage minimal de connaissances sur l’enfant et la science de l’apprentissage.



Ces connaissances, quelles sont-elles? Tout d’abord que, contrairement à ce qu’envisageait Jean Piaget (1896-1980), l’enfant n’est pas dépourvu de compétences logiques abstraites. Bien au contraire, le cerveau de l’enfant est structuré dès la naissance, ce qui lui confère des intuitions profondes. Il est doté de puissants et rigoureux algorithmes d’inférence statistique. En conséquence, l’école doit fournir à ce «superordinateur» un environnement enrichi: un enseignement structuré et exigeant, tout en étant accueillant, généreux, et tolérant à l’erreur.



Les neurosciences cognitives ont identifié quatre facteurs qui déterminent la facilité d’apprentissage.



En premier, l’attention: elle fonctionne comme un projecteur, qui amplifie l’apprentissage, mais dont le rayon d’action est limité. Le plus grand talent d’un enseignant consiste donc à attirer, à chaque instant, l’attention de l’enfant sur le bon niveau d’analyse. Une expérience remarquable montre ainsi que le même alphabet sera appris rapidement ou, au contraire, totalement oublié, selon que l’on s’arrête sur les lettres ou, au contraire, sur la forme globale du mot: l’attention globale canalise l’apprentissage vers une aire cérébrale inappropriée de l’hémisphère droit et entrave le circuit efficace de lecture. On mesure ici combien la méthode mixte, en désorientant l’attention, cause de dégâts.



Deuxième facteur: l’engagement actif. Un organisme passif n’apprend pas. L’apprentissage est optimal lorsque l’enfant génère activement des réponses, et se teste régulièrement. L’auto-évaluation est donc une composante fondamentale de l’apprentissage, déjà identifiée par Maria Montessori (1870-1952). Une classe efficace alterne, chaque jour, des périodes d’enseignement explicite et des périodes de contrôle des connaissances (lecture à haute, voix, questions/réponses, quiz…). Ces derniers développent la «métacognition», la connaissance objective de ses propres limites et l’envie d’en savoir plus.



Troisième facteur: le retour d’information(ou «feedback»). Notre cerveau n’apprend que s’il reçoit des signaux d’erreur qui lui indiquent que son modèle interne doit être rectifié. L’erreur est donc non seulement normale, mais indispensable à l’apprentissage. Elle n’implique ni sanction, ni punition, ni mauvaise note (celles-ci ne font qu’augmenter la peur, le stress et le sentiment d’impuissance de l’enfant). Dans une classe efficace, l’enfant essaie souvent, se trompe parfois, et il est gentiment corrigé pour ses erreurs et récompensé pour ses succès.



Quatrième pilier, enfin, l’automatisation. En début d’apprentissage, l’effort mobilise toutes les ressources du cortex frontal. Afin de libérer l’esprit pour d’autres tâches, il est indispensable que la connaissance devienne routinière. En lecture, par exemple, ce n’est que lorsque le décodage des mots devient automatique que l’enfant peut se concentrer sur le sens du texte. La répétition quotidienne va transférer l’apprentissage vers des circuits cérébraux automatiques et non conscients. Le sommeil fait partie intégrante de cet algorithme: dormir, c’est consolider les apprentissages de la journée. Voilà pourquoi la réforme des rythmes scolaires, en répartissant l’enseignement tout au long de la semaine, va dans le bon sens.



De nombreux exemples démontrent que, déclinés à l’école, ces principes conduisent à des améliorations rapides. Au Royaume-Uni,«l’heure de lecture»,un cours quotidien, structuré, axé sur le décodage, la lecture à haute voix, l’écriture manuscrite et l’enrichissement du vocabulaire, a fait bondir les performances des enfants. Dans la ZEP de Gennevilliers, une maternelle, en s’appuyant sur le matériel pédagogique de Maria Montessori et les principes cognitifs que je viens d’esquisser, obtient des résultats exceptionnels: avant même l’entrée en CP, tous les enfants savent lire et faire des calculs à quatre chiffres!



Aucune fatalité, donc, à ce que notre éducation nationale soit abonnée aux mauvaises performances. Reste l’urgence d’une mobilisation de tous, parents, enseignants, inspecteurs, ministres, afin d’exiger de notre école rigueur et efficacité pédagogique.

canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Re: vive la methode syllabique

Message par com_71 » 21 Déc 2013, 20:22

canardos a écrit :


Aucune fatalité, donc, à ce que notre éducation nationale soit abonnée aux mauvaises performances. Reste l’urgence d’une mobilisation de tous, parents, enseignants, inspecteurs, ministres, afin d’exiger de notre école rigueur et efficacité pédagogique.


Oui, il y a urgence, pendant qu'il en reste encore quelques uns. ;)
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5986
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: vive la methode syllabique

Message par Bertrand » 21 Déc 2013, 20:53

Je mets en parallèle à l'article du Monde posté par Canardos , un article de Thiery Opillard dans "les actes de lecture", publication de l'Association française pour la lecture.


LES ACTES DE LECTURE N°122 (JUIN 2013) - QUELQUES COMMENTAIRES À PROPOS DE QUELQUES AFFIRMATIONS PÉREMPTOIRES
Thierry OPILLARD

« Quand nous lisons une région cérébrale bien particulière joue un rôle très important, l’aire occipito-temporale gauche l’aire de la forme visuelle des mots. C’est cette région et elle seule qui dans toutes les langues du monde dans toutes les écritures du monde, sert à reconnaître l’assemblage des lettres qui forme un mot écrit. Lorsque nous voyons un mot toutes les informations visuelles sont canalisées vers cette région de l’hémisphère à gauche. »
Quelle est la zone du cerveau qui s’occupe de la charge sémantique de ce mot ? Quelle est celle qui s’occupe de la charge syntaxique de ce même mot ? Qui s’occupe de la charge affective de ce mot ? Qui s’occupe des relations qu’il entretient avec les autres mots de sa phrase ? Quelle est la zone du cerveau qui prend en charge cette phrase dans l’ensemble organisé du texte auquel elle appartient ? Quelle est celle qui réfléchit au texte en le lisant ? Qui a permis d’anticiper la lecture de ce mot avant de le lire et de ne pas simplement vérifier qu’il s’agissait bien de lui ? Quelle est la zone du cerveau qui a permis de lui attribuer ce sens là, alors qu’il en a au moins cinq ? Quelle...

« L’étape essentielle de la lecture consiste à convertir les entrées visuelles, les lettres reconnues en une représentation de la prononciation du mot. C’est la transformation des graphèmes vers les phonèmes des lettres vers les sons. C’est ce qui se voit directement dans le cerveau. » (S. Dehaene)
Pourquoi les sourds qui vont lire cette phrase vont-ils encore être en colère ? Parce qu’ils vont être niés comme êtres humains capables de lire ? Ce qui se voit directement dans le cerveau, c’est le résultat d’un apprentissage, d’une formation, d’une déformation. Dirions-nous des femmes chinoises aux pieds contraints que leur apprentissage de la marche doit passer inévitablement par cette étape ? Dirions-nous que pour apprendre le ski, il faut obligatoirement passer par le chasse-neige et les multiples et lucratives étapes des écoles de ski ? Dirions-nous que pour apprendre à nager le siècle dernier, il fallait obligatoirement s’allonger sur un tabouret ? Dirions-nous que pour apprendre à conduire une automobile, il faut apprendre la mécanique ? Dirions-nous que, parce que le jeune basketteur fait ses premiers tirs « à la louche », il doit obligatoirement en passer par là ?

« Les lecteurs débutants ont besoin de décoder le mot sous forme phonologique avant de pouvoir le comprendre. Il faut l’entendre avant de pouvoir le comprendre. » (S. Dehaene)
C’est une affirmation inexacte. On ne peut que souhaiter à cet homme de s’approcher d’enfants et de les regarder.

« On ne peut pas apprendre à lire de façon purement visuelle. Ce serait comme apprendre par coeur des idées et des milliers de mots. Peut être qu’il existe des gens capables de faire comme Dustin Hoffman dans le rôle de Rain Man mais un enfant dans des conditions normales ne peut pas apprendre dix mille mots par an par coeur. » (J. Ziegler)
Quelques données statistiques de base qu’un grand scientifique ne devrait pas ignorer : les 70 mots les plus fréquents de la langue française représentent 50% de tout texte. Ajoutons-y les 500 mots suivants les plus fréquents, nous arrivons à 80% de tout texte. Ajoutons-y encore 5 000 mots et ce corpus constitue 93% des écrits existants. Le reste, mots rares statistiquement, généralement longs et composés de préfixes-racines-suffixes identifiables sont assez facilement inférables. Un enfant de 9 ans possède 1 200 mots de vocabulaire disponible en production, 4 500 mots en vocabulaire de réception. On est loin des 360 000 occurrences possibles du français écrit... La lecture est donc largement une activité statistique, tant du point de vue des mots qui vont être croisés par le lecteur, que du point de vue du traitement anticipateur et inférentiel appliqué à la phrase et au texte.

« Une fois que les enfants ont appris les 26 lettres et leur transposition phonétique, ils peuvent en principe décoder tous les mots qu’ils connaissent de la langue parlée qui sont déjà enregistrés dans le cerveau. » (J. Ziegler)
Le nombre de mots qu’ils connaissent à l’oral et ne réussissent pas à déchiffrer n’est pas négligeable, soit parce qu’ils sont d’origine étrangère (week end, football, skateboard, rhum), soit parce qu’ils ne sont désembiguables que par le contexte (fils, couvent...)

« Les enfants qui ont des difficultés à apprendre ce principe alphabétique parce qu’ils ont des difficultés avec les lettres ou avec les phonèmes élémentaires auront également des difficultés lors de l’apprentissage de la lecture. » (J. Ziegler)
Ils auront des difficultés lors de l’apprentissage du déchiffrement. Si l’on est dans la croyance que ce déchiffrement est une étape obligatoire pour accéder à la lecture et qu’on ne met rien en place qui a trait à l’apprentissage de la lecture, alors, évidemment, l’échec au déchiffrement ne peut qu’arrêter dans la tête de l’enseignant la progression de l’élève.

« Les bons lecteurs se recrutent ainsi parmi ces êtres qui ne voyaient hier devant les signes linguistiques que formules magiques et enchantement et liant avec précision les lettres et les sons. » (voix off)
Il y a pourtant des enfants qui lisent couramment, en comprenant parfaitement, sans déchiffrer, en étant incapables de déchiffrer. Mais le problème n’est pas avant tout technique, sinon, les lecteurs et les non-lecteurs se recruteraient indifféremment dans toutes les couches de la société ; or, la corrélation de la difficulté est si étroite avec la CSP, avec le patrimoine culturel, qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas tenir de tels propos. La compétence «maîtrise des relations entre lettres et sons» est tellement travaillée à l’école que c’est celle qui est la plus réussie dans les items des évaluations nationales, c’est bien que le problème est ailleurs.

« Notre cerveau de primate s’est adapté par un étrange bricolage neuronal pour créer un circuit très efficace afin d’accéder au langage par la vision. » (voix off)
Et bien alors, pourquoi le parasiter avec les circuits dédiés au langage oral ? À moins de croire qu’il est indifférent d’utiliser l’un ou l’autre parce qu’ils seraient homothétiques. À moins de n’avoir pas perçu que si les groupes humains se sont dotés de l’écrit à l’instant HØ de leur Histoire, c’était pour s’inscrire justement dans l’Histoire, c’était pour se penser autrement, pour penser autrement, pas seulement avec d’autres mots, mais avec d’autres concepts inaccessibles à l’oral. C’était pour passer d’un monde au passé fuyant et à l’avenir immaîtrisable à une planification espérée de son destin. Il est bien question d’un autre univers mental.

« Lorsqu’on facilite l’acte de lecture en évitant ce mouvement des yeux tout simplement en présentant les mots 1 par 1 au centre d’un écran d’ordinateur on peut améliorer la vitesse de lecture de l’ordre de 500 voire 1 000 mots par minute chez de très bons lecteurs. » (S. Dehaene)
Cette obsession des petites unités, ici les mots, là les syllabes ou autres phonèmes et graphèmes, révèle le parti pris épistémologique cartésien qui gangrène la pensée occidentale ; résoudre des sous-problèmes d’un problème complexe avant d’aller plus avant vers la compréhension et la maîtrise de cette complexité. Or l’humain fonctionne à l’inverse de cette démarche. L’enfant est un expert du décryptage de la complexité qui l’entoure, embrassant le monde dans sa totalité, lui attribuant de plus en plus finement du sens par tâtonnement, mais passant d’abord par le sens, fusse intuitivement. Aux antipodes de l’assèchement du sens et de la sensibilité au texte que provoque l’oralo-vision séquencée et linéaire du déchiffrement.

« À partir du moment où notre cerveau a retenu la forme visuelle du mot écrit, le travail de lecture n’est pas fini pour autant, il faut encore que le cerveau calcule la prononciation de ce mot et également son sens c’est le plus important dans l’acte de lecture. » (S. Dehaene)
Il ne faut pas forcément, sinon, comment aurions-nous fait pour savoir lire des langues dont il ne reste que l’écriture et dont la ou les prononciations ont disparu avec les derniers humains qui les ont parlées. Comment aurait fait Champollion ? On le sait, l’oralisation ou la subvocalisation, cette oralisation intérieure, sont un obstacle limitatif sévère à la lecture ; si on veut devenir lecteur, il faut faire tout autre chose et en tout cas, pas cela.

« Notre capacité d’apprendre à lire, pose une énigme que j’appelle le paradoxe de la lecture, comment se fait-il que nous soyons capable d’apprendre à lire alors que cette activité n’a été inventée qu’il y a environ 5 400 ans chez les babyloniens ? » (S. Dehaene)
Comment se fait-il que nous soyons capables de conduire une voiture, inventée il y a à peine plus de cent ans ? Comment se fait-il que nous soyons capables de nous servir d’ordinateurs ? Et d’IRMf ? Alors que nous avons le même cerveau que dans la savane !
Avatar de l’utilisateur
Bertrand
 
Message(s) : 727
Inscription : 25 Juil 2003, 15:27

Re: vive la methode syllabique

Message par canardos » 21 Déc 2013, 22:06

« L’étape essentielle de la lecture consiste à convertir les entrées visuelles, les lettres reconnues en une représentation de la prononciation du mot. C’est la transformation des graphèmes vers les phonèmes des lettres vers les sons. C’est ce qui se voit directement dans le cerveau. » (S. Dehaene)
Pourquoi les sourds qui vont lire cette phrase vont-ils encore être en colère ? Parce qu’ils vont être niés comme êtres humains capables de lire ? Ce qui se voit directement dans le cerveau, c’est le résultat d’un apprentissage, d’une formation, d’une déformation. Dirions-nous des femmes chinoises aux pieds contraints que leur apprentissage de la marche doit passer inévitablement par cette étape ? Dirions-nous que pour apprendre le ski, il faut obligatoirement passer par le chasse-neige et les multiples et lucratives étapes des écoles de ski ? Dirions-nous que pour apprendre à nager le siècle dernier, il fallait obligatoirement s’allonger sur un tabouret ? Dirions-nous que pour apprendre à conduire une automobile, il faut apprendre la mécanique ? Dirions-nous que, parce que le jeune basketteur fait ses premiers tirs « à la louche », il doit obligatoirement en passer par là ?

« Les lecteurs débutants ont besoin de décoder le mot sous forme phonologique avant de pouvoir le comprendre. Il faut l’entendre avant de pouvoir le comprendre. » (S. Dehaene)
C’est une affirmation inexacte. On ne peut que souhaiter à cet homme de s’approcher d’enfants et de les regarder.


bref un spécialiste de la cognition, un chercheur premier de premier plan comme Stanislas Dehaene, qui étudie la cognition et la lecture chez l'enfant depuis des années, est accusé par Thierry Opillard de ne jamais avoir approché des enfants ou de les avoir regardés alors que c'est son principal travail qui a donné lieu à de très nombreuses publications..toutes les observations du fonctionnement cérébral pendant l'accomplissement des différentes taches mentales liées à la lecture, il les as fait avec qui ?...et toutes les études statistiques qui démontrent l'efficacité de la méthode syllabique sur la méthode globale, c'est à bien sur jeter à la poubelle, encore des gens qui ne connaissent pas les enfants....

Là, Thierry Opillard directeur d’école maternelle nous fait le coup de l'instituteur qui défend sa pratique et qui refuse toute évaluation... Tant pis si les études montrent que ce sont justement les enfants issus de l'immigration et ceux des classes sociales les plus défavorisées qui pâtissent le plus d’après ces études de l'application des méthodes d'apprentissage de la lecture mixtes avec une forte dose de méthode globale, faut surtout pas se remettre en question...tout ce qui pourrait le faire provient forcement de gens déconnectes du terrain et le terrain c'est bien sûr Thierry Opillard...
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Re: vive la methode syllabique

Message par Bertrand » 21 Déc 2013, 23:01

Bah, moi je ne connais ni l'un ni l'autre et le texte de Dehaene ne m'a pas filé des boutons . Je connais un peu l'AFL et ses recherches depuis qques dizaines d'années sur la lecture mais je suis ça de très très loin maintenant.
Ceci dit, Opillard ne défend absolument pas la méthode que tu appelles "globale" si on entend par là uniquement "reconnaissance visuelle d'un mot". Ce qu'il développe dans son premier commentaire n'a absolument rien à voir avec cette méthode globale qui, entre nous, n'a pratiquement jamais été appliquée. Mais ça demeure un fourre-tout bien pratique...

Cette remarque me parait intéressante :
or, la corrélation de la difficulté est si étroite avec la CSP, avec le patrimoine culturel, qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas tenir de tels propos. La compétence «maîtrise des relations entre lettres et sons» est tellement travaillée à l’école que c’est celle qui est la plus réussie dans les items des évaluations nationales, c’est bien que le problème est ailleurs.


Mais bon, j'arrête là. Tu serais capable de me dire que je fais le coup de l'instituteur qui défend sa pratique et qui refuse toute évaluation...
Avatar de l’utilisateur
Bertrand
 
Message(s) : 727
Inscription : 25 Juil 2003, 15:27

Re: vive la methode syllabique

Message par com_71 » 21 Déc 2013, 23:18

Stanislas Dehaene a écrit : 77% des enseignants des zones défavorisées choisissent toujours un manuel de lecture inapproprié, qui fait appel à une méthode mixte, c’est-à-dire où l’enfant passe un temps considérable à des exercices de lecture globale et de devinettes de mots qu’il n’a jamais appris à décoder. Seuls 4% adoptent une méthode syllabique, qui propose un enseignement systématique et structuré des correspondances entre les lettres et les sons.


Bien discutable. L'apprentissage de la lecture ne peut être considéré comme abouti que s'il n'y a pas (ou plus ?) un "décodage obligé des correspondances entre les lettres et les sons".
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5986
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: vive la methode syllabique

Message par com_71 » 21 Déc 2013, 23:29

Thierry Opillard a écrit :On le sait, l’oralisation ou la subvocalisation, cette oralisation intérieure, sont un obstacle limitatif sévère à la lecture ; si on veut devenir lecteur, il faut faire tout autre chose et en tout cas, pas cela.


Je ne crois pas non plus, quand je lis, me livrer à une "oralisation intérieure" parasite. Sauf que, si... ça m'arrive, par exemple après avoir lu la phrase ci-dessus.

Je me livrerais toujours à une oralisation, mais inconsciente la plupart du temps ? Il me resterait à devenir un vrai lecteur ? Il va me falloir songer à accélérer les apprentissages. :lol:
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5986
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Re: vive la methode syllabique

Message par canardos » 21 Déc 2013, 23:30

pas de procès d'intention, bertrand, lol... la méthode purement globale n'est appliqué nulle part ou presque, mais les méthodes mixtes globale alphabétiques avec une bonne dose de méthode globale sont appliquées en France actuellement par 76% des instituteurs. Avec des résultats bien moins bons que la méthode purement syllabique d’après toutes les études...

alors évidemment Opillard nous dit que comme la réussite est corrélée avec la catégorie socioprofessionnelle et le le milieu culturel de l'enfant, toute évaluation des méthodes d'apprentissage de la lecture est impossible...Or c'est faux, et c'est un peu facile comme argument il est parfaitement possible d’évaluer des méthodes de lectures en prenant des échantillons identiques de même milieu culturel et de même catégorie socioprofessionnelle. Dehaene fait justement remarquer que c'est en comparant l''application des différentes méthodes de lecture aux catégories les plus défavorisées qu'on voit les écarts de resultats les plus importants car les parents sont moins en mesure d'aider efficacement leurs enfants en compensant les insuffisances de l’école...

et puis, même si je dois être qualifié de vieux réac, je dois constater quand même que tant que la méthode syllabique a a été appliquée jusque dans les années 50 elle a donné de bien meilleur résultats que les méthodes mixtes actuelles...suffit de voir les copies des certificats d’études de l’époque.

Or l'apprentissage de la lecture au CP va conditionner toute la scolarité ultérieure comme le fait remarquer Dehaene...c'est dire l'importance de la question.

Bien évidemment cela ne résout pas l'insuffisance du nombre des professeurs ou leur quasi-absence actuelle de formation, mais ça amplifie beaucoup les dégâts.
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Re: vive la methode syllabique

Message par canardos » 21 Déc 2013, 23:37

L'apprentissage de la lecture ne peut être considéré comme abouti que s'il n'y a pas (ou plus ?) un "décodage obligé des correspondances entre les lettres et les sons".


non, ce que dit Dehaene c'est qu'on doit commencer par ce decodage, le BA BA, mais qu'on doit ensuite l'automatiser pour que le Cortex ne se mobilise plus pour cette tache mais pour la comprehension du sens du texte...

Dehaene dit bien que cette automatisation de ces taches de decodage est l'un des quatre facteurs qui determinent la facilité d'apprentissage. je cite:

Quatrième pilier, enfin, l’automatisation. En début d’apprentissage, l’effort mobilise toutes les ressources du cortex frontal. Afin de libérer l’esprit pour d’autres tâches, il est indispensable que la connaissance devienne routinière. En lecture, par exemple, ce n’est que lorsque le décodage des mots devient automatique que l’enfant peut se concentrer sur le sens du texte. La répétition quotidienne va transférer l’apprentissage vers des circuits cérébraux automatiques et non conscients.
canardos
 
Message(s) : 18
Inscription : 23 Déc 2005, 16:16

Re: vive la methode syllabique

Message par com_71 » 22 Déc 2013, 04:18

Dehaene a écrit : En lecture, par exemple, ce n’est que lorsque le décodage des mots devient automatique que l’enfant peut se concentrer sur le sens du texte.


Là, "automatique" n'équivaut-il pas à "global" ? Et alors méthodes "globales" = apprentissages de décodages globaux. Je ne regrette pas de n'avoir pas eu à décoder lettre à lettre "maintenant" ou "cependant". Même si l'apprentissage de ces mots me paraissait plus compliqué que "bobo", "papa", ou "maman".
Un inconvénient, quand j'ai ouvert pour la 1ère fois un dictionnaire, je n'avais encore jamais étudié systématiquement l'alphabet, ni donc l'ordre alphabétique... Mais maintenant, ça va...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 5986
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Suivant

Retour vers Sciences

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 8 invité(s)