Le journaliste du Monde Stéphane Foucart, dans son livre sur les Marchands de Doute [non, il en parlait pas de lui avec ce titre...) parle à ce sujet d'une fable ou d'une légende. L'AFIS publie un article très précis pour montrer qu'il s'agit bien d'une triste réalité :
DDT et lutte contre le paludisme : la réécriture de l’histoire
par Jean-Paul Krivine - SPS n° 308, avril 2014 (à paraître)
Le paludisme est encore responsable, selon l’OMS, d’environ 600 000 décès chaque année. Plus de trois milliards de personnes continuent à être exposées au risque, principalement en Afrique et en Asie du Sud-est. La lutte contre ce fléau avait donné des résultats probants au lendemain de la première guerre mondiale, principalement grâce à l’application de DDT dans les habitations. Les succès ont été impressionnants1 : en une dizaine d’années, le nombre de cas au Sri Lanka est passé de 2,8 millions et 7 300 décès à 17 cas et aucun décès. Des résultats similaires sont obtenus en Inde, en Amérique du Sud, et certains pays ont entièrement éradiqué la maladie [1].
Utilisé à titre préventif en agriculture de façon extensive et sans contrôle, cet insecticide allait être victime de son succès et de son coût de production très faible. En 1972, le DDT est interdit aux États-Unis par l’Agence de l’environnement. Si sa persistance dans l’environnement est confirmée, son degré de toxicité est, quant à lui, bien plus controversé. De nombreuses associations environnementalistes vont alors mener campagne pour son interdiction généralisée dans le monde. Et elles vont de facto obtenir gain de cause avec, pour effet collatéral, une reprise de l’épidémie de paludisme touchant des millions de personnes dans des pays qui pouvaient espérer une éradication. En 2006, l’Organisation Mondiale de la Santé va de nouveau recommander l’usage du DDT [2], constatant que « de nombreux tests et travaux de recherche ont montré que la pulvérisation de DDT à l’intérieur des habitations dans le cadre de programmes bien gérés n’est dangereuse ni pour l’homme ni pour la faune et la flore »2. Depuis, l’Afrique du Sud estime être en passe d’éradiquer le paludisme d’ici 2018 grâce à la réintroduction du DDT3.
Une « légende de néoconservateurs » et une « fable sans fondement » ?
Cette histoire est contestée par certaines associations écologistes, et à leur suite, par le journaliste du Monde Stéphane Foucart4 qui parle à ce propos d’une « légende forgée et diffusée par les milieux néoconservateurs américains » et d’une « fable dépourvue de tout fondement ». Pour lui, la réalité est que « le DDT a progressivement perdu du terrain dans la lutte anti-vectorielle depuis les années 1970 pour la principale raison de l’apparition, dans certaines régions, de résistances des anophèles à cet insecticide »5 reprenant ainsi à son compte les affirmations de Greenpeace [3].
Le DDT aurait-il donc disparu de l’arsenal de lutte contre le paludisme, uniquement victime de son inefficacité croissante due à l’apparition de générations de moustiques résistantes à l’insecticide ?
Les succès du DDT
Mais avant, il importe de revenir sur l’efficacité de l’usage du DDT dans les campagnes anti-paludisme. En 1979, un rapport du Comité d’experts de l’OMS sur le paludisme fait le bilan de la lutte contre l’épidémie [4]. Il rappelle les succès rencontrés jusqu’au début des années 1970 : la campagne d’éradication a permis à 727 millions de personnes de ne plus être dans des zones à risque (53 % de l’ensemble de la population exposée). Les éléments qui ont contribué à ces avancées sont, certes, multiples : amélioration des conditions sanitaires, prise en charge de la maladie, amélioration de conditions socio-économiques. Mais le traitement des vecteurs de propagation (moustiques anophèles), et principalement par le DDT, est en bonne place. En 1979, le DDT représentait encore 77 % du tonnage des insecticides utilisés contre les vecteurs de la maladie. Il était aussi reconnu comme le moins dangereux à manipuler, le plus persistant dans les maisons où il était pulvérisé, limitant ainsi le nombre d’épandages, et surtout, de loin, le moins onéreux à fabriquer, permettant un large accès aux pays les plus démunis [5].
Les difficultés de la campagne d’éradication
Lancée par l’OMS en 1955, le « Global Malaria Eradication Program » rencontre, à la fin des années 1970, un certain nombre de difficultés. Les progrès de la lutte contre le paludisme stagnent dans certains pays et des résurgences de la maladie sont observées dans d’autres, parfois à des niveaux endémiques. Sur les 143 pays ou régions où le paludisme était originellement endémique, l’agence internationale constate que, pour 37 d’entre eux, l’éradication complète est effective, pour 16 autres, le risque est minimum, et dans d’importantes régions des 90 restants, le risque varie de modéré à élevé.
En 1969, l’objectif d’arriver à une éradication complète est remis en cause par l’agence internationale. Dressant le constat de ce qui ne fonctionne pas, les experts de l’OMS identifient douze causes principales (voir encadré).
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http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2271