Big Bang ou autre chose?

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Jacquemart » 20 Jan 2004, 10:20

Juste histoire d'en rajouter une petite couche sur cette histoire de "temps zéro", de limites et de fictons mathématiques.

Le "temps zéro", c'est une idée qui choque tout matéraliste - si par cette expression, on sous-entend un moment qui a réellement existé, autrement dit un début de l'univers.

Faisons un petit détour et parlons non plus du temps, mais de la température : on sait qu'il existe un "zéro absolu". Dans notre échelle (centigrade), ce zéro absolu vaut -273°, mais dans une autre échelle, ce zéro vaut... zéro.

Sans doute parce que la température est un sujet moins sensible que le temps, aucun matérialiste raisonnable ne s'insurge à la notion de zéro absolu, en la qualifiant d'idéaliste ! Pourtant, quand on y réfléchit un peu, les deux questions portent des implications philosophiques assez semblables.

Ce zéro absolu est une température limite qu'aucune matière ne peut atteindre. On peut s'en rapprocher infiniment, mais jamais y être. On serait donc en droit de traiter -273° de "fiction mathématique", de spéculation sortie du cerveau sans jamais avoir été expérimentée - et pour cause ! - etc. Mais faire un tel procès d'idéalisme aux scientifiques qui parlent du zéro absolu et calculent sa valeur, ce serait une bien mauvaise accusation. Parce qu'une limite qu'on ne peut atteindre, c'est tout aussi "réel" qu'un état de la matière quel'on peut constater et reproduire... à condition bien sûr de ne pas aller raconter que la limite en question peut être atteinte, voire dépassée.

Eh bien, le "temps zéro" du Big Bang occupe pour le temps un statut similaire à celui du zéro absolu pour les températures. C'est un état limite, dont on peut se rapprocher indéfiniment sans jamais l'atteindre, et qui est un repère bien pratique dans les équations.

Alors, certes, bien des cosmologistes se servent de ce repère du temps zéro, de cette "fiction" (si l'on tient à ce mot), pour véhiculer des conceptions idéalistes, en particulier celle d'un début de l'Univers. Mais il est essentiel de comprendre que l'existence d'un "temps zéro" de la théorie du Big Bang n'implique pas davantage l'idée de création que le zéro absolu des thermomètres n'implique celle de la disparition de l'Univers pour cause de grands froids.

L'idée selon laquelle ce temps zéro a réellement existé est une extrapolation que font certains scientifiques ou commentateurs - le plus souvent, de manière sous-entendue, c'est-à-dire en fraude.

Conclusion : combattre les conceptions idéalistes est une chose, combattre la théorie du Big Bang elle-même en est une autre, et on a intérêt, je crois, à ne pas mélanger les deux.

PS : je ne suis pas un scientifique, juste un amateur plus ou moins éclairé. Des intervenants plus compétents pourront donc nuancer, voire démentir mes propos...
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Message par com_71 » 20 Jan 2004, 21:58

réflexions de Candide :

L'univers est en expansion. Si cette expansion dure depuis une infinité de temps la densité est infiniment proche de zéro et la probabilité est infinie qu'il n'y ait plus rien...

Donc soit pas d'infini, soit pas d'expansion, ou alors une expansion datée

- une expansion datée c'est le big-bang sous un autre nom

-pas d'infini c'est encore le big-bang (ou alors Dieu ?)

- reste pas d'expansion, mais l'expansion est un fait d'observation (décalage dans le rouge du spectre des galaxies les plus lointaines).
Certains scientifiques ont essayé de nier l'expansion (génération spontanée de matière pour "stabiliser" la densité ou encore "fatigue" de la lumière). Pas bien convaincant.
JC Pecker a défendu quelque temps cette dernière explication et y a renoncé...
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Jacquemart » 20 Jan 2004, 22:44

Pour répondre à Caupo : méfiance lorsque l'on parle de la théorie du Big Bang, pour au moins deux raisons.

D'une part parce que le nom même de Big Bang ne vient pas des partisans de cette théorie, mais de l'un de ses adversaires, pour la ridiculiser ("[i]ah, oui, le Grand Boum ![/i]"). Il est donc arrivé au Big Bang ce qui est arrivé au Bolchevik-Léninisme, à savoir au trotskysme : le sobriquet attribué par les adversaires a fini par s'imposer comme le nom de référence. Mais la théorie du Big Bang n'est pas une théorie d'un "Grand Boum" initial : c'est une théorie de [b]l'expansion continue de l'univers[/b]. Et cela fait une certaine différence.

Deuxième point : la théorie du Big Bang n'est pas un tout achevé, mais un [b]cadre général de raisonnement[/b], susceptible de bien des variantes et des amendements, en fonction des découvertes, des observations, mais aussi des progrès généraux des connaissances de physique.

La meilleure comparaison qui me vienne à l'esprit est celle du darwinisme, qui n'a jamais prétendu être une somme complète de l'évolution de la vie : il fournissait un cadre, un schéma général de l'évolution biologique, dans lequel les connaissances passées pouvaient s'ordonner, et les connaissances futures prendre place (jusqu'à preuve du contraire).

Depuis les premières formulations du "Big Bang", bien des découvertes ont été faites, qui ont amené les scientifiques à moduler tel ou tel aspect de ce cadre, à prendre en compte tel ou tel effet insoupçonné, à développer certaines variantes, à en abandonner d'autres, etc. Mais ce qui n'a jamais été pu être sérieusement remis en cause jusqu'à maintennt, c'est le cadre général du raisonnement sur l'Univers, à savoir que celui-ci est en expansion. Autrement dit, que plus on remonte loin dans le passé, plus la matière était concentrée et plus la température et la pression étaient élevées (avec tout ce que cela implique).

Les modifications éventuelles de datation des galaxies (qui ne datent pas d'Hubble) ont pu amener à aménager le modèle du Big Bang, ou plus exactement, certaines de ses variantes. Mais encore une fois, elles n'ont absolument pas remis en cause le cadre général, évolutionniste, que défend cette théorie.

Et lorsque tu affirmes que : [quote=" "]
Ils vont continuer à découvrir des galaxies de plus en plus éloignées, à fur et à mesure qu'on puisse lancer des telescopes plus loin et plus puissant. [/quote]

C'est une pétition de principe qui ne repose sur aucun raisonnement scientifique valide. En revanche, ta phrase concluant :

[quote=" "]
La matière est éternelle et n'a pas de principe ni de fin.[/quote]

n'est pas contrairement à ce que tu crois, contradictoire avec la théorie dite du Big Bang... Tout au moins si je comprends bien ce que tu entends par "principe" et "fin". Ce dont je ne suis pas bien certain !



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Message par Jacquemart » 22 Jan 2004, 22:44

Caupo, je ne suis pas sûr que mes diplômes m'autorisent plus que les tiens à discuter de ces questions. Mais puisque ça nous fait plaisir, pourquoi se priver ?

Plus sérieusement, j'ai lu la préface de Grant-Woods, et du coup, je me suis lancé dans le chapitre Cosmologie de leur bouquin. Je dois dire que ma première impression est très mauvaise.

1. Les auteurs opèrent constamment un glissement entre la théorie du Big Bang et les interprétations qui peuvent en être faites. Evidemment, cela rend la tâche plus facile pour tout balancer par dessus bord, mais ça n'est pas très honnête.

2. C'est lié, mais c'est un peu différent, leurs formulations sont pour la plupart franchement tendancieuses ou franchement fausses, ou les deux à la fois. Même s'il s'agit d'un langage de vulgarisation, il y a des choix de vocabulaire qui sont faits pour tromper le lecteur, pas pour l'éclairer.

3. Ayant ainsi rayé un siècle de physique d'un souverain trait de plume philosophique (punaise, si les scientifiques avaient lu Marx, qu'est-ce qu'on aurait gagné comme temps !), les auteurs se voient bien obligés de réintroduire une conception de rechange. Or, cette conception n'existant pas dans l'arsenal scientifique (car le Big Bang, malgré tous ses défauts avérés, ne possède aujourd'hui aucune alternative scientifique sérieuse), on se retrouve à faire l'éloge de conceptions bien plus déficientes, y compris sur le plan philosophique.

J'en prends comme seule preuve un passage de la préface, que je me permets de traduire. Grant et Woods affirment que les astronomes, en construisant des télescopes plus puissants "espèrent voir des galaxies en cours de formation, qui seraient une preuve de poids en faveur de la théorie du Big Bang. (...) Nous prédisons dès à présent qu'ils verront de nouvelles surprises : point de Big Bang, mais uniquement des galaxies, encore et partout, s'étendant à l'infini"

J'aime beaucoup les gens qui saluent la construction de télescopes, tout en affirmant savoir à l'avance ce qu'on va voir dedans... Autant le leur demander directement, on ferait des économies, non ?

Mais petite remarque polémique mise à part, cette affirmation revient tout bonnement à dire que les galaxies ne se sont jamais formées, et qu'elles ont existé de toute éternité ! Pour des gens qui donnent aux autres de leçons de dialectique, cela ne manque pas de piquant.

Et cela ilustre le fait que la philosophie, même matérialiste, ne remplace pas la recherche scientifique. En prétendant remplacer la seconde par la première, Grant et Woods se trouvent réduits à avancer des spéculations qui ne valent pas mieux, loin de là, que les théories qu'ils combattent.

Si cela intéresse quelqu'un, je peux revenir dans un prochain post, sur la notion d'"l'âge de l'Univers", dont Grant et Woods font, à tort, leurs gorges chaudes.
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Message par com_71 » 22 Jan 2004, 23:57

(Jacquemart @ jeudi 22 janvier 2004 à 22:44 a écrit : Si cela intéresse quelqu'un, je peux revenir dans un prochain post, sur la notion d'"l'âge de l'Univers", dont Grant et Woods font, à tort, leurs gorges chaudes.

Je sais pas pour les autres, mais moi ça m'intéresse.
Les articles de Lachièze-Ray (quelque chose comme ça) dans le dictionnaire d'histoire des sciences de D.Lecourt m'ont paru très bien.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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