Voyage en mathématiques

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Voyage en mathématiques

Message par com_71 » 16 Fév 2017, 13:32

Un petit texte de "métamathématique" particulièrement simple. A but publicitaire il présente un n° spécial du "Point" qui se propose de recueillir des textes de référence en mathématiques. Les contributions de Natacha Polony ne m'ont jamais fait acheter le Point :), mais là, je vais investir 7,50€ !

Voyage en mathématiques

Si les mathématiques sont omniprésentes dans nos vies, elles restent pourtant mal connues, tout comme celles et ceux qui les ont explorées. Un manque à combler.
Par Mickaël Launay

Publié le 16/02/2017 à 11:41 | Le Point.fr

Les mathématiques sont une discipline bien curieuse. Leur principe est l'étude par le raisonnement logique d'objets purement abstraits et des relations qui les lient. Par «  abstraits  », entendez «  qui n'existent pas  ». Là où les astrophysiciens étudient des astres bien réels, les géologues, des roches on ne peut plus concrètes et les biologistes, des animaux de chair et de sang, les mathématiciens, eux, travaillent sur des objets qui n'existent a priori que dans leur imagination fertile.

Pensez aux nombres, par exemple. Ils n'appartiennent pas au monde physique, ne sont pas faits de matière et ne semblent exister que dans les cerveaux de ceux qui les étudient. De la même façon, une ligne droite en mathématiques se doit d'être infiniment fine  : impossible de rencontrer de pareilles lignes dans notre réalité où tout objet a une épaisseur, fût-elle minuscule. Toutes les figures géométriques ne sont ainsi que des idéaux inatteignables. Et il en va de même des fonctions, des équations, des ensembles et de toute la panoplie de concepts inventés au fil des siècles par des savants rivalisant de créativité et d'ingéniosité…

Comment penser alors que ces objets purement imaginaires puissent avoir la moindre utilité pour comprendre le monde réel  ? Comment croire qu'ils puissent être dignes d'un intérêt qui ne serait autre chose que pure fatuité  ? Et pourtant, que les mathématiques sont utiles et fascinantes  ! L'univers est écrit en langue mathématique, affirmait Galilée au XVIIIe siècle.

Une pensée abstraite

Et c'est là sans doute le plus grand miracle de cette discipline, à la fois intimement humaine et prodigieusement universelle. Simultanément passionnante par elle-même et débordante d'applications extérieures à son cadre. Géométrie, algèbre ou analyse nous permettent de poser sur le réel un regard remarquablement efficace pour en dévoiler les mécanismes cachés. Les mathématiques ont ainsi su s'imposer au fil du temps comme des alliées indispensables à la compréhension du monde et, de nos jours, plus aucune théorie scientifique sérieuse ne saurait se passer d'elles.

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faut remonter l'histoire et observer, siècle après siècle, les plus grands esprits qu'a engendrés l'humanité construire, pierre après pierre, cet édifice immense. Il est difficile de dater précisément les premières mathématiques, mais il est possible de détecter dès la préhistoire des activités révélant la naissance d'une pensée abstraite. Ainsi, dès le paléolithique inférieur, on voit apparaître des bifaces en pierre taillée, prenant différentes formes, mais ayant pour la plupart un axe de symétrie. Une telle forme ne peut pas être obtenue au hasard. Le tailleur de pierre devait préméditer son coup et donc se construire, avant même de se mettre à l'ouvrage, une image mentale, idéalisée, de la forme voulue. L'exercice est semblable à ceux que les enfants trouvent encore parfois dans leurs cahiers de jeux  : la moitié d'un arbre ou d'un animal est représentée et il s'agit de reconstituer la deuxième moitié par symétrie.

La mesure de la terre

Dans l'Antiquité, les mathématiques se développent avant tout pour être utiles. En Mésopotamie, les nombres et leur écriture sont inventés pour les besoins du commerce et de l'administration de cités de plus en plus grandes. La géométrie, étymologiquement la science de la mesure de la terre, est utilisée par les arpenteurs ou les architectes. On s'en sert pour tracer des routes, pour délimiter des champs et construire des canaux.

Puis, peu à peu, ces spécialités vont gagner leurs lettres de noblesse et s'imposer comme des disciplines indépendantes et importantes par elles-mêmes. On les apprécie pour leur rigueur et leur capacité à former les esprits au raisonnement rationnel, mais aussi pour leur beauté et l'incroyable richesse du monde abstrait dont elles ouvrent les portes. Les Grecs seront parmi les premiers à prendre ce tournant. On se pose alors des questions par pur intérêt théorique. Par curiosité. Par jeu intellectuel. Plus besoin qu'un problème de maths ait des applications concrètes pour qu'on s'y penche et qu'on y trouve de quoi s'émerveiller. Ainsi par combien faut-il multiplier le diamètre d'un cercle pour obtenir sa circonférence  ? Par environ 3,14. Dans la pratique, cet «  environ  » est largement suffisant. Mais les théoriciens veulent en savoir plus et s'élancent sur la piste de celui que l'on appellera plus tard le nombre π (pi). Archimède, au IIIe siècle avant Jésus-Christ, l'encadre entre 3,1408 et 3,1428. Après lui, la course s'engage  : 3,1415926535… On connaît aujourd'hui plus de dix mille milliards de ces décimales  !

Par ces grands problèmes qui se transmettent au fil de l'histoire, les mathématiques prennent alors des allures de chasse aux trésors. Et plus les siècles passent, plus elles grandissent, se solidifient et montent vers davantage d'abstraction. Cela ne se fait pas sans heurt. À chaque avancée, des débats, souvent houleux, s'engagent entre mathématiciens. Il faudra longtemps pour que le zéro ou les nombres négatifs, qui nous sont désormais si familiers, soient adoptés. Puis viendront l'algèbre, la trigonométrie, les nombres complexes, les fonctions et le calcul infinitésimal, les probabilités, les géométries non euclidiennes, la théorie des ensembles… Les mathématiques se diversifient et s'amplifient sans cesse.

Des applications technologiques

Il s'est sans doute écrit plus de pages les concernant au cours du XXe siècle que pendant les cinq millénaires qui l'ont précédé. On estime aujourd'hui que les mathématiciens produisent un million de nouveaux théorèmes tous les quatre ans. Le territoire mathématiques est devenu si vaste que plus personne ne peut prétendre en avoir exploré toute l'étendue. Les mathématiciens doivent désormais se spécialiser dès leurs études pour pouvoir atteindre cette frontière qui sépare ce que l'on sait de ce qu'il reste encore à découvrir. Et nul doute que cette terra incognita qui s'ouvre devant eux est encore bien plus vaste que toutes celles qui nous sont connues.

Tout au long de leur développement, les mathématiques n'ont cessé de communiquer avec les autres sciences. Elles s'en sont inspirées autant qu'elles les ont nourries. Des théorèmes d'arithmétique mis au point aux XVIIe et XVIIIe siècles sont aujourd'hui à la base des systèmes de chiffrement sécurisé des données sur Internet. Les géométries non euclidiennes étudiées au XIXe siècle seront, quant à elles, utilisées au XXe siècle par la théorie de la relativité, débouchant sur des applications technologiques telles que le GPS. De tels exemples se trouvent par dizaines.

Les mathématiciens sont souvent des précurseurs malgré eux et, sans leurs découvertes, nombre d'avancées technologiques aujourd'hui familières n'auraient jamais pu voir le jour. Pourtant, en dépit de l'influence colossale que leurs recherches ont sur notre vie de tous les jours, ces femmes et ces hommes restent souvent mal connus. Demandez à une personne dans la rue dix noms de mathématiciens. Peut-être en obtiendrez-vous deux ou trois… Cinq, si vous avez de la chance. Ce n'est pas étonnant. Les mathématiques sont souvent présentées comme indépendantes de celles et ceux qui les ont faites. Ces femmes et ces hommes font pourtant partie de notre culture commune. Connaître leur vie et leurs œuvres, c'est aussi connaître un peu mieux notre propre histoire et ce que nous sommes.

Aujourd'hui, plus que jamais, les mathématiques expliquent le monde, mais aussi le transforment. Sans elles, ni GPS, ni téléphones portables, ni fusées, ni robots, ni transplantations cardiaques, ni prothèses high-tech. Comment est-on passé du calcul sur les doigts à la machine de Turing ? C'est ce que nous vous proposons de découvrir dans ce Point Référence en lisant les textes les plus importants de l'histoire des mathématiques. En vente en kiosque pendant deux mois à partir du 16 février ou disponible dans notre boutique. 7,50 euros.

Mickaël Launay entre à l'ENS Ulm en 2005 et obtient une thèse en probabilités en 2012. Depuis plus de quinze ans, il participe à de nombreuses actions de diffusion des mathématiques pour les enfants et le grand public. En 2013, il crée la chaîne de vulgarisation Micmaths sur YouTube. En 2016, il publie "Le grand roman des maths : de la préhistoire à nos jours" (Flammarion).
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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