OGM et journalisme
Publié : 11 Juil 2018, 18:09
Trouvé dans "Le Canard enchaîné" du 11 juillet 2018 :
Une réussite du journalisme "scientifique"
Trois études publiques sur les OGM, financées par l'Union européenne et la France, viennent de contredire (Le Figaro 4/7) une expérience qui, en 2012, avait fait grand bruit. On y affirmait que des rats nourris au maïs OGM Monsanto NK603 s'étaient retrouvés bourrés de tumeurs cancéreuses aussi énormes que mortelles. "Les OGM sont des poisons", titrait ainsi en une "Le Nouvel Observateur" du 20 septembre 2012. L'hebdo avait eu, une semaine auparavant (avec "Le Monde" et l'AFP), l'exclusivité de la publication d'une étude réalisée par Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen.
Pour bénéficier de l'exclusivité de cette information, les journalistes avaient accepté de signer un accord de confidentialité leur interdisant de soumettre ladite étude à des scientifiques. C'est-à-dire les empêchant de recouper les informations qu'elle contenait ! L'interdiction courait jusqu'au jour de la publication officielle de l'étude par la revue américaine "Food and Chemical Toxicology". La BBC, soumise à la même exigence, avait, elle, refusé de se plier à cette opération de communication.
Après la publication de l'étude, de nombreux scientifiques ont mis en question sa validité. Le 22 septembre, "Le Monde" prenait ses distances avec l'"aspect militant" de ces travaux, qui "ne constituaient en aucune manière une preuve définitive de la toxicité du maïs NK603".
Le 15 octobre, l'Association des journalistes scientifiques de la presse d'information (AJSPI) publiait un communiqué pour "condamner la clause de confidentialité imposée par le professeur Séralini, qui visait clairement à obtenir une présentation biaisée de cette étude, dénuée de tout regard critique ou simplement compétent".
Enfin, en novembre 2013, "Food and Chemical Toxicology" l'avait purement et simplement retirée de ses publications, car "aucune conclusion définitive n'[avait] pu être tirée de ces données, non concluantes". Un peu tard pour s'en apercevoir !
Sylvestre Huet, le président de l'AJSPI, précise au "Canard" que, "si le délai d'embargo - huit jours - avait été utilisé pour recueillir l'avis de scientifiques compétents sur l'étude de Séralini, elle n'aurait jamais été publiée en l'état et n'aurait pas provoqué cette énorme onde de choc".
Mais ça n'aurait peut-être pas arrangé la sortie, six jours plus tard, du livre que Séralini a consacré à son enquête, accompagnée d'un film et d'une solide campagne de presse avec images d'horreur à gogo...
H.M.