Dépakine

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Dépakine

Message par Plestin » 17 Jan 2019, 10:17

Dans le fameux scandale de la Dépakine, le laboratoire Sanofi refuse de contribuer à l'indemnisation des victimes, rejetant la responsabilité sur les seules autorités sanitaires !

Article paru dans le Monde du 16 janvier 2018 :

Sanofi refuse de contribuer au dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine

Le groupe pharmaceutique rejette la responsabilité du scandale sanitaire sur les autorités, estimant les avoir plusieurs fois « informées en toute transparence » sur les risques du médicament.

Le géant pharmaceutique français Sanofi a refusé, mercredi 16 janvier, de donner suite aux premières demandes d’indemnisation de victimes de son médicament antiépileptique Dépakine via le dispositif national prévu à cet effet, rejetant la responsabilité du scandale sanitaire sur les autorités.

La Dépakine est accusée d’avoir provoqué des malformations et des retards de développement chez des milliers d’enfants dont la mère prenait un antiépileptique à l’acide valproïque au cours de la grossesse.

Mais pour le groupe pharmaceutique, le dispositif mis en place par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) fait peser « principalement sur le laboratoire la charge de l’indemnisation » sans prendre en compte « les preuves établissant que Sanofi a informé les autorités en toute transparence » sur les risques de la Dépakine pour les femmes enceintes, au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques.

Depuis la fin des années 1980, les autorités de santé « ont à plusieurs reprises rejeté les demandes de Sanofi qui visaient, en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques, à mentionner dans la notice patient les risques pour le fœtus pouvant être liés à la prescription de ce médicament dans le cadre d’une grossesse », assure encore le groupe.

Des risques pointés par des études dès les années 1980

Selon les estimations de l’Assurance-maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le valproate de sodium, le principe actif de la Dépakine et ses dérivés, est responsable depuis 1967 de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants, et de troubles neuro-développementaux chez 16 600 à 30 400 enfants.

Les risques de malformations liés au valproate de sodium ont été pointés par des études scientifiques dès les années 1980, tandis que les risques neuro-développementaux l’ont été à partir du début des années 2000. La ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a déclaré à plusieurs reprises, en 2018, que l’Etat allait solliciter Sanofi pour contribuer à indemniser les victimes de la Dépakine.

L’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac) s’est dit, mercredi, « révoltée mais pas étonnée par cette attitude scandaleuse » de Sanofi. Pour cette association de défense des victimes de la Dépakine, ce n’est « pas à la solidarité nationale d’assumer [l’indemnisation des victimes] mais bien au producteur du médicament qui a causé tant de dégâts ».

« Le laboratoire Sanofi s’enferre dans le déni de sa responsabilité, ajoutant chaque jour le mépris à l’indécence », écrit encore l’Apesac dans son communiqué.

Sanofi est confronté en parallèle à plusieurs demandes d’indemnisation au civil, certaines d’entre elles ayant déjà donné lieu à des décisions contradictoires. Dans l’une de ces procédures devant la cour d’appel d’Orléans fin 2017, le groupe a été condamné à verser près de 3 millions d’euros d’indemnités aux parties civiles. Sanofi s’est pourvu en cassation dans cette affaire.


Sanofi joue sur les mots et ne mentionne que les malformations, c'est-à-dire une minorité des victimes puisque :

Selon les estimations de l’Assurance-maladie et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le valproate de sodium, le principe actif de la Dépakine et ses dérivés, est responsable depuis 1967 de malformations chez 2 150 à 4 100 enfants, et de troubles neuro-développementaux chez 16 600 à 30 400 enfants.


Le risque de malformation est élevé (plus de 10%) et connu depuis longtemps mais, contrairement au Mediator de Servier, la Dépakine reste un médicament très utile et incontournable dans certaines situations. Quand une femme épileptique sous traitement se trouve enceinte, la question de la poursuite ou pas du traitement se posait aux médecins, car une crise d'épilepsie peut elle-même faire perdre le bébé. Pendant longtemps, il y avait peu d'autres médicaments disponibles (ils ont eux-mêmes des risques importants), aujourd'hui il y en a davantage mais avec d'autres risques tout aussi importants, et parfois rien d'autre que la Dépakine ne fonctionne. Les médecins ont donc dans certains cas maintenu la Dépakine aux femmes enceintes en se disant qu'il serait toujours temps de détecter une éventuelle malformation chez le foetus et que la patiente pourrait alors décider de garder le bébé ou pas.

La découverte au début des années 2000 d'autres effets secondaires non détectables sur le foetus, puisqu'il s'agit d'effets tardifs survenant sur les enfants lors de leurs 6 premières années, s'est avérée beaucoup plus problématique et c'est ce sujet-là que Sanofi tente d'occulter. Le risque d'effets cognitifs, "retard mental", autisme (qui a aussi bien d'autres causes), troubles de l'expression ou de l'audition etc., est démultiplié (30 à 40 % des cas !) Cela signifie que pour l'éviter, il ne faut désormais plus prescrire du tout de Dépakine aux femmes enceintes.

Dans un premier temps, une indication de la Dépakine autre que l'épilepsie, les troubles bipolaires (ex-syndrome maniaco-dépressif), a été carrément supprimée chez les femmes en âge de procréer n'utilisant pas de contraception efficace, situation devenue une contre-indication. Puis, une interdiction de prescription a été décidée et étendue, depuis juin 2018, à "toutes les filles, adolescentes et femmes en âge de procréer (sauf circonstances exceptionnelles)" quelle que soit l'indication (y compris l'épilepsie). "Si le valproate est la seule option, les grossesses doivent être absolument évitées".

Ce risque était connu depuis le début des années 2000. Mais j'ai sous la main un dictionnaire Vidal de 2005, où non seulement le risque de troubles du développement de l'enfant est totalement passé sous silence, mais où même celui de malformation est minimisé. Extraits édifiants de la fiche DEPAKINE :

"Grossesse :
Risque lié à l'épilepsie et aux antiépileptiques : Tous antiépileptiques confondus, il a été montré que dans la descendance des femmes épileptiques traitées, le taux global de malformations est 2 à 3 fois supérieur à celui (3 % environ) de la population générale. Bien que l'on constate une augmentation du nombre d'enfants malformés avec la polythérapie, la part respective des traitements et de la maladie n'a pas été réellement établie.
Les malformations rencontrées sont le plus souvent des fentes labiales et des malformations cardiovasculaires.
Cependant, l'interruption brutale du traitement antiépileptique doit être évitée car elle expose la patiente à la survenue de crises qui pourraient avoir des conséquences préjudiciables tant pour la mère que pour le foetus.
(...)
En conséquence :
Chez une femme épileptique traitée par le valproate, il ne semble pas légitime de déconseiller une conception.
Si une grossesse est envisagée, c'est l'occasion de peser à nouveau l'indication du traitement antiépileptique.
Pendant la grossesse, un traitement antiépileptique efficace par le valproate ne doit pas être interrompu ; la monothérapie est souhaitable ; il convient d'administrer la dose journalière minimale efficace et de la répartir en plusieurs prises.
(...)"


Pas légitime de déconseiller une conception et, surtout, s'il faut supprimer des médicaments ("la monothérapie est souhaitable"), ne garder que le valproate !

L'attitude criminelle est là, écrite noir sur blanc.

Enfin, l'affaire de la Dépakine fait scandale en France, dans une moindre mesure dans quelques autres pays (le Royaume-Uni a mis en place les mêmes interdictions qu'en France dès 2015, et non en 2018 ; le scandale français a fait parler de lui au Maghreb, etc.), mais il n'y a aucun "scandale" qui émerge dans un grand nombre de pays d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine, où Sanofi est l'un des laboratoires internationaux les plus présents commercialement et où la stratégie du groupe de ranimer certains vieux produits ces dernières années misait notamment... sur la Dépakine ! Le crime, il continue certainement ailleurs, et qu'on ne vienne pas dire que Sanofi n'est pas au courant.
Plestin
 
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