Côté filles, côté garçons

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par faupatronim » 30 Jan 2004, 11:50

(Le Monde @ 27 janvier 2004 a écrit :
Côté filles, côté garçons



Ils sont plus actifs, elles préfèrent le dialogue, et cela commence dès la naissance. Question de nature ou poids de la pression sociale  ?


En publiant Du côté des petites filles, Elena Gianini Belotti rencontra un vif succès auprès des spécialistes de l'éducation. L'ouvrage dénonçait l'orientation psychologique dont les filles restaient victimes et soutenait qu'en appliquant à chacun une égalité de traitement, tous se développeraient "indépendamment du sexe auquel ils appartiennent". C'était en 1974. "Comme un garçon", Sylvie Vartan rêvait de n'avoir "peur de rien" (avant de conclure, résignée, n'être "qu'une fille"), les mouvements féministes avaient le vent en poupe, les parents, après Mai  68, juraient qu'ils offriraient des Meccanos à leurs filles et des poupées à leurs fils. On allait voir ce qu'on allait voir.

Trente ans plus tard, qu'a-t-on vu  ? Rien, ou presque. Dans nos écoles mixtes, certes, tous sont tenus d'apprendre les mêmes matières au même rythme. Mais, sitôt franchie la porte des classes, la ségrégation sexuelle des enfants bat son plein. De la maternelle au collège, les cours de récréation offrent toutes le même spectacle  : les garçons au milieu, occupant collectivement l'espace et jouant des biceps  ; les filles en périphérie, explorant par petits groupes les délices du dialogue intime. De même, à la maison, plébiscitent-ils petites voitures, football et jeux vidéo, tandis qu'elles préfèrent la danse et les Barbie. Si les inégalités en faveur des garçons se réduisent peu à peu, la différence de comportement entre les deux sexes, elle, demeure. Irréductiblement.

Est-elle de nature ou de culture  ?"Quelles que soient les parts respectives de l'inné et de l'acquis, certaines manifestations comportementales paraissent clairement liées au genre", constate Gaïd Le Maner-Idrissi, psychologue à l'université Rennes-II et spécialiste des manifestations précoces de l'identité sexuée. "Les garçons sont plus agressifs et ont un niveau d'activité physique plus important. Les filles possèdent des capacités interactives plus élaborées et recherchent davantage la présence et la proximité des adultes."Corrélées par d'innombrables études de psychologie du développement, ces tendances sont connues de longue date. Mais l'on sait moins, sans doute, qu'elles sont perceptibles dès la toute première enfance.

Des exemples  ? Dès les premiers mois de sa vie, un garçon se montrera d'humeur changeante et plus difficile à consoler qu'une fille. Dès l'âge de six mois, elle reconnaîtra mieux les visages que lui et décodera avec plus de finesse les émotions qui s'y inscrivent. Lui sera plus alerte, elle plus souriante. Elle vocalisera plus et parlera avant lui, mais il sera souvent le premier à se déplacer... Ces assertions, bien évidemment, ne retracent que les grandes lignes du développement des unes et des autres. Mais elles sont suffisamment étayées et concordantes pour permettre d'affirmer qu'il existe, dès l'âge le plus tendre, une réelle différence de comportement entre les sexes.

Les gènes ou les hormones peuvent-ils expliquer pourquoi bébé fille verra la vie en rose et bébé garçon en bleu  ? En partie, peut-être. Depuis une dizaine d'années, de nombreux travaux, anglo-saxons pour l'essentiel, tendent en tout cas à montrer que les capacités cognitives - donc la façon d'aborder le monde environnant - ne se conjuguent pas à l'identique au masculin et au féminin. Parmi les plus convaincants  : ceux de la psychologue canadienne Doreen Kimura (université Simon-Frazer, à Vancouver), pour qui les différences d'aptitudes langagières, mathématiques, spatiales ou manuelles constatées entre filles et garçons proviendraient d'une organisation cérébrale légèrement distincte selon le sexe.

De même, la tendance plus prononcée des garçons à l'agressivité - observée à tout âge, dans toutes les sociétés, et que l'on retrouve également chez les grands primates - serait-elle directement liée au taux d'hormones sexuelles. La preuve  : que ce taux soit modifié expérimentalement, et le comportement change... Pour nombre de chercheurs, la biologie ne représenterait toutefois qu'une infime composante de ce qui détermine un nouveau-né à "devenir" garçon ou fille. L'essentiel provenant, et bien plus vite qu'on ne le soupçonne, de l'identité sexuée que les parents et la société projettent sur lui.

A cent étudiants, montrez le film d'un bébé qui crie à la vue d'un pantin sortant de sa boîte, en leur disant qu'il s'agit d'un garçon  ; à cent autres, passez le même film, en désignant le même bébé comme une fille. Demandez aux spectateurs d'interpréter les cris du nourrisson. "Il est en colère" sera la réponse majoritaire dans le premier cas  ; "elle a peur", dans le second. L'expérience, menée en 1976, est restée célèbre. Selon Gaïd Le Maner-Idrissi, elle donnerait probablement les mêmes résultats aujourd'hui.

"  On y prête rarement attention dans la vie de tous les jours, mais le poids de la pression sociale sur le développement de l'enfant est énorme. Et vous n'imaginez pas à quel point l'attitude des parents et de l'entourage est différente face à un bébé fille et à un bébé garçon", affirme la psychologue. Plusieurs études récentes soulignent en effet combien les relations entre la mère et son nouveau-né, dès les premiers jours de sa vie, varient selon son sexe.

La réponse maternelle serait mieux adaptée au rythme alimentaire du garçon qu'à celui de la fille  ; il recevrait plus de caresses d'apaisement, elle, plus de paroles et de sourires... Plus étonnant encore  : il y a une quinzaine d'années, une équipe de médecins français a montré qu'une mère, tout de suite après l'accouchement, ne prenait pas son bébé dans les bras de la même manière selon qu'il était fille ou garçon  ! "Au-delà des différences des sexes liées à la biologie ou au tempérament, on assiste à une mise en place très précoce de modulations interactives de la mère et de son bébé en fonction du genre", confirme la pédopsychiatre Gisèle Danon. Partenaires permanents de la relation qui s'instaure, tous deux vont ainsi construire ensemble, et à leur insu, la future identité sexuée du nouveau-né.

Ensuite viendront le père, la famille, l'entourage proche. Autant de femmes et d'hommes qui, tous, imprimeront à l'enfant le stéréotype de leur propre genre - ou de l'autre. Un "effet différenciateur" qui se reflétera dans leurs propos ("Un garçon ne pleure pas", "Une fille ne se bat pas"), dans leurs exigences (elle reçoit plus de pressions pour être obéissante et responsable, lui pour réussir et être autonome), dans les activités qu'ils lui proposeront.

"Les parents habillent l'enfant, l'entourent de jouets et d'accessoires convenant à son sexe et s'assurent donc de mettre à sa disposition un environnement différencié très tôt dans sa vie. Et l'entourage social au sens large (crèche, école, médias) y participe aussi de façon non allusive", renchérissent Chantal Zaouche-Gaudron et Jean Le Camus. Psychologues à l'université de Toulouse-Le Mirail, tous deux ont beaucoup travaillé sur les processus de sexuation et de socialisation du jeune enfant et sur le rôle que joue le père dans leur mise en place.

Un rôle non négligeable, puisqu'il apparaît que "les pères, plus que les mères, participent de façon active à la différenciation des caractères sexués (jouets, traits de personnalité)". Faut-il s'en étonner  ? Les hommes se montrent globalement plus attachés que les femmes au respect des normes culturelles relatives aux rôles sexués. Il appartiendra peut-être aux "nouveaux pères" de demain de modifier la donne. Du côté des petites filles comme des petits garçons.

Catherine Vincent




Pour en savoir plus

Filles, garçons, dossier collectif de la revue Enfances &  PSY (no  3, 1998, 169  p.). Ed. Erès, tél.  : 05-61-75-15-76.

L'Identité sexuée, de Gaïd Le Maner-Idrissi. Ed. Dunod, 1997, coll. Les topos, 122  p., 8,50  €.

La Mixité à l'école primaire, de Claude Zaidman. Bibliothèque du féminisme, Ed. L'Harmattan, 1996.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 28.01.04
faupatronim
 
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Message par Nadia » 30 Jan 2004, 14:02




C'est marrant, à chaque fois que je lis un article sur les différences entre homme et femme, je me reconnais toujours dans le sexe opposé. :sygus:
Nadia
 
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Message par faupatronim » 30 Jan 2004, 14:16

(Nadia @ vendredi 30 janvier 2004 à 14:02 a écrit : C'est marrant, à chaque fois que je lis un article sur les différences entre homme et femme, je me reconnais toujours dans le sexe opposé. :sygus:

Les femmes ?
faupatronim
 
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Message par Nadia » 30 Jan 2004, 14:40

(faupatronim @ vendredi 30 janvier 2004 à 14:16 a écrit :
(Nadia @ vendredi 30 janvier 2004 à 14:02 a écrit : C'est marrant, à chaque fois que je lis un article sur les différences entre homme et femme, je me reconnais toujours dans le sexe opposé (du mien). :roll: Ce qui fait que je viens traîner sur des forums où on s'écharpe virtuellement. (Bien que s'écharper physiquement est parfois plus drôle...)
Nadia
 
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Message par titi » 30 Jan 2004, 18:27

ce genre d'article m'a toujours épaté
il donne toutes les raisons qui expliquent que cette différenciation est culturelle, et ils en concluent souvent en questionnant sur l'inné (on dit "génétique" aujourd'hui pour faire plus blouse blanche)
titi
 
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Message par volodia » 03 Fév 2004, 22:38

(titi @ vendredi 30 janvier 2004 à 18:27 a écrit : ce genre d'article m'a toujours épaté
il donne toutes les raisons qui expliquent que cette différenciation est culturelle, et ils en concluent souvent en questionnant sur l'inné (on dit "génétique" aujourd'hui pour faire plus blouse blanche)

Ben c'est p'têt passque c'est un peu des deux ?

:blink:
volodia
 
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Message par magdalene » 04 Fév 2004, 08:16

(volodia @ mardi 3 février 2004 à 22:38 a écrit :
(titi @ vendredi 30 janvier 2004 à 18:27 a écrit : ce genre d'article m'a toujours épaté
il donne toutes les raisons qui expliquent que cette différenciation est culturelle, et ils en concluent souvent en questionnant sur l'inné (on dit "génétique" aujourd'hui pour faire plus blouse blanche)

Ben c'est p'têt passque c'est un peu des deux ?

:blink:

moi j'aime bien les theories de rojo sur ce sujet... allez roro, fais pas le timide, lance toi :hinhin:
magdalene
 
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Message par volodia » 04 Fév 2004, 09:16

(magdalene @ mercredi 4 février 2004 à 08:16 a écrit :
(volodia @ mardi 3 février 2004 à 22:38 a écrit :
(titi @ vendredi 30 janvier 2004 à 18:27 a écrit : ce genre d'article m'a toujours épaté
il donne toutes les raisons qui expliquent que cette différenciation est culturelle, et ils en concluent souvent en questionnant sur l'inné (on dit "génétique" aujourd'hui pour faire plus blouse blanche)

Ben c'est p'têt passque c'est un peu des deux ?

:blink:

moi j'aime bien les theories de rojo sur ce sujet... allez roro, fais pas le timide, lance toi :hinhin:

Rojo sois bon, délivre nous du doute !

( PS Moi j'ai une théorie sur les théories, qui est la suivante : le camp qui prétend que les différences entre les sexes sont culturellement acquises est majoritairement peuplé de gens sans enfants. Et évidemment à l'inverse l'immense majorité des parents pense qu'une partie des différences est innée. Si un de nos sondeurs attitrés veut tester cette théorie, je serais curieux de voir le résultat...)

¨(PPS J'ai des enfants et évidemment je suis conforme à ma théorie...)
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Message par volodia » 04 Fév 2004, 09:18

Il va sans dire évidemment que dans mon esprit une bonne partie des comportements sexués sont conditionnés socialement. Mais pas tous...
volodia
 
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