Je pense qu'il y a une sorte de "mauvaise manière de poser le problème" que je crois déceler chez Popper, ou plutôt dans ce qui est rapporté dans ce fil de ce que dit Popper (que je n'ai pas lu directement, que ce soit tout de suite clair).
Je vois la méthode scientifique comme ceci:
1. On fait des expériences ou on constate des faits (pour ne pas exclure les sciences sociales...).
2. On élabore des constructions intellectuelles (que j'appellerai modèles ou théories) qui ne sont pas en contradiction avec ces faits.
3. On déduit de ces théories des prévisions.
4. Tant qu'on est pas tombé sur des prévisions qui ne se sont pas réalisées, on continue à faire des prévisions et à développer la théorie (et à s'en servir d'un point de vue pratique pour envoyer des fusées dans l'espace ou pour mener des révolutions, ou pour comprendre comment le gouvernement réagit (sous la pression du patronat et en déduire une riposte...)
4bis. Si on est tombé sur des prévisions dont le contraire s'est réalisé, on retourne à l'étape 2 (ex (à la mode sur ce fil) l'orbite de Mercure, ou alors la faillite de la social-démocratie pendant la première guerre mondiale, ou alors la décision de construire une quatrième internationale et d'abandonner la troisième).
La question de savoir si une théorie est "vraie" ou "fausse" me paraît être un problème mal posé. Il n'y a pas de théorie 100% vraie (en ce sens qu'elle correspond exactement à la réalité). Il y a des théories qui sont proche (voire très proches) de la réalité, mais quand on y regarde un peu mieux (et on ne fait souvent ça, d'un point de vue social, que quand on en a besoin), on est contraint d'en développer une autre qui réponde mieux à ce qu'on regarde. En ce sens, une théorie a un "domaine de validité", ou elle fonctionne, et quand on veut élargir ce domaine, il en faut une autre. Par exemple: la mécanique Newtonnienne est largement suffisante pour faire rouler des voitures. Elle ne l'est plus quand on veut envoyer des sondes sur Mars. Quand à la mécanique relativiste qui la remplace, elle n'est pas suffisante pour expliquer les fonctionnements microscopiques. Autre ex: le marxisme n'est pas une science des comportements individuels, mais des comportements de masse, à l'échelle de la société. On ne va pas s'en servir pour prédire qu'un bourgeois se comportera comme ci ou comme ça dans une situation, mais on va s'en servir pour prédire que la bourgeoisie se comportera comme ci ou comme ça.
Quand à l'induction, je la vois comme nécessaire pour élaborer l'étape 2. Ca ne veut pas dire qu'elle "valide" la théorie. Ce rôle est plutôt réservé à l'étape 3 et 4 (et encore, temporairement, et dans un certain domaine). Mais dans la manière dont je présente les choses, et également, je pense dans la pratique scientifique, c'est plutôt à ça qu'elle sert, et non pas à essayer obsessionnellement de dire qu'une théorie est "vraie".
En ce sens, je pense que l'analyse (qui est décrite plus haut comme celle) de Popper est assez décalée par rapport à la pratique scientifique. Pour moi, le "test" pour savoir si une théorie est scientifique, c'est qu'elle produit des résultats pratiques tangibles (envoyer des fusées sur la lune, etc...). Ce n'est pas le cas de l'astrologie ou de l'homéopathie, et pour la psychanalyse, je n'en sais rien.
Pour ce qui est du sort de la qualité de scientifique de la théorie marxiste, attaquée par Popper, suis d'accord avec Canardo:
a écrit :depuis un siecle et demi que des révolutionnaires utilisent le marxisme, non seulement pour expliquer le passé, mais pour prévoir le déroulement des processus historiques en court, il a toujours fourni une grille d'analyse satisfaisante et n'a jamais pu à l'épreuve des faits etre sérieusement réfuté.
Enfin, il existe une cinquième étape qui se substitue parfois à l'étape 4bis pour renvoyer la communauté scientifique à l'étape 2.
5. On trouve une théorie qui explique de manière plus simple ce qu'explique la théorie précédente.
Comme exemple de cette étape 5, ou pourrait donner le passage de la vision géocentriste du monde à la vision héliocentriste. Les trajectoires des planêtes sont beaucoup plus faciles à calculer et à présenter comme ça. Mais d'un point de vue d'autruche (qui a caractérisé l'église jusqu'à ce que ce ne soit plus tenable, par exemple), on peut toujours soutenir que tout tourne autour de la terre, en ayant des trajectoires complètement invraissemblables.
Voilà, voilà...
:smile: