Recherche des origines génétiques de l’autisme

Et lutte contre les pseudo-sciences et les obscurantismes

Message par Wapi » 21 Fév 2005, 09:37

Canardos,

Tu as quand même une drôle de manière de présenter les choses pour demander des informations...

L'autisme étant un sujet très difficile, je prèfère te passer une petite bibliographie autour de laquelle tu pourras faire tes recherches... et tu constateras que les avancées de la neurologie n'invalident pas l'approche psychodynamique de l'autisme, ni d'autres troubles "neurocomportementaux", comme l'hyperactivité par exemple.

a écrit :Quand l’autisme autistise…

On dit parfois que l’autisme infantile aur a été à la psychopathologie et à la psychiatrie du XXème siècle ce que l’hystérie avait été à celles du XIXe.

On ajoute parfois que l’hystérie a beaucoup apporté à la psychanalyse qui ne lui a rien rendu !

Espérons que ce constat désabusé , et sans doute en grande partie injuste, ne pourra jamais être formulé à propos de l’autisme infantile.

Mais comment l’éviter ?

Faire en sorte tout d’abord que les psychologues, les psychiatres et les psychanalystes n’abandonnent pas l’autisme aux neurologues alors même que certains d’entre eux disaient encore, il y a peu : « L’autisme n’est pas une bonne affaire pour nous, vendons-le aux pédiatres »

Faire en sorte ensuite que l’autisme ne nous autistise pas malgré sa force d’attaque sur les processus de pensée de tous ceux qui le côtoient, parents et professionnels.

D’où l’importance d’une approche résolument trans-disciplinaire fondée sur le respect absolu des spécificités scientifiques et épistémologiques de tous les intervenants : chacun a quelque chose de vrai à dire en matière d’autisme, mais personne ne détient la vérité à lui tout seul.

Faire en sorte enfin que la collaboration des professionnels avec les parents devienne un modèle pour le reste de la médecine, ce qui suppose que cette collaboration s’ancre dans le partage et évacue toute dimension d’emprise et de pouvoir.

À ce prix-là, mais à ce prix-là seulement, l’autisme infantile trouvera des adversaires à sa mesure, à la mesure des souffrances qu’il induit de manière si cruelle.

Souhaitons donc, comme aurait dit D.W. WINNICOTT, que la foule des cliniciens et de chercheurs ne fonctionne pas, autour des enfants autistes, comme une « collection d’isolés » mais comme une véritable instance de dialogue fondée sur une estime narcissique mutuelle suffisante.

Éditorial de Bernard Golse
paru dans le Carnet/PSY n°75 (septembre 2002)

Bernard Golse est pédopsychiatre-psychanalyste, chef du service de Pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades (Paris), professeur de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l‘Université René Descartes (Paris V)



a écrit : Bernard Golse et Pierre Delion, Autisme infantile : Introduction

L’autisme infantile précoce demeure, encore aujourd’hui, une question délicate et qu’il faut aborder avec le plus grand calme et le plus grand sérieux pour ne pas relancer des polémiques passionnelles et stériles comme nous n’en avons, malheureusement, que trop connu par le passé.

Par ailleurs, d’un point de vue éthique, il importe de manier avec la plus grande prudence toute nouvelle information scientifique en ce domaine afin de ne pas faire naître d’espoirs trop hâtifs, véritables insultes à l’égard de la souffrance des enfants et de leurs familles et qui, dans ces conditions, ne peuvent qu’accentuer celle-ci encore davantage et ne donner lieu qu’à des déceptions et des rancoeurs parfois inconsolables.

C’est pourquoi ce dossier nous a paru important, pour tenter de faire le point en toute sérénité d’esprit.

* Tout d’abord, il est probable que nous approchons du moment où une nouvelle période en matière d’autisme infantile précoce, va enfin pouvoir s’ouvrir.

Avant 1943, date de la publication princeps de L. KANNER, c’est l’ère de la méconnaissance totale.

Vient ensuite une deuxième période où chacun pense avoir tout compris, avec les conflits passionnels que l’on sait entre les tenants de l’organogénèse absolue et ceux de la psychogénèse exclusive.

Et c’est seulement assez récemment qu’ayant rassemblé un certain nombre de données dans des champs distincts, différents auteurs cherchent alors à les articuler au sein d’un modèle réellement transdisciplinaire (J. HOCHMANN, S. LEBOVICI, par exemple).

* Nouveaux modèles, nouvelles cliniques, ensuite.

De nouveaux modèles se développent désormais quant aux relations qui existent entre le génôme et l’environnement, nouveaux modèles qu’il va nous falloir approfondir dans le champ de l’autisme.

Au congrès mondial de la WAIMH (World Association of Infant Mental Health), à Montréal, en 2000, P. FONAGY a bien montré comment les chercheurs considèrent aujourd’hui que l’environnement peut influencer, non pas le contenu du génôme en tant que tel, mais l’expression de celui-ci.

Se développent également à l’heure actuelle une génétique soumise à l’empreinte parentale, une génétique des traits complexes, la prise en compte de gènes homéotiques et de modèles d’interaction épistatique qui débouchent sur une génétique subtile, et non mendélienne mais sans doute extrêmement importante dans le champ de la pathologie mentale.

Par ailleurs, et au-delà des classifications internationales (DSM IV et CIM 10) qui ne définissent que des populations fort hétérogènes, la collaboration entre psychopathologues, psychanalystes et neuroscientifiques s’avère promise à un avenir fécond qui permettra notamment de délimiter des sous-groupes de plus en plus homogènes et dont l’étude se montrera alors d’autant plus efficace.

La grille d’émergence de l’autisme proposée par G. HAAG et coll. pour le suivi d’enfants traités est un bon exemple de ce type de collaboration fructueuse.

Dans cette perspective, on voit bien que les psychanalystes n’ont aucunement à avoir peur des avancées spectaculaires des neurosciences, de la génétique et des sciences cognitives. Ils les attendent même avec impatience afin de les intégrer dans un modèle d’ensemble qui permette de tenir compte conjointement des facteurs endogènes (le tempérament, la constitution, l’équipement neuro-bio-psychologique, soit la part personnelle de chaque individu) et des facteurs exogènes (l’environnement au sens large, c’est-à-dire biologique, relationnel, familial, social et culturel).

Facteurs primaires de vulnérabilité et facteurs secondaires de maintien ou de cristallisation des troubles coopèrent ainsi en une dynamique psycho-pathologique polyfactorielle qui ouvre dès lors sur une approche thérapeutique diversifiée.

Lors d’une table ronde en 1998, G. HAAG, A. BULLINGER et l’un d’entre nous avaient ainsi proposé différents points de convergence entre certaines données psychanalytiques et certains abords cognitifs.

* Finalement, tout ceci devrait donner lieu à une distinction de plus en plus soigneuse de ce que D. MARCELLI appelle une « éthique du sujet » et une « éthique du savoir », distinction fondamentale pour faire valoir les bénéfices de la prévention précoce au détriment des maléfices de la prédiction, ce que l’on ressent tout particulièrement à propos des recherches actuelles sur le dépistage précoce (dans la première année de la vie) des enfants à risque d’évolution autistique.

Différentes équipes collaborent ainsi actuellement à la mise au point d’un équivalent du CHAT (Check-list for Autistic Toddlers) utilisable avant douze mois, et ceci notamment dans le cadre d’un PHRC (Protocole Hospitalier de Recherche Clinique) multicentrique coordonné par Cl . BURSZTEJN à Strasbourg.

Toutes mesurent à quel point plus le dépistage est précoce, plus il importe de réfléchir soigneusement à l’éthique du maniement des informations recueillies.

En effet, plus les enfants dépistés sont jeunes, plus il ne s’agit que d’enfants vulnérables dont l’avenir ne peut être enfermé dans un devenir trop étroitement étiqueté, sauf à figer les choses et à renforcer de manière iatrogène les risques même que l’on dénonce.

Les enfants dépistés sont à l’évidence des enfants dont il faut s’occuper, mais en fonction d’effets de rencontre, par essence imprévisibles, certains d’entre eux deviendront peut-être autistiques, mais d’autres deviendront psychotiques, ou dysharmoniques, ou déficitaires, ou même para-normaux.

Autrement dit, ce sont à la fois la prudence et l’ouverture d’esprit qui s’imposent, et c’est ce qui nous a servi de trame pour ce dossier.

Nous avons tenté de passer en revue les principaux axes concernés par les études actuelles en matière d’autisme, en faisant appel à des auteurs reconnus dans le domaine sollicité. Nous souhaitons ainsi que toutes les personnes intéressées par cette question disposent d’un outil leur permettant de trouver, non pas l’ensemble des réponses à chacune de leurs demandes, mais au moins la ou les références dont ils auraient besoin pour les retrouver et les approfondir.

__________
Bibliographie

S. BARON-COHEN, J. ALLEN et Ch. GILLBERG
L’autisme peut-il être détecté à l’âge de 18 mois ?
L’aiguille, la meule de foin et le CHAT
A.N.A.E., 1997, 11, 8, 33-37

P. DELION (sous la dir.), B. GOLSE, A. BULLINGER, A. CAREL, MF. LIVOIR-PETERSEN, et coll.,
Le bébé à risque autistique
Collection 1001 bébés, Erès, Ramonville, 1998.

P. FONAGY
Développement de la psychopathologie de l’enfance à l’âge adulte : le mystérieux déploiement des troubles dans le temps (Trad. Fr. par N. Pionnié), La Psychiatrie de l’enfant, 2001, XLIV, 2, 333-369

B. GOLSE, G. HAAG et A. BULLINGER
Autisme, psychanalyse et cognition : trois exemples de convergence
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 2000, 48, 427-431

G. HAAG et coll.
Grille de repérage clinique des étapes évolutives de l’autisme infantile traité, La Psychiatrie de l’enfant, 1995, XXXVIII, 2, 495-527

J. HOCHMANN
L’autisme infantile : déficit ou défense ?, 33-55
In : « Soigner, éduquer l’enfant autiste ? » (sous la direction de Ph.-J. PARQUET, Cl. BURSZTEJN et B. GOLSE)
Ma sson, Coll. « Médecine et Psychothérapie », Paris, 1990

L. KANNER
Autistic disturbances of affective contact, Nervous Child, 1942-43, 3, 2, 217-230, Traduction française in : « L’autisme infantile – Introduction à une clinique relationnelle selon Kanner » (G. BERQUEZ) , P.U.F., Coll. « Le fil rouge », Paris, 1983 (1ère éd.)

S. LEBOVICI, Psychanalystes et psychopathologie de l’enfant : rester psychanalyste, Revue Française de Psychanalyse, 1992, LVI, 2, 387-411

D. MARCELLI, Le pourcentage, le gène et la synapse laissent-ils une place à la recherche clinique ? Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 1999, 47, 12, 539-543

Wapi
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 10:41

a écrit :un peu de courage, wapi, mouille ta chemise, repond toi meme et précisement!

c'est hallucinant cette volonté de noyer le poisson sur un sujet aussi grave ou les psychanalystes ont fait autant de fegats!



Ce qui est pour moi hallucinant, c'est cette injonction que tu fais... Tu cherches une proie ?

Tu veux réfléchir sérieusement au problème de l'autisme ou tu attends que Iko et moi nous "dérapions" pour nous flinguer
?

Je ne connais pas bien le problème de l'autisme, je ne connais que quelques personnes extrêmement sérieuses qui ont consacré leur vie aux enfants autistes, et dont je soupçonne qu'elles ne font pas "n'importe quoi" ni avec les enfants, ni avec les parents. Et qui n'ont aucun problème à aller chercher dans la génétique, la chimie et le cognitivisme des éléments de réponse et de soin à un problème très difficile. Et qui sont "psychanalystes" en plus ! (je ne sais pas ce que tu mets derrière ce mot)...


Donc j'étais en train de chercher un article un peu bien et je comptais faire appel à un copain qui est plus dans le coup pour te donner des informations sur l'état actuel des recherches... je ne sais pas si tu mérites tout cela.

je ne comprends pas ce que tu cherches dans le fond dans ce "débat" donc j'aurais du mal à te répondre, sur n'importe quel sujet

je t'ai déjà dit que les avancées de la neurologie n'invalidaient pas d'un seul coup toute l'approche psychodynamique dans la compréhension du symptôme et dans le soin. Les plus avisés des neurologues le reconnaissent eux-mêmes.

je t'ai proposé une collaboration plus intéressante en ce sens mais elle ne semble pas t'intéresser.

Qu'y puis-je ?


Voici quand même, du même auteur, pour les forumeurs intéressés :

a écrit :    LES AUTISTES, EXCLUS DE L’AN 01
        Journées de DAX sur l’Exclusion
            Novembre 1997
              Pierre Delion
Ce texte est un hommage à ceux qui travaillent avec moi , directement et indirectement, à Angers, et sans lesquels ce que nous pouvons encore faire serait même impossible.
INTRODUCTION
Si j’ai proposé à Michel Minard de parler encore une fois de l’autisme infantile, c’est parce qu’il me semble très intéressant de faire le point aujourd’hui sur une des raisons pour lesquelles les enfants autistes deviennent des exclus, à savoir leur rencontre trop tardive avec une équipe de soins intensifs ayant suffisamment réfléchi à ce problème de bébé. Mais aussi parce que le problème des autistes est exemplaire de la tendance actuelle de l’orientation vers le médico-social, voire même le socio-familial... les excluant ainsi du soin qui leur est nécessaire, comme si les dimensions familiales, sociales, et médicales ne pouvaient pas s’articuler ensemble.
Dans une telle logique décadente(Francis Jeanson), exclusion et ségrégation sont les deux mamelles du destin des pulsions de mort.
Bien sûr, je souhaite évoquer avec vous ce problème, non pas du point de vue antipsychiatrique au sens large-comment faire pour échapper à la psychiatrie- ce qui d’une certaine manière est encore une position beaucoup plus développée que nous ne le pensons habituellement, mais du point de vue pragmatique voire pragmaticiste, comme dirait Peirce, afin de comprendre en quoi et comment nous pouvons changer cet état de chose regrettable.
Mais la question générale est de savoir si une équipe de psychiatrie elle-même en danger d’exclusion, est capable de faire en sorte que ses clients ne le soient pas.
Aussi, je tenterai de montrer comment sur le plan du système, exclusion et ségrégation sont deux faces cachées d’un même processus dérivé de la pulsion de mort : le modernisme pseudo-scientifique à (d)économie variable, tandis que sur le plan de la personne-autiste par exemple-ce processus de l’exclusion gît davantage dans la dynamique transférentielle et plus précisément contre-transférentielle, les deux aspects rentrant dans spirale qui en accroît les inconvénients d’une façon exponentielle; j’illustrerai cette « chose » par quelques exemples d’enfants mettant en évidence la fâcheuse tendance qui m’envahit de plus en plus souvent : devenir « con par défaut », puisque toutes les autres hypothèses ne sont partagées concrètement, là où je travaille, que par un groupe nettement minoritaire.
CONTEXTE
Je m’explique. Dans mon hopital il y a eu comme dans beaucoup d’autres en France ces derniers temps, une tragi-comédie qui s’est déroulée en plusieurs actes, dont on ne sait pas lequel a été le plus déterminant pour la catastrophe annoncée.
Le titre de cette tragi-comédie est « La guêpe et le lézard ».
Premier acte : (monologue d’un directeur parcourant de long en large la scène en s’arrachant théâtralement les cheveux...qui lui restent éventuellement. Commentaires contrapuntiques d’un choeur antique)
-le directeur «Dieu tout puissant, viens-moi en aide, tout ce qui se fait dans cet hopital va être remis en cause par le dard »(traduisez DARD : directeur de l’agence régionale de droite)
-le choeur antique, recto tono : « le dard, oh le dard semble un personnage éminemment fantasmogène; faire flipper le directeur de l’hopital il peut; oh puissant est le dard».
-le directeur : « Il est donc impératif, si l’on veut échapper à l’étrillage proposé par les ordonnances Juppé »
-le choeur : « c’est-à-dire de se conformer aux canons de la beauté classique, telle qu’elle est définie par le code de « la désespérance technocratique subtile ».
-le directeur : « il est donc impératif qu’il nous écoute, nous écoute, nous écoute... »
-le choeur : « Dieu se fait traduire la supplique en latin : il écoute, il écoute se traduit audit, audit, audit,... »
-le directeur : « oui, c’est cela, requérons un audit! »
Deuxième acte : Le directeur de l’hopîtal, après avoir mouillé jusqu’aux génitoires les médecins administrateurs pour les faire participer au choix d’un audit, qui va procéder en connaissance de Psy-cause(toujours évidemment) à la mise en place d’un projet d’établissement, le directeur, donc, engage une vaste campagne de recueil des idées de tous les partenaires dudit établissement. Il  découvre à cette occasion le bienfait des réunions de travail entre les différentes catégories de personnels(alors que les mêmes ne veulent pas envoyer la secrétaire du service au séminaire d’Oury parce que ça n’a rien à voir avec le secrétariat, les secrétaites peuvent se former au traitement de texte mais pas à comprendre l’angoisse des familles qui téléphonent ou viennent prendre un rendez-vous pour leur enfant).
Troisième acte : un an après tout ce travail considérable de réunions, de production effrénée de fantasmes en tout genres, de destruction massive de forêts de papier, et de rapports sans aucune sexualité freudienne, une note de synthèse nous est rendue qui coïncide, est-il besoin de le préciser, avec les idées émises auparavant par les plus conservateurs des psychiatres et des administratifs : il faut défendre la psychiatrie de secteur mais en l’organisant autrement de telle manière qu’elle soit « délivrée » de ses péchés originels et notamment en mettant en place une intersectorialité généralisée. Ce que je traduis : la psychiatrie de secteur a assez duré comme ça, il va bien falloir que tous ces illuminés se mettent à penser qu’un hopital, ça fonctionne par spécialités; d’ailleurs ne faut-il pas aller faire la psychiatrie dans les hopitaux généraux? Là, je ne veux pas polémiquer sur le rapport Massé, mais je prétends que s’il n’a pas dit que c’était la seule solution de le faire, il a fourni, sans peut-être mesurer toutes les conséquences de ses propos, des armes dangereuses à ceux qui n’ont jamais ni fait ni compris la psychiatrie de secteur, en leur laissant à penser que le retour à l’hôpital général était l’équivalent du retour de la psychiatrie dans la médecine, son équation symbolique.Et les psychiatres de mon établissement de voter majoritairement pour le détachement du service de psychiatrie universitaire du CHU d’Angers de son secteur géodémographique, au mépris le plus radical de la loi sur la sectorisation. C’est ce que j’appelle un sacré « lézard » dans le projet d’établissement.
Quatrième acte : La guêpe entre en scène.
Le dard vient visiter l’établissement dans le cadre de la tournée de sa nouvelle région avec ses golden boys. Il téléphone en disant qu’il veut bien suivre le programme proposé par le directeur de l’hôpital, mais qu’il tient absolument à rencontrer cette équipe de psychiatrie de l’enfant qui souhaite regrouper sur un même site, au milieu de son secteur géo-démographique, les consultations, l’hospitalisation et le temps partiel. Le directeur me téléphone pour m’annoncer cela, mais alors, je vous raconte pas, sans le moindre plaisir de se l’être fait imposer. Toujours est-il que la visite a eu lieu et que nous sommes là , suspendus à la piqûre du Dard, à sa décision régalienne.
Epilogue provisoire : Comme dans les restaurants moyens, vous avez le choix entre fromage et dessert ici, vous pouvez choisir entre fromage de queue de lézard et sorbet de dard de guêpe: « désormais dans le maine-et-loire, les patients psychiatriques seront adressés aux urgences et aux consultations psychiatriques du CHU; ceux qui allaient dans leur secteur peuvent encore continuer, mais tout le monde sait qu’un médecin généraliste va plutôt avoir tendance à « botter en touche » vers le CHU pour un patient présentant des problèmes psychiatriques; là, l’équipe universitaire de psychiatrie choisit dans le vivier des patients adressés au CHU-je cite- « les anxio-dépressifs, les troubles liés à la consommation d’alcool, les troubles anorectiques, les suicidants, et la psychiatrie de liaison; les psychoses aigues et chroniques ainsi que les névroses décompensées sont adressées aux secteurs dont c’est la mission »(extrait d’une lettre adressée par le psychiatre universitaire au président de la CME du CHU pour y organiser la création d’un service de 10 à 15 lits avec les infirmiers [psychiatriques ou DE la lettre ne s’en soucie pas]fournis par notre établissement pour favoriser les liens forts entre le CHU et nous autres de la psychiatrie publique de secteur).
L’exclusion est donc présente à tous les étages et comme toujours, organise un monde de ségrégation; les mêmes acteurs créent dans la foulée deux structures intersectorielles pour les autistes et psychotiques « régressés » en réutilisant des locaux du CHS laissés libres par les « avancées » de la sectorisation.
En résumé : les beaux malades aigus au CHU et les vilains chroniques à l’HP. Pour échapper à cette alternative, vous pouvez vous faire réhabiliter. Ca ne vous rappelle pas une organisation de la psychiatrie déjà connue? En tout cas, moi ça me rappelle les nécropoles asilaires contre lesquelles nous avons tant lutté pour les transformer en services sectorisés à visage humain.
Je rappelle à toutes fins utiles, afin que ces collègues se reconnaissent, que le président et le vice-président de notre CME qui a piloté tout ça, sont des membres éminents du syndicat des psychiatres des hopitaux, je ne dis même plus de mon syndicat, celui auquel j’étais fier d’appartenir lorsque sous la direction de Jean Ayme, d’Hélène Chaigneau, Lucien Bonnafé, Guy Baillon, Dimitri Karavokyros et de nombreux autres, il mettait en place la seule vraie révolution culturelle psychiatrique de notre deuxième moitié du vingtième siècle, la psychiatrie de secteur.
Voilà donc l’alternative diabolique devant laquelle notre désespérance est apparue : queue de lézard ou dard de guêpe, même catastrophe annocée. Dans cette logique, je sens très fort à l’oeuvre « ce qui fait tendre les êtres vivants vers un état sans vie; la pulsion de mort ne peut se manifester seule; son travail se reconnaît, notamment au travers des contraintes de répétition, lorsqu’elle a partie liée avec Eros. En ce qu’elle tend à ramener le vivant à l’état antérieur, elle est une composante de toute pulsion. Dans cet alliage, sa tendance dominante est la dé-mixtion, la dé-liaison et la dis-sociation. »
Donc, j’accuse de lâcheté les psychiatres de la CME de mon établissement, qui ont voté majoritairement ce projet d’établissement; ce faisant ils ont vendu l’âme de la psychiatrie de secteur pour une psychiatrie de comptable, en le sachant parfaitement.
J’accuse les psychiatres universitaires du Maine-et-Loire de prendre une revanche à pas cher sur les psychiatres de secteur qui les avaient contraint jusqu’à ce jour à exercer dans le cadre de la loi sur la sectorisation, bien malgré eux.
J’accuse les administratifs d’avoir choisi l’option de la soumission au projet le plus technocratique sans même rester en position de faire respecter la loi sur la sectorisation, et de considérer l’histoire de la psychiatrie dans ce département comme un frein à toute évolution.
J’accuse enfin les psychiatres qui prétendent ce qu’ils ne font pas et ne disent pas ce qu’ils font vraiment notamment en matière de ségrégation, d’avoir cédé sur leur désir de thérapeute et de devancer la logique gestionnaire de la psychiatrie.
J’appelle, mandaté par le groupe de travail auquel j’ai participé avec Jean Oury, à des Etats généraux de la psychiatrie pour transformer les très nombreuses plaintes dont nous sommes les réceptacles en force susceptible d’organiser une résistance active et constructive à l’entreprise de destruction de la psychiatrie qui est déjà bien avancée dans les lieux dans lesquels nous travaillons. Michel Minard et Hervé Boukobsa ainsi que tout ceux qui se sentent concernés par un tel appel vont concourir à sa réalisation avant qu’il ne soit trop tard.
AVEC LES ENFANTS A RISQUE AUTISTIQUE : TRAVAIL DE SECTEUR QUAND MEME.
Voilà donc la toile de fond sur laquelle je souhaite vous parler de notre travail de secteur en ce qui concerne l’accueil des bébés et des enfants autistes, aussi précocément que faire se peut, et, vous le voyez, avec le souci de ne pas en faire un argument moderne de ségrégation déguisée. Mon idée, vous l’avez sans doute comprise, est que la pratique de la ségrégation dans les équipes de psychiatrie est le strict équivalent de celle de l’exclusion dans les sociétés occidentales; souvent maintenant, la ségrégation prend le masque de l’intersectorialité ; dans ce cas, la ségrégation des autistes devenus adultes est un projet intersectoriel qui a le vent technocratique en poupe...Mais revenons-en à notre travail de terrain.
D’abord le dispositif tel qu’il est proposé aux familles, aux médecins généralistes, aux pédiatres et à tous les professionnels de la petite enfance de notre département : un bébé présente des signes qui peuvent faire évoquer un risque autistique; son médecin l’adresse soit au CAMSP départemental, soit à l’équipe de pédopsychiatrie, rarement à un psychiatre libéral et encore quelquefois à un orthophoniste. Dans la majorité des cas, c’est au CAMSP départemental que le bébé arrive. Là, il est vu par un pédiatre qui va reprendre ou non à son compte ce risque autistique; il demandera au pédopsychiatre de son équipe son avis à ce sujet. Au cours d’une réunion de travail mensuelle que j’ai proposée de mettre en place, il y a maintenant trois ans, le pédiatre et le pédopsychiatre du CAMSP , le neuropédiatre et le pédopsychiatre de secteur, nous reprenons les dossiers de bébés à risques et réfléchissons ensemble sur les aspects nécessaires du bilan à effectuer pour tel enfant (EEG, génétique, métabolisme, etc...)( soit dit en passant, le bilan précoce diminue de façon considérable les résistances au travail psychique des parents)et puis sur le passage de relais avec telle ou telle équipe de secteur, une fois que le bilan a conclu à telle ou telle pathologie présentée par le bébé.
Pour arriver à ce dispositif apparemment simple selon la logique, il a fallu ramer pendant très longtemps et quasiment tout seul. Au début le CAMSP ne voulait pas entendre parler de la psychiatrie de secteur d’abord parce qu’elle est disqualifiée en permanence dans l’enseignement de la psychiatrie aux généralistes et aux psychiatres-c’est une idéologie de gauche-puis dans un second temps, parce que les équipes de secteur n’étaient pas encore compétentes avec les bébés en difficultés psychopathologiques. Puis ce fut au tour des pédiatres de ne pas comprendre ou accepter les enjeux du dépistage rapide, dans la mesure où les medias ne favorisent pas vraiment une image très positive de la psychiatrie publique de secteur; quant aux généralistes, nombreux sont ceux qui répondent encore à des parents inquiets des signes présentés par leur enfant, que Einstein lui, a bien parlé à cinq ans. Alors qu’on ne vienne pas les embêter avec ça. Ca va s’arranger tout seul. Je sais que certains généralistes très actifs dans les EPU, notamment, luttent contre cet état de fait, qui ne fait que rappeller une fois encore que l’enseignement de la psychiatrie et a fortiori de la pédopsychiatrie en faculté de médecine laisse encore vraiment à désirer dans maints endroits. 
Mais c’était compter sans les problèmes de la pédopsychiatrie elle-même; il a fallu là aussi attendre plusieurs années pour que devienne possible une coopération entre les deux secteurs angevins de pédo psy. Maintenant, sur ce plan là, c’est chose faite, un collègue du service voisin est notre correspondant et avec une équipe infirmière, il reçoit les bébés et les jeunes enfants à risque autistique pour les prendre en charge. Nous nous réunissons donc avec les collègues psychiatres et infirmiers des quatre secteurs de psychiatrie de l’enfant du Maine-et Loire pour échanger nos pratiques, nos réflexions et nos projets.
Maintenant que cette tablature est mise en place, il va devenir possible d’en faire un dispositif intéressant pour éviter l’exclusion des enfants autistes, leur exclusion vers le social; mais ce n’est pas parce que ce dispositif existe que les exclusions ne vont plus avoir lieu. Il en reste de multiples raisons et notamment des « raisons que la raison ne connaît pas... »; comme Jean Oury qui distingue l’aliénation sociale de l’aliénation mentale, l’exclusion peut être étudiée sous le même angle : la résistance des médecins et des pédiatres à se séparer des jeunes enfants par une difficulté à analyser un contre-transfert de type emprise/dépendance; la résistance des familles à imaginer qu’un bébé peut avoir déjà besoin d’une équipe de pédopsychiatrie pour des raisons quelquefois graves; la résistance de l’équipe de pédopsychiatrie à accueillir et à soigner des bébés à risque autistique; la difficulté à faire passer le message dans les formations des professionnels de la petite enfance, malgré un tas de déclarations de principe extrêmement favorables en apparence....sont autant de « raisons » justifiant une « exclusion mentale ». Et je ne manquerai pas de m’apesantir sur nos propres mécanismes d’exclusion mentale, sur nos taches aveugles, sur mes propres taches aveugles.
UN PEU DE SEMIOTIQUE
Mais auparavant, il faut aussi parler de la tentative de compréhension que je propose grâce au travail fait avec Michel Balat, sémioticien devant l’éternel à Perpignan. Il s’agit pour moi d’essayer d’articuler la problématique de l’autisme infantile avec le processus de sémiotisation de Her majesty the baby, afin d’y repérer ce qui s’y déroule d’analogue et aussi de différent.
Travailler la problématique du syndrome autistique dans les trois premières années de la vie d’un enfant, c’est se donner des arguments extrêmement recevables pour justifier l’importance de la non-ségrégation et donc la non-exclusion future des enfants en question : les signes cliniques sont différents d’un enfant à l’autre, les circonstances de survenue aussi, les milieux familiaux et les équipes soignantes aussi...
C’est ainsi que la problématique de l’identification adhésive normale et pathologique trouve une nouvelle possibilité d’être éclairée en corrélation avec l’accès du bébé au monde des signes. C.S.Peirce, en nous amenant à ce qu’il a appellé « sémiotique », nous a permis une avancée à ce sujet et j’aimerais vous la faire partager.
Le bébé « produit » les signes de sa vie psychique dans le cadre de l’interaction avec ses parents tant qu’il ne dispose pas d’un langage articulé dans une parole. Il peut progressivement aller vers le langage ce qui fera perdre aux signes du début de sa vie leur pertinence. Mais l’enfant autiste lui va fonctionner dans un système qui le met en situation particulière : tout se passe comme si notre petit savant autiste se livrait à des expériences sur son image du corps qu’il a bien du mal à représenter si j’en crois mes rencontres avec lui; les angoisses archaïques qui sont à la base de ses expériences vont le conduire, faute d’une empathie métaphorisante(Lebovici) à trouver « seul » les moyens de les contourner; cela constituera la base de ce que Freud nommait le moi-archaïque; mais seul avec ses angoisses et son moi-archaïque comme moyen de les contourner, autiste donc, il nous montre avec évidence que ce qui en résulte est une consommation en pure perte de son énergie psychique, sauf à accepter l’idée que la production de signes pathologiques est moins entropique que l’anéantissement, ce qui, de toute façon, laisse peu de calories psychiques pour la relation à l’Autre.
Nous avons donc un objet problématique -l’angoisse n’est pas sans objet problématique (pour paraphraser Lacan)-avec lequel l’enfant autiste entretient un rapport iconique, dont le signe est un representamen ou représentement; je propose en suivant Michel Balat, trois types de représentements : soit une angoisse dans la priméité, ton ou qualisigne(on tombe dans un trou, on s’écoule par les trous du corps...); soit un passage-à-l’acte dans la secondéité dont la particularité est qu’il a lieu sur le corps de l’enfant autiste, trace ou sinsigne, une auto-mutilation par exemple; soit un type ou légisigne dans la tiercéité, par exemple une écholalie plus ou moins différée; cette catégorie correspond pour Jean Oury à celle de l’embarras conçue comme antichambre de l’invention du concept. Au début de la vie, le bébé ne peut en aucun cas disposer d’une interprétance suffisante pour dialectiser la sémiotisation de ses objets; c’est son parent qui assure la fonction interprétante : tel signe veut dire telle objet, tel cri veut dire qu’il a soif; le travail du bébé en dérive autistique le conduit à rester dans le concret là où le bébé sans risque autistique va vers la métaphore.
Le travail de l’équipe soignante va donc être de renouer avec la fonction interprétante au sens le plus peircien possible, ce que j’ai déjà développé à Perpignan lors du colloque sur « autisme et éveil de coma ». Un bébé et ses parents sont accueillis dans une équipe qui leur propose un cadre-fonction phorique-dans lequel il vont poser leurs impasses interactives sous forme de signes; les soignants vont mettre à la disposition du bébé leur propre surface psychique-fonction sémaphorique- puis vont tenter de métaphoriser ces signes en laissant émerger un sens-fonction métaphorique-quand c’est possible. Justement, parlons-en, parce qu’il est des fois où le possible se fait longtemps désirer...
MARION
Marion est une enfant de cinq ans, qui présentait un syndrome autistique carabiné, dont elle commence à sortir grâce à tout un travail psychothérapique avec et autour d’elle. Elle a été adressée à la consultation de notre CMP alors qu’elle avait deux ans environ. A cette époque, elle se présentait comme une enfant sans langage, ne marchant pas et se mettant en pyramide sur la tête d’un côté et les pieds de l’autre(difficile autrement!); elle ne pouvait regarder l’autre qu’entre ses jambes, comme de l’intérieur d’une forteresse pas complètement vide. Née prématurée, elle manque de mourir étouffée  par sa propre langue à sa première tétée du fait d’un syndrome de Pierre Robin. Elle est rapidement gastrostomisée et nourrie par sonde jusqu’à six mois. Sa sphère orale n’est donc pas investie psychiquement à la manière des bébés comme nous l’avons fait(et dont certains continuent de montrer la qualité de leur investissement) et tout se passe comme si les sensations habituellement développées au niveau de la bouche l’avaient été au niveau de sa gastrostomie, dès lors érigée en cicatrice de son «museau amputé »(Tustin). Repensant plus tard à sa position-pyramide pliée en deux autour de la gastrostomie, son regard interjambier prenait toute sa signification : Marion nous regarde, protégée du fond de sa tente corporelle; la pyramide est l’auto-objet d’arrière plan qui rend possible un regard. Marion est donc devenue autiste. Donc, me direz-vous, est-ce donc qu’il y a un rapport de (psy)cause à effet, ou bien est-ce un syndrome qui s’est développé parce que justement la résistance des parents et celle des soignants était telle qu’elle fonctionnait comme écran à un style de communication particulier de Marion? cet exemple montre bien qu’il ne suffit pas de voir les enfants tôt pour qu’ils ne soient plus autistes : encore faut-il que les soignants acceptent cette idée insupportable de la folie possible des bébés, donc l’existence tôt de leur appareil psychique. L’expérience de Gauvin Picard avec la découverte récente de la souffrance physique des bébés est là pour nous rappeller que cette évidence n’en est justement pas une : qui de nous ne se souvient de ses stages en pédiatrie il y a encore vingt ans et des ponctions lombaires faites sans anesthésie parce que les bébés ça ne ressent pas la douleur? Et pourtant , Freud dès la métapsychologie inférait que le refoulement originaire n’était que le résultat d’une effraction du pare-excitation.
Eh bien, nous les promoteurs de ce projet de prise en charge précoce des bébés à risque autistique, nous avons mis un temps tout à fait long pour intégrer le fait clinique avéré qu’il s’agissait bien d’un syndrome autistique chez Marion, et non d’une vague dysharmonie évolutive en rapport avec l’existence d’une maladie étiquetée « Pierre Robin » associant un rétrognathisme, une ptose linguale avec une agénésie du frein de la langue et, dit la médecine, une arriération mentale fréquente. C’est peu dire que les parents ont eux aussi mis longtemps à intégrer le fait que leur fille portait autre chose que les conséquences de six mois passés chez les prématurés. C’est en reprenant l’histoire de Marion avec Catherine Druon-dont je vous conseille l’excellent livre « à l’écoute du bébé prématuré »- à l’occasion d’une formation commune avec les puéricultrices de néonatologie, que je suis allé fouiller dans son dossier de pédiatrie avec son pédiatre de l’époque; je suis tombé par terre et sur la conclusion de six mois d’hospitalisation ainsi résumée :
« Marion a eu toutes les explorations cliniques et biologiques possibles au cours de ses six mois d’hospitalisation sans qu’on puisse retrouver une quelconque étiologie; nous proposons le diagnostic de syndrome de Pierre Robin like; à noter que la maman est très anxieuse. »
Je me suis alors rendu compte que l’équipe du CAMSP avait fait tomber le « like » du syndrome en question dans ses lettres de transmission et que ce diagnostic très scientifique a fonctionné comme écran dans la rencontre avec Marion, nous empêchant en quelque sorte de la rencontrer, elle avec ses symptômes. Maud Mannoni avait déjà insisté en son temps sur l’effet du diagnostic (au sens bête et réducteur )sur l’histoire de l’enfant Ici les signes de Marion étaient certes accueillis dans notre appareil psychique désormais sémaphorique, mais notre fonction d’interprétance métaphorique était prise en otage par une aliénation au discours médicomimétique dominant dans la stratégie développée à l’époque en question pour obtenir des collègues pédiatres du CHU de soigner tôt les enfants à risque autistique. Il ne fallait en effet pas passer outre à l’aspect très scientifique en jeu. Sauf que même chez les scientifiques, l’inconscient existe, ce qui n’est pas un scoop, mais chez eux , l’inconscient est encore un artéfact plutôt que l’articulation logique d’une topique porteuse d’un sens qui veut « se faire entendre sans aller se faire voir ailleurs ».On peut tout à fait imaginer que le pédiatre consciencieux ou même in-consciencieux qui propose le syndrome-like ne dispose pas du syndrome autistique dans ses diagnostics différentiels mais que son esprit scientifique tient à signifier qu’il y a chez Marion quelque chose qui ne peut être réduit à ce qui est connu. Cela nous fait approcher de ce que les post-kleiniens ont appellé les personnalités « as if »; la différence entre le « like » et le « as », outre le fait que l’un est un adjectif ou une préposition, tandis que l’autre est une conjonction, consiste en ce que « like » fait pencher Marion vers une vraie maladie connue et estampillée alors que « as » fait aller la personne souvent très pathologique vers la normale, tout se passe « comme si » ce sujet psychotique était normal.
Cela semble loin de nos préoccupations, mais en fait révèle clairement que plus on est proche du bébé et plus l’esprit humain résiste à l’idée que le psychique peut être très tôt le lieu de difficultés in-croyables. Notre pratique nous montre chaque jour que les troubles fonctionnels du début de la vie commencent à être l’objet, pour certains médecins, d’une compréhension psychopathologique qui les autorise à adresser le bébé insomniaque ou anorectique à un pédopsychiatre avec lequel ils ont pris l’habitude de travailler, et à chaque fois, être surpris de la rapidité et de la qualité de la « guérison », mais que par contre, en ce qui concerne les troubles autistiques de la première ou deuxième année, la résistance est beaucoup plus importante.
Plutôt que de dire que les médecins généralistes et les pédiatres sont vraiment ...ce qui peut m’arriver dans certains cas !, je vous ai proposé de dire que nous, que je, suis, en tant que roi des cons, le premier à résister à cette idée inentendable : j’ai mis presque un an à réaliser que Marion présentait un syndrome autistique et je constate avec encore une fois un grand respect pour Freud, que les parents ont « soigneusement », c’est le cas de le dire, attendus dans le cadre de la relation transférentielle que mes yeux se décillent pour évoquer quand j’y étais enfin prêt, l’hypothèse de l’autisme pour leur petite fille.
Pour conclure avec la clinique je vais vous rapporter la séance d’un groupe thérapeutique hebdomadaire d’enfants autistes que je continue à faire depuis cinq ans maintenant avec une infirmière psychiatrique et une éducatrice de jeunes enfants et quatre enfants autistes. Marion vient d’être accueillie dans ce groupe depuis le mois de septembre, je n’ose dire depuis la rentrée, et y a rapidement trouvé ce que nous proposons comme règle du jeu pour son fonctionnement : plutôt que de faire des activités, nous sommes là assis en rond avec les quatre enfants et attendons que quelquechose se mobilise depuis leur « présence ». Ils se mettent alors en scène une fois que nous nous sommes tenus la main en nous disant bonjour sans oublier personne. Nous disposons d’un sac de toile qui contient quelques objets dignes d’un inventaire à la Prévert, mais sans le raton laveur : des cercles, une corde, des briques de mousse, des cubes, des poupées papa et maman et quelques enfants et bébés, des tissus et des ballons. Le sac est vidé au début de la séance souvent avec une certaine excitation ludique des enfants. Ce mercredi dernier, Marion arrive au groupe avec beaucoup d’allant; elle s’assoit et accepte facilement de tendre ses deux mains à Odette et Marie-Agnès, pour le rituel du « bonjour »; aussitôt le sac vidé elle tombe de sa chaise comme un liquide qui se répand par terre et attrape avec sa main gauche un livre en tissu très coloré et avec sa main droite une série de cylindres qui s’emboîtent par ordre croissant ou décroissant , c’est selon l’humeur. Elle tourne en même temps les pages du livre en regardant fugitivement les couleurs et réussit les emboîtements de cylindres avec une dextérité qui nous laisse pantois. Ses yeux qui pratiquent quelquefois le strabisme divergent, semblent là être au service chacun d’eux d’un hémi-corps. La mécanique s’enraye quand Marion, lâchant le livre, prend une balle de tennis à sa portée et qu’elle la coince dans le cylindre exactement correspondant; mais elle ne peut plus l’enlever et semble bien ennuyée avec cet évènement. Elle se lève et tenant dans sa main l’objet composite, va vers la porte par laquelle François est sorti pour aller faire pipi. Mais nous fermons la porte avec un coussin deux places que nous appelons le coussin-livre. Marion n’arrive pas à ouvrir la porte et s’allonge à plat-ventre sur le coussin-livre, le haut de son corps sur une « page » et le bas sur l’autre. Le pli du ventre de la gastrostomie est exactement sur la couture qui unit les deux coussins. Je lui dis que son ventre est bien au milieu et que comme ça elle peut se reposer tranquillement avec sa balle et le cylindre qu’elle tient avec ses deux mains. Elle me regarde et se lève doucement en pyramide en tenant son objet sous ses yeux qui quittent mon regard pour regarder l’objet qu’elle tient avec ses deux mains. Elle le lâche et attrape son pantalon pour le faire glisser le long de ses jambes tout en faisant des efforts de pousser; je m’approche d’elle parce que je vois son regard devenir un peu angoissé et elle pousse vers moi son objet; je le prends et lui dis : « tu veux que je t’aide à retirer la balle du cylindre » et je joins le geste à la parole. Elle me reprend la balle et le cylindre, les remet sous ses yeux et remonte son pantalon. Tout se passe comme si les objets sous le regard permettaient de théâtraliser les sensations du corps. Elle retourne vers le centre du groupe et prend le livre en tissu et tourne les pages en éprouvant la solidité de la charnière, et reste là quelques instants paisibles comme absorbée dans ses pensées. Une enfant autiste veut prendre le livre mais elle le retient puis, voyant que sa « collègue » y tient tellement, le lui laisse avec l’appui dans le regard de l’infirmière qui « bienveille » sur elle. D’autres éléments se jouent lors de cette séance mais qu’il nous suffise de ce fragment pour représenter d’une façon surréaliste pour ceux qui voient ça de loin mais oh combien opératoire pour ceux qui essayent de tenir le pari de ces expériences de construction de l’image du corps et d’identifications intracorporelles(G.Haag) que les enfants autistes réalisent avec nous; ces séquences peuvent être mises en relation avec les autres activités thérapeutiques et les temps intersticiels de ces enfants et permettre de dégager dans ces « relevés topographiques » du corps en voie de psychisation, les éléments du transfert qui les caractérisent.
Les signes de son autisme sont devenus les icônes et les indices de l’histoire et de la géographie de son image du corps
Le travail des soignants est possible parce qu’ils sont dans une attitude d’esprit qui les rend accueillant au transfert, une fois les taches aveugles repérées.
MAEVA
Par contre, Maeva vient en consultation avec sa maman à seize mois, adressée par un neuropédiatre pour un autisme, à peu de choses près, spectaculaire; sauf que quand je la reçois, je suis frappé par son regard qui, contrairement à tout le reste du tableau, est un regard d’enfant très déprimé; de plus, Maeva n’explose pas d’angoisse quand je fais irruption dans sa vie comme c’est classique dans les histoires d’enfants autistes, mais se « dégonfle » plutôt quand je vais la laisser à la fin de la rencontre, comme nous le voyons dans les dépressions. Une consultation plus tard, Maeva va beaucoup mieux et trois consultations après, elle est guérie de son autisme-il s’agissait donc d’un syndrome autistique et non d’un autisme-et développe une symptomatologie dépressive massive avec une insomnie rebelle, des troubles de la séparation et des conflits interactifs intenses. La prise en charge a donc été adaptée à cette pathologie et a permis de trouver des aménagements de nature à modifier l’ensemble de la problématique destinéale de Maeva et de sa famille; c’est bien par l’intérêt porté au contre-transfert que le diagnostic d’autisme infantile a été écarté très rapidement avec les conséquences que l’on sait; d’abord mon propre contre-transfert de consultant déjà thérapeute, puis ensuite le contre-transfert institutionnel de la constellation thérapeutique de Maeva.

CONCLUSION
En conclusion, il est important de se mobiliser dans les équipes de psychiatrie sur la nécessaire réorganisation du dispositif et la non moins nécessaire formation à perpétuité, pour aboutir à une surface d’accueil à la fois performante et non-spécifiante à un moment où la dynamique infantile reste sinon complètement ouverte, du moins riche en potentialités évolutives. Mais ce qui apparaît peut-être le plus important dans notre travail spécifique de psychiatrie, c’est le travail sur le contre-transfert individuel et institutionnel, afin de toujours pouvoir remettre en question les évidences d’où qu’elles viennent.
C’est de cette prise de position précoce et exemplaire-pas pour vous mais pour le reste de notre pratique- en ce qui concerne les enfants à risque autistique que se soutient tout l’édifice d’une psychiatrie psychodynamique centrée sur le sujet par opposition à une psychiatrie classificatrice préoccupée de la collection de ses objets à classer, et contenant en elle les germes de l’exclusion.
Sur le plan du système je rappelle donc que ségrégation et exclusion sont deux faces cachées d’un modernisme pseudo-scientifique à économico-démagogie variable, tandis que sur le plan du sujet, l’exclusion résulte du travail contre-transférentiel de nos propres taches aveugles dans la dynamique de l’accueil de l’autre; si nos filtres psychiques sont trop filtrants, c’est le transfert et le contre-transfert qui sont impossibles ou tronqués. Si donc on peut parler d’exclusion, c’est d’abord de l’exclusion des signes de singularité du sujet dont il s’agit et dans ce processus entropique, le sujet suivra ses signes en procession vers la logique des cases de l’oncle tom.juppé.
Alors je vais vous dire la différence entre la queue de lézard et le dard de guêpe, c’est que si la guêpe vous pique avec son dard, vous l’avez dans le cul, alors que si vous attrapez le lézard par la queue, elle vous reste dans la main, et là, vous avez l’air d’un con; mais l’avantage du lézard, outre qu’il n’a pas de dard, c’est que c’est lui qui perd sa queue, et en plus, il se trouve que j’aime bien, « avec mes petits mentaux(les autistes), avoir l’air d’un con, ma mère... ».


Wapi
 
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Message par Wapi » 21 Fév 2005, 10:43

Du même auteur, sans contradictions :

a écrit :PROCESSUS COGNITIFS ET PSYCHOSES INFANTILES
Pierre Delion

Résumé : La psychose infantile contraint l’enfant à des processus cognitifs spécifiques. L’objet de cet article est d’en préciser certains mécanismes psychopathologiques, et plus précisément le « processus psychotisant », à partir des nombreux travaux écrits à ce sujet dans les dernières décennies. Mais ce processus peut également être à la source de surprises inattendues que nous tenterons de présenter succintement. Enfin, des conséquences théoriques et organisationnelles peuvent en être inférées pour une meilleure approche globale, thérapeutique et pédagogique, des enfants psychotiques.

Mots-clés : Psychose infantile, processus cognitif, processus psychotisant, identification adhésive pathologique, identification projective pathologique, pédagogie institutionnelle.

Abstract : Child psychosis holds children to specific cognitive process. The purpose of this publication is to specify some of psychopathological mechanisms, and more precisely the «psychoticising process», from many recent researches. But this process may be also at the origin of unexpected surprises we will present briefly. Last, theoretical and organisational consequences are inferred to improve the therapeutic and pedagogic approach of child psychosis.

Key-words : Child psychosis, cognitive process, psychoticising process, pathological adhesive identification, pathological projective identification, institution as a pedagogy.

1. Introduction

Le processus psychotisant (pour paraphraser Jacques Hochmann avec son processus autistisant) pourrait être attribué à ce qui spécifie les mécanismes psychiques intervenant dans les psychoses infantiles, comprenant également, pour reprendre la classification française,  l’autisme infantile. Celui-ci entre en opposition avec le processus cognitif sur certains points qui vont mettre en échec ce que je propose d’appeler les possibilités d’«apprentissage-du-monde », par l’enfant qui en est le sujet. Mais si une prise en charge pertinente est mise en œuvre suffisamment tôt et intensivement, l’enfant psychotique pourra éventuellement reprendre « possession » de ses processus cognitifs, mais avec un style singulier, souvent assez loin des processus habituels. Nous allons essayer de préciser ici, à la fois les quelques éléments qui nous semblent importants dans cette singularité, mais aussi les praticables à construire pour chaque enfant, de telle sorte qu’il puisse bénéficier d’une intégration optimale.
Je propose par ailleurs au lecteur de se référer à plusieurs séries de  travaux : ceux de Claude Bursztejn 18 et de Marion Sigman sur les spécificités des capacités de symbolisation 26 et de représentation, ceux de Jacqueline Nadel sur le déficit des conduites d’imitation 19 , ainsi que ceux de Baron Cohen sur les conduites d’attention conjointe1 et le défaut de « théorie de l’esprit 14» ; Nicolas Georgieff 8 insiste dans ses recherches sur l’importance des dernières découvertes des sciences cognitives, tandis que Jean Claude Guillaume 16, Marie Michèle Bourrat 15 et Marie Luce Gibello  développent leurs théorisations à partir de leur expérience de la psychopathologie psychanalytique.

2. Le processus psychotisant est en opposition avec le processus cognitif : le bébé va apprendre en faisant des liens entre les évènements qui se succèdent dans son existence s’il peut s’appuyer sur la pensée d’un autre. Cette affirmation devenue banale, qui s’appuie sur l’étude des interactions bébé-parents, résulte pour partie de l’étude des mécanismes du fonctionnement psychique tel que la psychanalyse, mais aussi la théorie de l’attachement, nous en a permis l’approche.
En ce qui concerne la psychanalyse, il s’agit d’une théorie qui repose sur la compréhension progressive par Freud de la dynamique pulsionnelle : la pulsion libidinale est en quête de représentation pour la représenter dans l'appareil psychique, cette représentation est, au fur et à mesure des expériences de l’enfant, associée avec d’autres représentations et, par le travail psychique que le parent fait avec son bébé, des liens sont créés et intériorisés, voire introjectés, entre des éléments semblables et non semblables, contribuant ainsi à organiser la vie psychique du bébé. Celui-ci est donc en position d’être une sorte de savant qui pense le monde petit à petit, et en extrait des invariants qu’il mémorise en même temps que les parfums émotionnels qui les ont accompagnés. Ce faisant, il dispose assez vite d’une bonne bibliothèque interne dans laquelle il peut puiser les souvenirs d’expériences proches de celle qu’il est en train de vivre, et par ce biais, porter un jugement sur elles. Si la « quantité de pareil » est grande, la pensée de bébé va lui permettre de l’engrammer comme expérience n+1, venant ainsi enrichir les expériences précédentes. Sinon, cette expérience va déclencher l’angoisse du « pas pareil » qui peut déboucher sur deux types de réponses différentes : ou bien « cette nouvelle expérience est intéressante, mais de quoi s’agit-il au fond ? », ou bien, « elle est trop angoissante, elle déborde mes capacités et je n’ai pas assez d’énergie pour essayer de la comprendre ». Dans un cas, l’angoisse sert de moteur pour comprendre, dans l’autre, elle diffère voire empêche la compréhension. Là, l’expérience restera dans les limbes psychiques, sans doute psychisée par l’angoisse y afférant, mais pas suffisamment pour être « enchaînée » dans la suite des expériences précédentes. Bion parle là des éléments béta non transformés par la fonction alpha, et susceptibles de servir de « projectiles » psychiques pour la future identification projective. Si on rapporte ces réflexions à la pensée freudienne, il s’agit dans le cas de la « compréhension » possible, de lier libidinalement l’objet avec sa représentation puis les représentations entre elles. Dans le cas inverse, celui de non-compréhension, la pulsion de déliaison vient entraver le travail de lien entre ces éléments de la vie psychique, et par ce fait, empêcher la compréhension du monde. Il y a tout lieu de penser que le processus psychotisant est saturé par la pulsion de mort, et qu’à chaque fois que l’appareil psychique d’un enfant psychotique a à résoudre une équation mettant en scène un objet et sa représentation, la pulsion de mort intervient dans le rapport entre les deux et le délie s’il était lié, l’empêche de se lier s’il ne l’était pas déjà.
« La construction des structures cognitives a valeur adaptative mais aussi défensive. La pensée construit et maîtrise le réel, mais aussi met à distance le pulsionnel. Activité de liaison, elle est au service d’Eros. Mais lorsqu’elle parvient à un système d’équilibre trop stable, il ne s’agit plus que de l’équilibre mort de l’inanimé. Toute tension se trouvant réduite avant que de pouvoir surgir, c’est Thanatos qui triomphe. » 22
L’enfant psychotique en vient donc à trouver dans les moyens du corps, la seule solution qu’il ait à sa disposition pour conserver malgré ce travail psychique de déliaison qu’il porte en lui, un rapport avec l’objet : le contact direct avec lui par le toucher et leur régulation par le tonus. La théorie de l’attachement, en mettant l’accent sur l’importance de ces premiers contacts entre mère et bébé, permet de compléter les apports psychanalytiques d’une façon très féconde. D’ailleurs, l’antagonisme entre ces deux approches ne me paraît plus de mise aujourd’hui. Déjà Melanie Klein démontrait que « le sein peut satisfaire des besoins qui, tout en demeurant d’essence orale, débordent largement l’ingestion de lait et le but de succion, et qui sont de l’ordre de la relation d’objet : gratification et amour, intimité physique avec la mère au cours de la tétée, et ainsi  augmente la confiance dans le bon objet. Ces besoins objectaux s’expriment dans la recherche de sensations liées au contact corporel : odeur, chaleur, douceur. De telles idées doivent être soulignées parce qu’elles précèdent de cinq ou six ans la publication de l’éthologiste Harlow et celle du psychanalyste Bowlby sur la théorie de l’attachement » 23. Ce contact me semble comporter deux types différents de statuts psychiques : un statut archaïque et un statut proto-psychique. Le statut archaïque concerne ce que les post-kleiniens décrivent sous le terme d’identification adhésive 2  pathologique. L’agrippement décrit par Imre Hermann 12 et l’école de Budapest, est en continuité avec cette identification adhésive. Nous pouvons penser qu’elle s’enracine dans le fonctionnement neurologique archaïque, celui décrit précisément sous la rubrique des réflexes archaïques. Il est ainsi décrit un grasping qui concerne le réflexe que fait la main dans la première année de bébé dès qu’elle est excitée par un objet en position d’être pris. Pour le bébé, il n’y a pas de choix : si le médecin passe son index dans la paume de l’enfant en allant vers l’extrémité des doigts, sa main se referme « comme si » elle voulait prendre l’index. Il y a lieu de penser que ce premier contact avec le monde du dehors est pour le bébé une première manière de structurer son rapport aux objets. Ce grasping est accompagné psychiquement de l’identification adhésive. Puis le bébé découvre la profondeur, la troisième dimension ; il peut progressivement prendre l’objet dans sa main quand il le décide, et non plus d’une façon réflexe. Il y a donc un espace où les objets sont posés, un outil pour les prendre et les garder ou les lâcher. Ce faisant, le bébé est en demeure de se représenter l’objet qu’il ne tient pas. Là, il va s’appuyer d’abord sur les sensations en rapport avec l’objet qu’il tient et lâche ; parmi ces sensations, le « contrôle tonique » semble l’instrument de la régulation (Bullinger 3). Nous sommes là dans le proto-psychique. La projection est alors possible puis nécessaire.
Mais imaginons que pour des raisons de divers ordres, le bébé soit contraint de rester à fonctionner en « mode grasping », son rapport avec la représentation de cet objet ne l’incitera pas à le psychiser. Inversement, si ce bébé a des difficultés à psychiser, la seule solution pour conserver quelque souvenir de l’objet consiste à le garder dans le contact réel de sa main. Or la difficulté à psychiser est en rapport avec l’irruption des angoisses archaïques dans l’ébauche de l’appareil psychique de l’enfant. Je ne serais pas loin de penser que le concept de dysharmonie cognitive défini par Bernard Gibello comme une « anomalie permanente de l’organisation de la pensée rationnelle servant de défense contre des angoisses archaïques chez des sujets non débiles »[9] résume le statut de la pensée dans la prise que l’enfant psychotique exerce sur le monde. Nous pouvons donc en inférer que le contact maintenu, entre l’enfant et un objet, mesure sa difficulté à se le représenter et donc à s’en séparer. Sa pensée est le contact avec l’objet. Je ne peux détailler ici la théorisation par Jacques Schotte 21 du Vecteur Contact 25 Szondien, mais la lecture de ses travaux peut être d’un apport considérable dans ces recherches.
L’autisme est l’exemple dans lequel ce contact est maximal avec un objet dit autistique qui, à défaut d’être représenté, doit être présent, sous peine de « tantrum ». La psychose symbiotique décrite par Margaret Mahler est un autre exemple dans lequel l’objet maternel est « l’objet » difficilement représentable, qu’une séparation non supportable par l’enfant, met en évidence.
La psychose laisse à l’enfant la possibilité de projection de ses objets, mais dans certains cas, ces objets vont ainsi devenir persécutifs. Entrés dans les limbes psychiques du psychotique, sans pour autant être représentés valablement, ces objets doivent être frappés d’expulsion, et c’est le début de la persécution, puisque ce mauvais objet projeté dans un extérieur ne peut que déclencher en retour des choses mauvaises pour celui qui a tenté de s’en débarrasser. Ce mécanisme de l’identification projective pathologique a été décrit par Melanie Klein 17 à partir des travaux d’Abraham et de Freud, mais aussi de ce fameux roman de Julien Green 10, Si j’étais vous. Le roman plus récent de René Beletto, La machine, est également une très bonne illustration de cette pensée psychotique si particulière. Dans ce fonctionnement psychique particulier, la possibilité d’admettre des contradictions dans la pensée se résout par l’expulsion de ce qui, dans la pensée, est indésirable. Mais c’est aussi la possibilité de s’échapper de soi-même en se projetant dans un autre qui, non seulement vous accueille en lui, mais tombe sous l’emprise de celui qu’il reçoit. Il y a donc loin de l’acceptation du principe de réalité en tant que garant d’une « pensée non psychotique » du monde, une pensée nuancée de la complexité 5. Et je ne détaillerai pas ici en quoi cette pensée non psychotique du monde n’est possible que parce qu’elle est dialectiquement liée à ce que Freud a conceptualisé sous le terme de refoulement originaire. Les enfants psychotiques, eux, sont justement amenés à utiliser les mécanismes de l’identification projective par défaut.
Nous pouvons ainsi décrire un gradient qui va d’une pensée autistique dans laquelle les mécanismes d’identification adhésive pathologique prédominent, à une pensée psychotique dans laquelle ce sont les mécanismes d’identification projective pathologique qui prévalent, puis à une pensée névrotique dans laquelle le fonctionnement des processus cognitifs de l’enfant peut représenter l’objet et entretenir avec lui un rapport symbolique, et donc son entrée possible dans la pensée complexe.



3. Le « processus psychotisant » peut être amené à faire un compromis avec le processus cognitif et laisser émerger des surprises singulières.

« Alors même qu’il renonce aux codes en vigueur, l’enfant psychotique se construit un code privé, un cheminement personnel qui, de manière souvent inattendue, le conduit à la solution de problèmes complexes. » 13
La difficulté d’articulation avec la fonction symboligène n’a pas que des aspects négatifs ; elle est, chez l’enfant psychotique, productrice d’originalité. Il serait intéressant d’approfondir et de reprendre les histoires de quelques personnages célèbres et dont le parcours post-autistique 24 ne fait que peu de doute : Glenn Gould, Thelonius Monk et Ludwig Wittgenstein 7. A titre d’exemple, je m’attacherai au premier.
Ce pianiste absolument génial ne peut jouer Bach, et tous les autres musiciens qu’il a interprété, que s’il connaît la partition par cœur. Comment s’y prend-il ? Il la lit une seule fois. Une fois qu’il l’a lue, il la retient définitivement. Voici déjà un signe d’hypermnésie qui ne fait pas de doute. Mais, dans les émissions qu’a réalisé Bruno Monsaingeon à son sujet, il est frappant de voir comment cet artiste, assis sur son tabouret percé dont il ne peut pas se séparer sous peine de ne pouvoir jouer en concert, construit entre ses yeux, le clavier et les doigts qu’il lui abandonne, un rapport très inhabituel qui fait penser à un Gulliver penché sur son monde miniature dans lequel le piano figure un jardin « en blanc et noir », et  qui alternativement enchante Gould par les promenades que « des » doigts font sur le clavier ou l’effraye par les fugues qu’ils pourraient entreprendre, montrant ainsi une disjonction dans le voir au bénéfice d’une conjonction dans l’entendre. Enfin, lorsque Gould joue les polyphonies les plus difficiles, il est capable, et c’est un des seuls, de lier une partie de son jeu de main à une voix, l’autre à une autre, et ainsi de suite, d’une façon qui met en lumière le chant de chacune des parties, plutôt que l’harmonie de leur articulation. D’une certaine façon, il est à lui tout seul, les quatre voix(cinq voix lorsqu’il joue de l’orgue) de la partition qu’il joue, et tout se passe comme s’il avait attaché une de ses nombreuses mains potentielles à une seule voix. Ce génie représente à mes yeux une forme cicatricielle de pensée autistique appelée par Tustin, pensée post-autistique.
Mais les enfants que nous soignons nous montrent également les mécanismes spécifiques de leurs processus cognitifs. Pierre A., est un enfant autiste qui a acquis le langage assez tardivement, et dont le comportement était compatible avec l’intégration scolaire. En grande section de maternelle, l’institutrice nous apprend lors de la dernière réunion de synthèse de l’année, qu’elle a bien réfléchi avec son équipe pédagogique, et que la meilleure solution pour Pierre était de faire une nouvelle grande section, ou bien alors de le faire passer en classe de perfectionnement en raison de ses difficultés de compréhension et d’attention. Nous discutons pas à pas avec elle, et les parents présents à cette réunion prennent plutôt le parti de faire passer leur fils en CP. Pierre ne dit mot, et semble croiser le regard de la maîtresse avec un regard vide. Lorsque nous proposons d’aider Pierre dans ce passage en CP, en instituant avec lui, outre sa prise en charge thérapeutique, un travail hebdomadaire avec l’institutrice spécialisée de notre service, sa maîtresse accepte son passage en CP. Lors de la rentrée suivante, une nouvelle réunion doit avoir lieu au bout de quelques semaines pour faire le point de sa situation, et signer ensemble le contrat d’intégration scolaire. Le lendemain de la rentrée, la nouvelle maîtresse appelle notre institutrice spécialisée pour lui demander comment elle  a fait pour que Pierre sache lire dès la rentrée. A la consultation avec les parents, nous apprenons que Pierre a regardé avec son papa l’émission « les chiffres et les lettres », et que ce seul « devoir de vacances » lui a permis d’apprendre à lire. Pierre est actuellement en CM2 et continue de faire des progrès tout en conservant le style et les spécificités de la pensée autistique.
Arthur présente une psychose infantile. Lors de ses séances de psychothérapie, il me fait des dessins qui représentent un garçon en train de tirer sur une cible avec un arc, ou un fusil. La cible est représentée de telle manière que j’y vois très nettement un œil. Il fait ensuite un trait qui part de la cible-œil et rejoint le fusil ou l’arc que le garçon tient dans sa main. Mais ce qui est particulier est que le fusil ou l’arc sont dirigés vers le garçon et tout se passe comme si la balle ou la flèche partait de la cible-œil, passait par l’arme et venait tuer le garçon. D’ailleurs quand le projectile-c’est le cas de le dire-atteint le garçon, il tombe lui-même en réalité par terre, et fait le mort dans la séance. Le travail psychothérapique va lui permettre de garder en lui un peu de ces mauvais objets, et de nuancer à la fois ses dessins mais aussi et surtout son comportement. Ses apprentissages vont aussi nous renseigner sur ses processus cognitifs. En effet, les lettres de l’alphabet sont l’objet de projections terrifiantes pour certaines, et il les lie alors entre elles pour qu’elles ne quittent pas le plan de la feuille sur laquelle il apprend à lire. Moyennant quoi il ne peut décontextualiser ni les lettres ni les syllabes pour réarticuler sa tablature interne et s’appuyant sur elle, lire les textes qu’il aimerait pourtant tellement lire. Et puis un jour son institutrice découvre qu’il lit pratiquement tout seul des histoires nouvelles. Après analyse fine de sa technique « autodidacte », il nous apparaît clairement qu’Arthur a mis au point une « méthode hyperglobale », avec laquelle, « l’instant de voir », il saisit les quelques lignes de toute la page et peut lire ce qu’elle contient. Au moins, pendant qu’il lit le haut, le bas ne peut-il pas venir le mordre et le déchirer, et inversement ; il maintient ainsi à la bonne distance pour lui un peu du mauvais qu’il y a projeté.

4. Conséquences théoriques et organisationnelles
Si donc le processus cognitif est rendu difficile par le processus psychotisant, il convient d’en étudier les conséquences sur le plan des dispositifs de soins mis en œuvre auprès des enfants psychotiques. Je reprends à mon compte les quatre points formulés par Charvit et Cervoni pour étayer une réflexion sur l’échec scolaire des enfants psychotiques : « importance accordée aux qualités du cadre ; intérêt offert par les activités partiellement ritualisées ; assouplissement du système d’évaluation ; nécessité d’accompagner le développement global de l’enfant. » 4  Je propose de les aborder tant sur les plans théorique qu’organisationnel.

4.1. Théorique : il ressort de cette étude que le processus cognitif nécessite chez l’enfant une disponibilité d’esprit minimale pour produire les effets qu’on attend de lui sur sa pensée. Le temps pour penser est « prélevé » sur le temps global que l’enfant entretient avec le monde dans la construction de ses objets externes et internes. Ce temps se soustrait du temps pendant lequel l’enfant est soumis aux tâches à remplir pour satisfaire à ses besoins immédiats, parmi lesquels, le désir d’être aimé n’est pas négligeable. Nous avons vu que dans le cas de la psychose, le rapport avec la réalité est très consommateur d’énergie, dans la mesure où il n’est jamais le résultat d’une évidence, mais que l’enfant est soumis, à chaque pas, à la rencontre avec les angoisses archaïques. Cette perte de l’évidence naturelle, déjà décrite avec les schizophrènes adultes par les phénoménologues, amène le psychotique à lui consacrer une grande quantité de son énergie psychique, et la pensée du monde en est d’autant privée. Il en résulte une déficience mentale spécifique, qui n’est pas un manque d’intelligence, mais plutôt comme dysharmonie cognitive, le résultat d’un épuisement des réserves d’énergie psychique.
Dans ces circonstances, il apparaît utile pour ces enfants de les amener à faire diminuer l’efficacité de leur processus psychotisant, et notamment en les amenant à des rapports tangentiels avec le monde, diminuant d’une façon significative leur niveau d’angoisse archaïque.
Notre stratégie thérapeutique consiste à organiser les soins autour d’ateliers thérapeutiques au cours desquels l’enfant peut mettre en scène ses angoisses archaïques en présence des soignants. Les différents niveaux topiques qui ont été proposés pour aborder avec lui ces angoisses sont en rapport avec une approche de l’image du corps, et plus précisément en ce qui concerne les enfants autistes et psychotiques, avec la grille de repérage clinique mise au point par Geneviève Haag, Sylvie Tordjman, (et coll.) 11. Le niveau de récupération de la première peau psychique, le travail sur les clivages vertical et horizontal, la séparation-individuation, sont ceux que nous avons retenus pour l’organisation de soins spécifiques tels que le packing, la pataugeoire, l’atelier-conte, la psychothérapie psychanalytique individuelle et/ou de groupe, etc…
Les processus plus spécifiques d’identifications psychotiques, tels que l’identification adhésive et l’identification projective pathologiques, peuvent faire l’objet d’activités thérapeutiques centrées sur leurs particularités, et ainsi permettre les proto-sublimations possibles. Tel enfant présentant une identification adhésive pathologique prévalente, peut être invité à participer à une activité thérapeutique packing, escalade ou peinture ; ces activités particulières peuvent mettre directement les angoisses en rapport avec ce type de fonctionnement en continuité avec les processus de psychisation qui y correspondent.
Toutefois, nous tenons à ce que la thérapeutique soit nettement distinguée du pédagogique quand c’est possible, de telle sorte que l’enfant psychotique puisse investir le cadre des soins d’une façon différente de celle de la pédagogie.

4.2. Organisationnel : mais cette description du processus psychotisant ne saurait avoir lieu sans entraîner des conséquences pratiques pour les enfants pris en charge. Dans le cadre de la psychiatrie de secteur qui organise la psychiatrie en France, et plus précisément en ce qui nous concerne, la psychiatrie infanto-juvénile, des stratégies thérapeutiques doivent être mises en place pour chaque enfant, qui visent à lui confectionner un « costume sur mesure » articulant entre elles les dimensions thérapeutiques et pédagogiques.
La dimension thérapeutique vise à offrir à cet enfant tout ce qui lui permet de travailler sur les angoisses psychotiques dont il est le sujet, et encore plus souvent l’objet, et sur les moyens de défenses qu’il peut, dans la relation thérapeutique, mettre en œuvre avec les soignants, pour les surmonter. Il est bien entendu que ces défenses sont opposées à celles qu’il avait trouvé lui-même, et qui avaient eu pour conséquences, dans la plupart des cas, de mettre en péril son appareil psychique et son appareil à penser les pensées. Il s’agit en quelque sorte de retrouver avec lui le chemin des sublimations.
La dimension pédagogique vise, elle, à offrir à l’enfant une possibilité d’accéder aux acquisitions de la vie quotidienne, de la vie sociale et partant, de la vie intellectuelle. Si les espaces thérapeutiques doivent être symboliquement séparés des espaces pédagogiques, les thérapeutes et les pédagogues doivent entretenir des rapports qui rendent possibles les échanges entre eux sur les avancées, les difficultés et les stagnations des enfants psychotiques.
Cette articulation qui ne va pas de soi, est souvent difficile à réaliser et amène à bien des aménagements des dispositifs institutionnels. En effet, l’enfant doit sentir dans ce dispositif une continuité d’être tout en expérimentant une discontinuité des espaces d’accueil. Les expériences antérieures qui consistaient à proposer à l’enfant un établissement à temps complet prétendant à s’occuper de tout ce dont il avait besoin ont fait long feu, et les dérives totalisantes qui en ont résulté ont suffisamment montré qu’il s’agissait d’une fausse route. Par contre, les systèmes d’accueil thérapeutique à temps partiel, articulés avec des classes plus ou moins spécialisées à temps partiel également, ont montré qu’elles permettaient à l’enfant de construire une tablature d’espaces articulés propice à représenter, dans leur géographie quotidienne, les représentations avec lesquelles ils sont justement en délicatesse sur un plan symbolique.
Il me semble important de rappeler les classes dites de « Pédagogie institutionnelle 20 », proposées par Fernand Oury et le courant qu’il a animé à la suite des travaux pédagogiques fondamentaux de Célestin Freinet. Il y aurait également lieu de reprendre en détail les travaux de Maria Montessori, de Makarenko à la Colonie Gorki, de Janusz Korczak, …Et pourtant, il est de bon ton de considérer qu’une telle approche de l’éducatif est obsolète ; c’est faire preuve de légèreté, car si l’on fait l’effort de regarder de près ces techniques, elles se révèlent de très bonnes conceptualisations de tout ce que nous venons de tenter de définir comme nécessaire pour la reprise des processus cognitifs chez l’enfant psychotique.
Il y a donc lieu à ce titre de favoriser toutes les expériences qui concourent à ce dispositif, et de faciliter leur promotion sur le plan administratif. Il ne serait pas admissible que sous les prétextes de doubles prises en charge, les enfants psychotiques n’aient pas les soins et la pédagogie auxquels ils ont non seulement droit, mais aussi dont ils ont besoin pour leur survie psychique.  Il serait encore moins admissible que les thérapeutes et les pédagogues ne réalisent pas les conditions de leur rencontre sous divers prétextes, dont l’application, par chacun des intervenants, de sa méthode sans concertation avec l’autre, est la caricature la plus préjudiciable au maintien d’une vision psychodynamique de la psychopathologie.

En guise de conclusion, il me semble important d’insister sur deux aspects déterminants dans ce domaine : les parents et la prévention.
Les parents doivent être associés d’une façon étroite dans l’organisation des soins de leur enfant. Des entretiens réguliers sont nécessaires, non seulement avec les soignants mais également avec les pédagogues, soit ensemble, soit séparément suivant les problèmes à étudier avec les parents. Il nous a semblé utile de pratiquer des réunions de parents permettant de travailler à partir de leurs expériences chronologiquement différentes, les acceptations progressives par les parents des difficultés présentes et à venir, en s’appuyant sur les expériences du passé. Nous avons également mis au point des réunions de fratrie(Martine Charlery), car les frères et sœurs des enfants psychotiques ne sont pas indemnes de souffrances dont il y a lieu de tenir le plus grand compte.
La prévention et le dépistage précoce des troubles autistiques et psychotiques en concertation avec les professionnels de la petite enfance et particulièrement avec les pédiatres peut donner des résultats très intéressants pour les enfants et leurs parents. Un des aspects qui nous est apparu le plus notable dans notre approche de ce nouveau dispositif de dépistage mis en place à Angers 6, est la diminution très grande des résistances des parents au traitement psychothérapique, dans la mesure où le dépistage est suivi d’un bilan organique le plus pertinent pour cet enfant au vu de ses signes d’appel, et d’une proposition de soins pédopsychiatriques dans la suite immédiate de ces premières rencontres. 
Gageons que la réflexion entreprise ces dernières décennies autour de la psychose infantile, les moyens organisationnels qu’elle a engendré, et la formation des soignants qu’elle a permise, concourre à diminuer les conséquences inopportunes du processus psychotisant sur les processus cognitifs de l’enfant psychotique.
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21 - Penser la psychiatrie avec Jacques Schotte, (Delion, P., dir.) Inf. Psy., 1999, 6.
22 - Perron, R., L’information psychiatrique, vol.53, 9, 1977, p.1061.
23 - Petot, JM., Melanie Klein, le moi et le bon objet, Dunod, Paris, 1985, pp.219-220.
24 - Plus précisément, nous pouvons évoquer ici le syndrome d’Asperger.
25 - Schotte, J., Le contact, De Boeck, Bruxelles, 1990.
26  -  Sigman, M., Ungerer, J., Sensorimotor skills and language comprehension in autistic children, J Abnorm Child Psychol, 1981, 9 : 149-165.




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