par yvonne » 17 Fév 2010, 18:36
Pourquoi dis tu "les petits producteurs de lait" ??
Rien ne semble petit chez nous, sauf les résultats comptables qui sont négatifs.
Un producteur de lait n'est pas forcément l'image que vous en avez. Nous avons une stabulation récente (aux normes bien évidemment), un troupeau de 60 vaches pour 400.000 L de lait, une soixantaine d'hectares que nous louons et que nous exploitons pour fournir le fourrage à nos animaux et cultiver des céréales, 3 tracteurs (plus ou moins gros) pour les différents usages (pas pour la parade), un poulailler de 1000 m²... et bien sur, l'endettement qui va avec (si nous avions pu faire à moins, nous l'aurions fait, qu'on se le dise !).
Vu de l'extérieur, cela parait un bel outil ! Et pourtant, malgré ce semblant de technologie notre main d'oeuvre reste indispensable. Pour nous, c'est environ 50 heures de travail en moyenne avec mon mari (moi 40 et lui 60 je m'occupe aussi de l'administratif que je ne compte pas comme du travail effectif et pourtant nous sommes noyés sous la paperasse !) Le dimanche, on se lève 1 heure plus tard et on essaye d'avoir 3 ou 4 heures de libres l'après midi avec les enfants.
Vu de l'extérieur, notre vie pourrait être enviée. Bien sur, nous travaillons pour notre compte (personne ne voudrait de nos résultats et de nos contraintes).Nous vivons à la campagne, au milieu de nos animaux. Les nuits sont entrecoupées de vêlages, du réveil de l'alarme du poulailler, d'enlèvements de volailles (c'est de nuit et à la main).
Jusqu'à l'an dernier, nous dégagions un revenu de 2800 euros par mois (je vous rapelle pour 50 heures de travail semaine chacun (soit 6.46 € de l'heure !!!), sans WE, sans vacances et des risques économiques énormes : perte de cheptel, défaillance du matériel, risques sur les cultures). Le lait nous était payé à 0.33 € le litre. La volaille ne nous rapporte rien ! Nous arrivons à peine à rembourser le prêt sur le poulailler (si nous n'avons pas de déboires en cours de lot !).
Mais nous ne nous plaignions pas. C'était notre choix de vie, celle de nos parents, celle que nous avons toujours connue (le travail et les joies simples de la campagne). Nous assumions nos choix tant que nous pouvions en vivre, nous espérions des jours meilleurs !
2009, c'est le début de notre galère. Le lait ne nous est plus payé que 0.27 € le litre, soit 24.000 € de revenu en moins ( 2000 € par mois).
Le prétexte des industriels c'est qu'ils peuvent importer du lait à 0.21 € (merci messieurs de votre générosité !!). En attendant, dans le commerce, aucune répercussion. Nous avons fait la grève du lait... nous attendons la suite.
Je suis complètement découragée. Certaines nuits sont très longues (et très noires) et nous ne voyons pas comment nous allons pouvoir boucler les prochains mois. La faillite nous guette. Pour nous, pas question de fermer la porte et d'aller pointer aux assedic. Nous perdrons tout : maison, capital, etc... . J'irais bien travailler à l'usine de volailles à côté, mais la charge de travail serait trop grande pour mon mari seul sur l'exploitation.
Ne croyez donc pas que seuls les petits paysans ne s'en sortent pas. Tous nous sombrons : laitiers, porchers, volaillers, maraichers.... pour que nos industriels, nos distributeurs puissent se goinffrer de fric.
Nous demandions juste à vivre de notre travail. 2800 € par mois (1400 euros chacun, pour 60 heures de travail... ce n'était pourtant pas exagéré !). Mais il parait que nous sommes de gros paysans, toujours à nous plaindre et à réclamer des aides : JAMAIS NOUS N'AVONS VOULU CELA !
On nous promet en plus une retraite à 65 ans... Peu d'entres nous en profiterons !
Voilà la France de Monsieur SARKOSY : tout pour son électorat ,les nantis du Fouquet's, les stars de la chanson, du ciné, les footballers (dont il critique les revenus mais auxquels il apporte son soutien lors des matchs : jamais il n'a consenti à descendre dans une ferme depuis un an que nous hurlons notre détresse pour connaitre les dures réalités de notre métier). Vu de sa fenêtre, nous sommes des bouseux incultes, juste bons à traire des vaches, à hurler dans les rues à côté de nos tonnes à lisier....
Non Monsieur SARKOSY, nous sommes des hommes et des femmes pleins de fierté, chargés de faire prospérer l'outil transmis par nos parents, étranglés par des industriels véreux et mahonnêtes. Le noble produit que nous leur fournissons est tellement trafiqué qu'il n'a plus du lait que le nom.
Nous sommes dans la même galère que les ouvriers de ces usines délocalisées dans le seul intérêt du capital. Pour leur seul profit, toujours plus, au sacrifice de la vie des travailleurs de notre pays. Les travailleurs sont devenus une variable d'ajustement dans l'intérêt du Cac40.