Nous nous sommes fait respecter

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Nous nous sommes fait respecter, nous saurons les faire reculer

Au matin de la journée de manifestations du 28 octobre, télévisions comme radios étaient unanimes pour enterrer, une fois de plus, le mouvement. Elles ont toutes annoncé l’échec de la journée. Eh bien, même s’il y avait un peu moins de monde, cela n’a pas été un échec ! La propagande gouvernementale s’est retournée contre ceux qui l’ont inspirée. Elle a convaincu les hésitants que, même si le gouvernement a réussi à faire voter sa loi contre les retraités par deux assemblées à sa botte, il fallait rejoindre les manifestations et que c’était une question de dignité.

Le gouvernement a eu le vote qu’il voulait. Mais il ne l’emportera pas au paradis. Infiniment plus important que ce vote par des notables aussi obéissants au pouvoir qu’hostiles à ceux qui travaillent et les font vivre est le fait que les travailleurs ont relevé la tête. Ils montrent depuis plusieurs semaines qu’il faut compter avec eux.

Tous les travailleurs savent depuis le début que la loi contre les retraités est injuste. Tous les travailleurs savent que pour ceux d’entre eux qui seront encore en activité à 60 ans, leur imposer deux ans d’usure, d’exploitation de plus est une infamie. Ils savent aussi que nombre d’entre eux auront perdu leur emploi avant 60 ans et que pour eux, la nouvelle loi signifiera une pension amputée.

Le gouvernement est quand même passé en force, montrant par là qu’il n’a que faire de l’opinion de la majorité. Il n’y a pas à s’en étonner. Le gouvernement agit sur commande du grand patronat. Mais il se garde de fêter trop bruyamment d’avoir fait voter sa loi. Il sait que, si le mouvement n’est pas encore suffisant pour le faire reculer, le rapport de forces est en train de changer.

Des centaines de milliers de travailleurs, trois millions au total, ont participé au mouvement sous une forme ou une autre et en sont fiers. D’autant plus fiers qu’ils savaient qu’ils avaient la sympathie de la grande majorité du monde du travail. Ils ont entrevu la puissance collective des travailleurs.

Se retrouver ensemble, travailleurs du public et travailleurs du privé, ceux des grandes entreprises comme ceux des petites, est la démonstration que le corporatisme n’est plus de mise. Les cheminots comme les travailleurs des raffineries, qui ont été aux avant-postes des grèves, se sont battus pour des objectifs communs à tous. Cela leur a valu la sympathie de tout le monde du travail.

Tous les travailleurs sont attaqués par le patronat et le gouvernement. C’est ensemble qu’ils peuvent se défendre et contre-attaquer.

Ces attaques ne portent pas seulement sur l’âge de départ à la retraite. Il y a tout le reste : les licenciements, la montée du chômage et de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat. Il y a les mesures d’austérité, celles déjà annoncées et celles encore à venir. Toutes ces mesures ont en commun d’aggraver les conditions d’existence des salariés pour arroser d’argent les banquiers et toute la classe capitaliste afin qu’ils continuent à s’enrichir malgré la crise, malgré la pauvreté croissante.

La lutte sur tous ces terrains ne peut être qu’une lutte politique opposant les travailleurs non seulement à leurs propres patrons mais aussi à l’ensemble du patronat et au gouvernement qui le représente. Une des principales leçons du mouvement est là : même s’il n’a pas été assez puissant cette fois-ci pour faire reculer le gouvernement, c’est de cette façon que nous pourrons les faire reculer. Et cette leçon vaut pour tous les gouvernements quelle que soit leur étiquette.

Oh, bien sûr, le Parti socialiste cherchera à détourner la prise de conscience de cette réalité. Mais il ne suffira pas, en 2012, de remplacer à la présidence Sarkozy par un Strauss-Kahn ou une Martine Aubry pour que le patronat cesse d’exiger du gouvernement de mener la politique qui lui convient. Et le Parti socialiste au gouvernement n’a jamais su ni voulu s’opposer au grand patronat pour défendre les intérêts des travailleurs.

Mais les travailleurs peuvent infléchir la politique du gouvernement quel qu’il soit, directement par en bas, par leurs propres moyens, par les manifestations et par les grèves.

Le mouvement actuel n’est pas une fin mais un commencement. D’autres luttes sont inévitables car ni le patronat ni le gouvernement ne nous laissent d’autre choix. Et les leçons de septembre-octobre nous auront servi pour que la lutte soit, chaque fois, plus consciente et plus ample. Alors, même si la loi sur la retraite a été votée, la journée de manifestations du samedi 6 novembre doit être largement suivie. Dans cette jungle qu’est la société capitaliste, on ne se fait respecter qu’en montrant sa force. Nous commençons à nous faire respecter.

Arlette Laguiller

[luc marchauciel]

Excellent texte.
Je partage beaucoup plus ça que ce que racontent mes potes du NPA (qui ont l'air de vouloir une fois de plus nourrir des illusions)
Voir par exemple l'interview d'OB dans le Parisien :
http://www.leparisien.fr/politique/besance...010-1130411.php


ça, par exemple, ça me semble pas crédible (notamment la deuxième phrase, qui a un petit côté Elisabeth Teissier) :

La bataille du retrait n’est pas terminée. Il y aura plus de monde dans la rue le 6 novembre que jeudi dernier. Entre-temps, il va y avoir la rentrée des classes, donc peut-être la rentrée des grèves.

Je constate que sur l'analyse des luttes aussi, c'est en ouvrant le canard de LO que je retrouve ce que je pense.

[Zelda]

Juste une petite chose Luc : c'est pas très juste de comparer un texte produit en toute tranquillité et indépendance par une organisation, et un journal (on aurait dit bourgeois en d'autres temps et on aurait eu bien raison), le Parisien, où un individu, même porte-parole du parti réagit à un certain intervieweur, sans compter que le journaliste peut aisément transformer un conditionnel en futur, ou volontairement omettre un "peut-être" ou un "sans doute", et transformer un Olivier Besancenot en Elisabeth Tessier... :hinhin:

A part ça je ne sais pas ce que produisent le NPA comme communiqué ou articles de journaux ces jours-ci, mais il vaudrait mieux partir de ça pour comparer.

[luc marchauciel]

Tu as évidemment raison, Zelda.
Mais comme j'ai beaucoup de conversations avec les copains du NPA, je sais que le Parisien n'a pas trahi leur pensée.
Mais quand même, t'as raison sur le fait que les deux ne soient pas comparables.

[Gaby]

Impeccable texte. Chaque ligne sonne juste.

Luc, pleins de militants au NPA ne se racontent pas des histoires et ont senti le changement de climat...

[John Connor]

J'ai du mal à comprendre les "illusions" dont tu accuses des militants du NPA d'être victimes, Luc.

L'édito de LO est très clair sur le sujet : pas une fin mais un commencement, appel à participer à samedi...

Il ne fait justement aucun pronostic sur un rebond du mouvement ni sur sa date, c'est en cela qu'il est bien. Il laisse ouvert la possibilité que ça reparte dans pas trop longtemps. En tout cas il se positionne clairement pour ça.

Si tu militais sur un lycée ou une fac, tu annoncerais que c'est plié, que ça ne sert à rien de se mobiliser ? Je suis sûr que non...

Les militants d'extrême-gauche disent et ils ont raison que la bataille n'est pas finie, qu'on n'a perdu qu'une manche, que le vote de la loi n'est un obstacle que dans les consciences (et encore...) et que de toutes façons la manche passée a soulevé des tas de problème que la CO devra régler (salaires, emplois).

Même chez les cheminots, dans bien des coins où le travail a repris, il existe une volonté de rester mobiliser. Plus en grève certes, mais en continuant à se voir entre participants aux AG ou aux actions interpro. Il faudrait leur expliquer doctement que ce n'est pas la peine, que c'est plié ? Je polémique un peu bien sûr...

[luc marchauciel]

Je milite dans un collège, on a repris le boulot aujourd'hui, et je n'ai pas proposé à mes collègues de poursuivre la grève reconductible qu'on avait menée avant les vacances. Parce que je veux rester crédible.
Sauf miracle (et je crois peu aux miracles), il n'y aura pas de retrait de la loi sur les retraites, il me semble resposable d'acter cela à ce moment-là du mouvement, et de reconnaître ainsi ce qui s'appelle une défaite (bien souvent, les gens se mobilisent pour gagner quelque chose de précis, comme le retrait d'une loi, et pas juste pour être mobilisés)
C'est une chose de mettre en valeur les acquis politiques et organisationnels (au niveau des comités locaux) de ce mouvement (ce que fait très bien le papier de LO), c'est autre chose que de faire comme si on était le 7 septembre et que tout étiat encore possible.
Bien sûur que la vie continue et que l'on va continuer à militer, etc., mais ce mouvement là en dans sa phase de reflux et de fin (sauf miracle)
Reste à réussir le 6, pour finir sur une démonstration de force et de volonté de remettre ça dès que possible.

[John Connor]

Une précision : je parlais des lycéens et étudiants, pas des profs. Et il est bien entendu qu'il ne s'agit pas comme ça de "re" proposer la grève reconductible.

Pour le reste, je ne suis pas du tout d'accord avec le ton que tu emploies. "Acter" et "responsable" dans la même phrase je me méfie. Quand à "il n'y aura pas de retrait de la loi", c'est sûr : maintenant qu'elle est votée, il faut l'abroger.

Ca c'est pour la blague, pour le fond : cette bataille n'est pas finie. C'est ce que pensent et disent plein de gens parmi ceux qui se sont mobilisés... ou ceux qui les ont soutenus. Ce n'est pas un hasard si le PS a proposé de "revenir" sur la retraite à 60 ans, de "retirer" cette loi (c'est ce que leur électorat a entendu) en 2012 ! Tu leur dis quoi à ceux là ? Que le PS ne le fera pas, OK... mais la CO non plus parce que tu as acté responsablement la fin du mouvement ?

Alors ben sûr, il y a de fortes chances pour que le lecteur futur de ce fil (dans un mois mettons) se marre en se disant "évidemment que c'était plié le 3 novembre" ! Mais on n'est pas dans un mois et on fait pas des pronostics, on milite. C'est-à-dire on participe et on entraîne. Et tant qu'il y aura des grévistes et des manifestants, ça n'est pas fini pour nous.

[pelon]

Certes mais il faut bien trouver les mots pour donner des arguments, dans le cas quand même assez probable où nous ne ferions pas reculer le gouvernement dans l'immédiat, sur l'intérêt qu'a représenté cette lutte de plusieurs semaines.
C'est important pour répondre à tous ceux qui vont dire (et ont commencé à le faire) "nous nous sommes bougés pour rien". Car précisément du moral des travailleurs, de leur conscience, dépendront les prochaines luttes.
Ceux qui en tireront que les manifs ne peuvent suffire, que ce qu'il a manqué c'est une généralisation de la grève, que les travailleurs des raffineries ne pouvaient gagner seuls, que rien n'aurait été pire que la réforme passe sans réaction, qu'il n'y a rien à attendre du PS au pouvoir, auront compris quelque chose. C'est en cela que l'édito de LO est utile. Et ce n'est en aucun cas en contradiction avec ceux qui peuvent se mettre en lutte, encore aujourd'hui, dans tel ou tel secteur.

[logan]

Alors, un motif de découragement ces greves et ces manifs ?