De l'argent, il y en a...

Message par Ottokar » 04 Fév 2008, 11:28

(Vérié @ lundi 4 février 2008 à 10:18 a écrit : une façon bien commode d'éluder la discussion de fond.
Est-ce uniquement parce que je défend la Fraction et que je critique LO sur d'autres points ?

Comment faut-il te le dire ? QUAND ILS FONT DES GAINS, C'EST LA PREUVE QU'ILS NOUS VOLENT... c'est tout !
ET QUAND ILS FONT DES PERTES ? Eh bien... C'EST LA PREUVE QU'ILS DOIVENT PARTIR !

De toutes façons, ils ont tort. On est de mauvaise foi ? Päs tant que cela et pas plus qu'eux avec leurs comptes à dormir debout.

La Fraction ou tes oppositions n'ont rien à voir. Ceux qui te connaissent depuis longtemps sur le Forum ou ailleurs ont déjà remarqué comment tu tordais toutes les phrases de propagande pour faire dire l'inverse de ce que ton interlocuteur veut dire. C'est un tic très "capitaliste d'Etat", si tu veux mon avis, que j'ai entendu souvent chez les adeptes de ce courant.

Bon j'arrête on va se fâcher.
Ottokar
 
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Message par Jacquemart » 04 Fév 2008, 11:50

Quand Vérié polémique, c'est de la discussion. Quand on lui répond, c'est de la provocation.
:altharion:

Pourtant, nulle trace d'ironie ou de vanne dans mon post. J'essayais simplement de t'expliquer, en termes tout ce qu'il y a de plus simples, que tu fais dire à tes contradicteurs autre chose que ce qu'ils disent ; et que toi-même tu en viens à raisonner de manière absurde sur l'économie capitaliste, en voyant des choses fictives là où il y a des phénomènes certes monétaires, mais tout à faits réels.

Pour tous les gens normaux, simples et avec un minimum de sens de classe, il est injuste qu'une boîte qui se permet de perdre 5 milliards dans une spéculation leur refuse des embauches et des augmentations de salaires. Et pour des révolutionnaires, c'est la moindre des choses que le dénoncer.

Pardonne-moi, mais il n'y a vraiment que toi à avoir l'esprit suffisamment tordu pour voir de la "démagogie" (je te cite) dans une affirmation aussi banale et aussi vraie.
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Jacquemart
 
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Message par Vérié » 04 Fév 2008, 12:33

(Jacquemart @ lundi 4 février 2008 à 11:50 a écrit : Pour tous les gens normaux, simples et avec un minimum de sens de classe, il est injuste qu'une boîte qui se permet de perdre 5 milliards dans une spéculation leur refuse des embauches et des augmentations de salaires. Et pour des révolutionnaires, c'est la moindre des choses que le dénoncer.


Qui a dit qu'il ne fallait pas les dénoncer et s'indigner ?
Ce qui est démagogique, c'est de dire, comme dans l'article de Rouge cité, ces 5 ou 7 Mrd€ feraient une prime de 58 000 € par employé de la Socité Générale.
Quand la SG fait 5 Mrd de profits, ce n'est pas volé à ses employés qui ne produisent rien, mais à l'ensemble de la société.

Alors ce n'est pas la faute de la majeure partie des employés de banque si leur travail est inutile socialement (pour les traders et diverses catégories de cadres, c'est tout de meme un peu différent.). Ceux qui triment aux guichets, font de la paperasse etc, et sont de plus en plus mal payés, ont bien raison de revendiquer de quoi vivre décemment. Mais on doit combattre l'idée que leur sort est lié aux succès financiers de la banque... qui vole l'ensemble de la société et met en péril des milliers d'emplois.

Quand une banque, un fonds de pension, les fameux LBO etc font un "raid" sur une entreprise qui pourtant fait déjà du profit mais pas assez à leurs yeux, ils fixent un taux de rentabilité plus élevé, restructurent, éliminent tout ce qui n'est pas assez rentable meme si c'est utile, licencient, puis revendent ensuite avec un énorme profit. L'argent rentre dans les caisses de la banque ou du LBO. Ce sont des bons gestionnaires capitalistes qui donnent ensuite des grosses miettes aux cadres et des petites miettes aux employés. Je ne t'apprend rien, bien entendu.
Mais, que devons nous dire aux employés de la banque (ou du fonds de pension) ?
Et, s'ils se plantent, que leur banque est en difficulté comme l'est la SG, peux-t-on parler de sauver l'entreprise comme on parle de sauver une entreprise qui produit des vêtements ou des frigos ? Doit-on dire :"C'est malheureux, alors que nous avons les meilleurs services financiers, les meilleurs traders". On doit distinguer le maintien de l'emploi, éventuellement par la reconversion, de la défense d'une entreprise parasitaire et nuisible. Idem par exemple pour des ouvriers qui fabriquent des armes. On ne va pas aller dans le sens de leurs préjugés :"Nos bombes sont les meilleures, c'est vraiment malheureux d'arrêter leur fabrication, comme le dit la CGT - pas pour les bombes mais pour les avions et les bateaux de guerre, ce qui revient au même.

Il me semble que ça pose tout de même des problèmes qu'on ne peut pas régler avec de simples slogans d'agitation.
__

Sinon, à Ottokar. On ne va pas relancer la discussion sur les capitalistes d'Etat, mais plein de gens disent la même chose des trotskystes (dont une partie des cpaitalistes d'Etat ne sont qu'une variété). Evite donc les généralisations abusives.

Vérié
 
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Message par Vérié » 04 Fév 2008, 15:03

De plus, je vois assez mal où sont les divergences dans cette affaire, en dehors de la volonté délibérée de Jacquemard et d'Ottokar de ridiculiser tout ce que j'écris. :33:

-Tout le monde (du moins ici) est évidemment d'accord pour dénoncer le caractère absurde et criminel de la spéculation capitaliste à l'occasion de l'affaire de la société générale.

-Tout le monde est d'accord pour dire que les travailleurs devraient mettre leur nez dans ces transactions - avec des nuances et des interrogations que j'ai soulignées sur la signification que pourrait prendre le "contrôle ouvrier sur les traders".

-Tout le monde est d'accord aussi pour souligner la différence entre les revenus pharamineux des actionnaires, directeurs de banque, traders et autres parasites (1) et ceux des travailleurs.

Le désaccord semble donc porter sur le fait que ces sommes colossales soient virtuelles ou pas. Si elles ne sont pas virtuelles, semblent dire Jacquemard et Ottokar, on peut réclamer leur distribution. Pour ma part, il me semble que ça n'a guère de sens et que de réclamer leur distribution au profit de ceux qui ont "produit" ces milliards, virtuels ou non, est carrément faux et démagogique.
Pourquoi les distribuer aux employés de la SG plutôt qu'aux caissières de supermarché etc ?

Le problème qui se profile derrière cela, c'est celui de notre attitude vis à vis des salariés privilégiés ou relativement privilégiés de certaines entreprises parasitaires, qu'on peut par certains aspetcs assimiler à une aristocratie ouvrière dont les interets sont liés à ceux de leurs patrons spéculateurs-voleurs, en ont conscience et considèrent cela comme normal. Je ne crois pas que nous devons aller dans leur sens avec un discours syndicaliste corporatiste car cela se retournerait plus tard contre nous.
__
Sinon, je persiste bien sûr à soutenir que ces milliards sont virtuels. La richesse d'une société ne se mesure pas à la quantité de milliards virtuels qu'elle "détient", mais à ses forces productives matérielles.
Prenons un autre exemple. Le prix des appartements. Il a triplé en quelques années. La personne qui possédait un appartement de 100 000 € voici quatre ou cinq ans à Paris possède aujourd'hui un appartement de 300 000 €. Mais sa "richesse" n'a pas augmenté pour autant, sauf si elle vend l'appart pour s'acheter six voitures de grand luxe ou pour aller vivre en Amérique du sud. Tant qu'elle continue à vivre à Paris, son niveau de vie reste le même, et risque même d'avoir baissé car ses charges ont augmenté et pas son salaire.

C'est une richesse virtuelle. Et c'est d'ailleurs sur cette base que s'est développée la crise des subprimes. Les gens se croyaient riches car la valeur virtuelle de leur baraque avait augmenté, et augmentait sans arret, et ils consommaient à crédit en se disant qu'ils avaient "de la marge". Et subitement, papatras, une partie des gens ne peuvent plus rembourser, les prix des baraques s'effondrent, la garantie des banques disparait. Et les gens ne consomment plus, ou consomment moins, meme à crédit, car ils réalisent que leur prétendue richesse était virtuelle.
__
1) Je suggère pas d'exterminer les traders. (Un intervenant s'était indigné sur un autre fil de l'emploi du mot "parasite".)
Vérié
 
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Message par jeug » 04 Fév 2008, 15:58

a écrit :la volonté délibérée de Jacquemard et d'Ottokar de ridiculiser tout ce que j'écris.

Pas d'accord. J'ai trouvé leurs remarques utiles et convaincantes sur le fait qu'il ne faut pas tout mélanger, et qu'il est faux de dire que globalement tout ça c'est de la monnaie de singe.
Tant que les actions ne sont pas vendues, les gains ou pertes sont fictifs, une fois qu'elles le sont, ce sont soit bien des boîtes de cassoulet (pour les petits porteurs) ou des yachts (pour les gros porteurs).
Et quant à Rouge qui traduit les 5Md en le divisant par le nombre de salariés, c'est une manière de se rendre compte de ce que représente cette somme colossale, ni plus ni moins.


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Message par Vérié » 04 Fév 2008, 16:31

(jeug @ lundi 4 février 2008 à 15:58 a écrit : 1) Tant que les actions ne sont pas vendues, les gains ou pertes sont fictifs, une fois qu'elles le sont, ce sont soit bien des boîtes de cassoulet (pour les petits porteurs) ou des yachts (pour les gros porteurs).
2) Il est faux de dire que globalement tout ça c'est de la monnaie de singe.

1) Si tu as pris la peine de lire ce que j'ai écrit, c'est exactement ce que j'ai dit.

2) Essayons de nous comprendre. Cette notion de "monnaie virtuelle" semble vous choquer. Et pourtant, elle est couramment employée, je crois même par LO dans certains articles - à vérifier.

Je ne voudrais pas avoir l'air de faire un cours. Mais, une monnaie, c'est à l'origine un moyen d'échange, un "équivalent marchandise". Au début de petits objets facilement transportables en grand nombre : coquillages, pointes de fléches, puis des métaux précieux (or, argent) et enfin le papier monnaie, la monnaie dite "fiduciaire" - c'est-à-dire qui n'a de valeur que par confiance qu'on lui accorde.
(C'est la différence entre le dollar et le peso argentin ou le bolivar bolivien...). Mais, meme la monnaie papier était à ses origines garantie, ou censée être garantie par des dépots en or. La convertibilité du dollar en or a été abandonnée par les Etats-unis en 1971 au moment, je crois, de la première "crise pétrolière".

De sorte que, non seulement les monnaies ne correspondent plus aujourd'hui ni à des marchandises produites dont elles seraient l'équivalent ni à des métaux précieux. Les marxistes disaient déjà couramment que c'était justement de "la monnaie de singe" - pour reprendre ton expression - bien avant la bulle financière Internet. Aujourd'hui, le fait qu'on "fabrique" ainsi des quantités astronomiques de monnaie fiduciaire par de simples clics sur le Net permet tout de même de dire qu'il s'agit d'une monnaie virtuelle, car elle ne correspond strictement à rien. Si cette monnaie se déversait brutalement dans l'économie réelle d'un seul coup, elle ne trouverait pas son équivalent en marchandises et en métaux précieux et l'inflation serait digne de celle des années trente en Allemagne !

Employer cette expression - monnaie virtuelle - est au contraire un moyen de montrer encore plus aux gens l'absurdité de ce système financier, de ces innombrables sociétés qui ne servent qu'à fabriquer de l'argent et non des richesses. Contrairement aux ideologues bourgeois qui mettent sur le meme plan la production d'argent par les capitalistes et les banquiers et la production de beins et services par les travailleurs, nous devons souligner que seuls ces derniers produisent effectivement. La production des banquiers est virtuelle.

Je désespère un peu de vous convaincre car j'ai le sentiment que certains d'entre vous font un blocage devant tout ce que je peux dire ou écrire, meme si des camarades de la Majo de LO purraient parfaitement dire la meme chose. Mais voici néanmoins un article... sur la monnaie virtuelle. (Il y en a plein d'autres.)


Extrait du site Transfert.net http://www.transfert.net/Deux-affaires-judiciaires

a écrit :


Économie


1er/11/2000 • 10h17


”La monnaie virtuelle terrorise les banques centrales ”


Robert Guttmann, économiste à l’...cole française de la Régulation, est spécialiste des monnaies. Cet Autrichien d’origine, qui parle français et vit à New York, rédige actuellement un ouvrage sur le cybercash, à paraître en 2001. Selon lui, les monnaies privées et transnationales du Net vont s’imposer très rapidement. Le système monétaire international tout entier doit être repensé.

DR
Quels sont les enjeux de la création de monnaies privées par des entreprises ou des individus sur Internet ?

La monnaie a deux origines conflictuelles. Considérée comme un bien public, on lui demande de bien fonctionner, de circuler comme il faut, et d’avoir une valorisation stable. Elle sert aussi à distribuer les prestations sociales de sorte que personne n’en soit exclu. Mais la monnaie est aussi une marchandise privée, lorsqu’elle est émise par des agents privés en quête de profits. Ce sont entre autres les banques, qui créent de l’argent sous forme de prêts. Comme elles ont un monopole sur le crédit, il leur suffit de créer de l’argent pour faire des bénéfices. Le conflit avec la nature publique de la monnaie éclate alors. Car que se passe-t-il si l’intérêt privé domine ? L’instabilité monétaire s’accroît, car les banques créent trop d’argent. C’est ce qui explique le caractère cyclique de l’activité économique aux ...tats-Unis. Tous les dix ans environ, en 1990, 1986, 1979, 1973, 1969, de grosses crises surgissent. La prééminence des intérêts privés favorise également l’exclusion : tout le monde n’a pas droit au crédit, ni à l’ouverture d’un compte chèque. Des millions d’Américains vivent dans cette économie du cash. Enfin, l’hétérogénéité de la monnaie va s’amplifier au détriment de chacun. La diversité n’est certes pas une nouveauté dans l’histoire. Avant 1863, le dollar ne régnait pas sur le continent, et c’étaient les banques qui géraient l’argent, pas le gouvernement. Mais on souffrait justement de l’absence d’un système de paiement intégré. Il fallait s’en remettre à un système parmi une multitude, avec le risque de tomber sur l’un de ceux qui fonctionnent mal. L’innovation monétaire était excessive. Je comprends que Greenspan soit obsédé par l’apparition du cybercash.

Est-il possible de résoudre le conflit entre l’intérêt privé et l’intérêt public en matière monétaire ?

Jusqu’ici, c’est pour cela qu’on a confié le monopole sur la monnaie aux gouvernements. Les ...tats gèrent la masse monétaire à l’aide d’instruments de politique monétaire. Ils édictent également des réglementations financières, pour décider que seules les banques ont le droit de créer de l’argent, que telles conditions sont requises pour obtenir le statut de banque, etc. Ils jouent de leur rôle de prêteur de dernier ressort, qui refinance les banques commerciales pour éviter les faillites en chaîne. Enfin, ils se concertent grâce à des arrangements monétaires internationaux. Chaque pays a sa banque centrale, qui a la maîtrise de ces quatre fonctions régulatrices. Elle garantit que la monnaie conserve sa qualité de bien public, et contraint les tendances déstabilisantes des banques.

Est-il concevable qu’une monnaie privée fasse son apparition, consacrant l’intérêt des agents privés ?

Nous sommes au début d’une révolution. La privatisation de la monnaie n’a pas eu de répit depuis la création de l’Euromarket dans les années soixante. Des banques londoniennes ont commencé à accepter des dépôts en dollars et ont offert des prêts en dollars. Le système bancaire en dollars menait une existence propre en dehors des ...tats-Unis, et du contrôle des banques centrales. Les gouvernements ont tenté en vain de récupérer le pouvoir perdu. Le fait est qu’une monnaie sans Etat circule, émise par des banques privées, sur un réseau informatique. Elle a son propre système de règlements internationaux, géré par la Society for World Wide International Funds Transfer (SWIFT). Il fonctionne sans interférence des banques centrales. Et le montant de cet Euromarket, quatre milliers de milliards de dollars, est deux fois plus important que le système bancaire américain entier. Il a recyclé pas mal de pétrodollars, et il a surtout créé pas mal d’exclusions du prêt. La deuxième grande étape de la privatisation, c’est la déréglementation des taux d’intérêt en 1979-1980 aux ...tats-Unis, suivis par d’autres pays. De nouveaux types de monnaies sont apparus sous forme de transactions ou d’investissements, comme les comptes d’épargne rémunérés sur lesquels on peut tirer des chèques à titre de privilège. Avec le cybercash, on rentre dans la troisième phase de la privatisation. Il est encore en incubation, mais nous savons qu’il est viable, je pense d’ici dix ans. Et c’est une monnaie privée.

Quel besoin aurions-nous de monnaies privées ?

Le commerce électronique dépend fondamentalement de l’existence du cybercash. En effet, la carte bancaire convient au commerce de détail, mais il n’est pas adapté aux paiements entre entreprises (B to 8) ou entre consommateurs (C to C). Et puis la sécurité n’est pas assurée avec le protocole de transmission SET pour les règlements par carte bancaire sur Internet. C-SET, le protocole des cartes à puce à la française, est plus sûr. Mais ce n’est pas comparable aux niveaux de sécurité inédits que nous aurons dans le futur, avec le cybercash. Il est vrai que les banques pourraient moderniser ces protocoles, mais en fin de compte les cartes magnétiques coûtent cher et font peu de choses. En revanche, les cartes à puce seront la clé du système futur. Elles seront employées comme l’infrastructure du cybercash. Soit elles seront pré-payées, soit elles permettront d’obtenir des prêts automatiques auprès de l’émetteur de la monnaie privée ou bien de l’entreprise qui la commercialise.

Qui créera ces monnaies privées ?

Ce seront probablement des entreprises ayant un lien avec des banques ou les cartes de crédit, comme Visa. Je ne pense pas qu’elles soient déjà dépassées. Et pourquoi pas, il pourrait s’agir de sociétés logicielles, comme Microsoft ou Sun Microsystems. Après tout, la monnaie, c’est de l’ingénierie logicielle. Les fournisseurs d’accès à Internet, comme Yahoo ! et AOL, seront avantagés en termes de marketing s’ils se lancent dans l’aventure. À cet égard, notez que les questions de protection de la vie privée qui nous agitent aujourd’hui ne seront plus de mise. D’ici dix ans, je vous promets que les gens se démèneront pour fournir un maximum d’informations personnelles aux entreprises. Ils feront valoir tous les atouts qui pourraient les aider à obtenir des prêts ! Le but de ces entreprises, ce sera d’être au cœur de grandes galeries commerciales, en imposant leur " protocole de shopping ", c’est à dire, une infrastructure logicielle pour trois fonctions : la négociation des contrats, le mécanisme de paiement, et l’exécution de la commande, service après-vente inclus. La création d’une monnaie pour les clients coïncidera avec une marchandisation extrême d’Internet.

Avez-vous eu vent de tels projets ?

Microsoft essaie de se faire connaître comme fournisseur d’accès à Internet, et travaille sur un projet de monnaie privée. La nouvelle filiale, Microsoft Net, sera la plate-forme de développement de cette " Microsoft Money ", et la reprendra à son compte quand la maison mère sera scindée en deux par le juge anti-trust.

Quels sont les attributs d’une monnaie privée parfaite sur Internet ?

Elle doit d’abord être sûre : pas de contrefaçon, pas d’interférence des hackers. Elle est anonyme comme le cash, pas seulement pour dissimuler des transactions illégales, mais aussi pour protéger la vie privée. Elle est transférable sur tous types de réseaux informatiques. Ce point n’est pas évident sur Internet, car l’intégration des protocoles n’est réalisée que pour les couches d’applications superficielles. Il faudra attendre les réseaux haut débit pour se tirer de cette impasse technologique. La monnaie doit aussi être indéfiniment pérenne. Elle ne doit pas comporter de délai d’expiration, et ne peut être détruite que si vous le décidez, ou bien quand votre prêt est remboursé. Son acceptation doit être générale, ce qui signifie qu’elle inspire confiance, qu’elle peut être échangée contre des dollars et qu’elle a atteint une masse critique d’utilisateurs. Ce dernier point est encore plus important dans la netéconomie, car l’effet de réseau est renforcé, et pas seulement dans le sens positif : moins on a d’utilisateurs, moins on en gagne... Il faut aussi des capacités offline pour imposer sa monnaie online, tels que des cartes à puce et des terminaux de paiement chez les marchands. L’unité de base doit être divisible en centimes. Enfin, le protocole de réseau doit être convivial, afin que même les plus stupides sachent s’en servir.

Mais comment une monnaie privée peut-elle exister en dehors du système bancaire classique, susciter la confiance et attirer une masse critique d’utilisateurs ?

Les entreprises peuvent fonctionner en système fermé. Cela dépend d’où elles tirent leur cash. Si tout le monde veut aller dans la galerie commerciale d’AOL, les clients seront d’accord pour obtenir de la monnaie émise par AOL. On peut imaginer qu’AOL vous ouvre un crédit de 10 000 francs, en affectant automatiquement une partie de vos feuilles de paie au remboursement. Vous donnez votre accord pour que la somme, traduite en monnaie privée d’AOL, soit déduite de votre salaire dans trois mois. C’est parfait lorsqu’on est payé par transfert électronique de fonds, ce qui devient de plus en plus fréquent aux ...tats-Unis. Je peux aussi décider de donner de l’argent de poche à mon fils qui fait ses études loin de moi, tout en exigeant qu’il les dépense pour acheter des livres : il suffit d’envoyer la somme à AOL, en lui demandant de l’affecter uniquement à ce type d’achat. Le public va adorer avoir du cybercash. Il est plus facile de pousser un bouton pour obtenir son argent que de se présenter à une banque. Cela va doper le commerce en ligne, mais aussi les transactions B to B. Dans le commerce interentreprises, la monnaie privée est le meilleur moyen de verser de grandes quantités de monnaie plus vite et moins cher : factures, transferts de fonds, etc. Après l’instauration de places de marché électroniques dotées de systèmes de paiements centralisés, comme Covisint dans l’automobile, la seule chose qui manque c’est une monnaie virtuelle. Fournisseurs, prestataires, constructeurs : tout le monde se doit de l’argent. Il est plus facile d’annuler réciproquement les dettes et d’établir la balance nette (le " netting "). On évite les taxes, les contraintes d’équilibrage des dépenses, et il n’est plus nécessaire de publier des informations sensibles. La balance nette représente une toute petite somme par rapport aux volumes échangés. C’est la seule qui ait besoin d’être convertie en monnaie réelle. Pourquoi ne pas marchander auprès du fournisseur d’accès qui organise la place de marché électronique un virement en cash, ou l’ouverture d’une ligne de crédit garantissant cette convertibilité ?

Comment réagissent les banques centrales à l’apparition de monnaies qu’elles ne contrôlent pas ?

Le cybercash a une version " low tech ", comme Paypal qui est envoyé par e-mail. Elle est connectée au système bancaire et ne pose pas de problème. Les problèmes apparaissent avec la version " high tech ", sous forme d’un système de paiement électronique incorporé dans les structures d’Internet, à l’instar du protocole du SET. Cybercash et DigiCash ont essayé de construire des protocoles de ce type, protégés par la cryptographie. Les banques centrales n’avaient pas accès à ce système. Il y a eu plusieurs tentatives gouvernementales pour décrypter les communications, en Angleterre notamment. Parce que si la banque centrale n’accède pas à ces données, elle ne peut pas contrôler les flux monétaires internationaux. Il est possible que les banques centrales imposent un autre système d’adressage sur Internet : plutôt que d’adopter le " .com ", les systèmes de paiement contrôlés localement par la banque centrale française devraient prendre un " .fr ". Il n’est pas question de contrôler l’identité des gens effectuant les transactions, mais seulement le flux. Toutefois, penser que les gouvernements s’en tiendront là est utopique. Ils ont déjà la technologie pour espionner le contenu des mails, avec Echelon ou Carnivore.

Les banques centrales sont-elles donc condamnées à la paralysie ?

Non. Malgré la déréglementation des taux, les banques centrales demeurent influentes, car elles contrôlent toujours un ou deux taux majeurs, et elles manient les effets d’annonce. Elles conduisent la politique monétaire alors que la monnaie étatique ne représente guère plus que 5 % de toute la masse monétaire. Cependant, il reste deux problèmes. D’abord la monnaie virtuelle va déstabiliser la vitesse de circulation de la monnaie. Cela terrorise les banques centrales. Elles vont édicter des normes de publication d’informations, et élaborer de nouveaux instruments pour contrôler administrativement le crédit. Elles interdiront aux banques et aux fournisseurs d’accès de dépasser un certain seuil de prêts. Ensuite, la monnaie virtuelle leur échappera car elle est complètement transnationale. Pour la première fois, nous allons être confrontés à l’absence d’un système de paiement international. Keynes l’avait envisagé en 1944. C’est le cybercash qui permet cette prise de conscience. La Banque des Règlements internationaux y réfléchit. Moi, j’ai mon idée sur la façon dont on pourrait mettre en œuvre le système de Keynes - car il n’avait pas prévu l’ingénierie. Toutes les monnaies qui passent les frontières seront exprimées dans une monnaie internationale tampon, émise par la Banque Centrale Internationale. Ainsi, tous les échanges transnationaux transitent par la BCI.

Le succès des monnaies virtuelles comporte-t-il des risques pour l’économie ?

Il y aura des crises assez graves qui nous forcerons à trouver des réponses plus ambitieuses. Par exemple, un blocage des systèmes de paiement pourrait survenir, en cas de crash technologique. Si une promesse importante ne se réalise pas, cela déclenche parfois une crise de liquidités. C’est ainsi que les ennuis informatiques de la Chase Manhattan en 1988 ont creusé un trou de 20 milliards de dollars, parce qu’un seul paiement n’a pas fonctionné... On verra aussi des crises de confiance. Elles surviennent lorsque l’information n’a pas été bien vérifiée, dans un système où les données sur les flux, les promesses, les réseaux d’interconnexion sont capitales. Si tout le monde n’a pas la même information au sein d’une place de marché, elle se détraque ! Cela ressemble aux phénomènes de paniques qui peuvent apparaître sur les marchés de produits dérivés où tout est lié. Enfin, on aura des crises de solvabilité, en raison de nouvelles formes de spéculation. Après tout, la monnaie virtuelle est une monnaie-crédit, et on est tenté de jouer de l’effet de levier du crédit pour s’enrichir... jusqu’au moment où l’on brûle son capital.

Quelles seront les conséquences à long terme de l’introduction du cybercash ?

Cela va changer le capitalisme. La vente et le marketing passeront au premier plan de l’activité. Cela coïncidera avec une " entrepreneurisation " de la société grâce à Internet, et à ses nouveaux modèles économiques comme le P to P. Alors que la production sera automatisée, ultra standardisée, et peu importante économiquement. Le modèle " delliste " d’accumulation va remplacer le modèle fordiste. Chez Dell, le degré d’automatisation de la production est incroyable : un ordinateur est fabriqué en deux jours, standardisé à 95 %. Il n’y a guère que quelques composants à rajouter pour personnaliser la machine. Si 20 % de la population active des pays industrialisés travaille dans le secteur secondaire, il n’y en aura plus que 5 % demain. Parce que le problème clé, ce n’est pas la production : c’est la distribution. Quant aux ...tats, leur souveraineté sera limitée par cette économie complètement mondialisée. L’impôt devra être prélevé au plan international. On y va déjà, avec l’euro et les normes de stabilité européennes.

Solveig Godeluc
Vérié
 
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Message par Vérié » 04 Fév 2008, 17:01

Voici un lien avec un autre article, qui vous permettra peut-etre de mieux comprendre cette question de "monnaie virtuelle", si vous faites l'effort de le lire :

http://www.geocities.com/quefaire2000/Preface.html

C'est beaucoup trop long pour le publier sur le FALO mais en voici un extrait :
a écrit :
Voyons maintenant plus précisément ce que représente, au niveau du NASDAQ, cette spéculation débridée, cette orgie miraculeuse :

(le graphique n'est pas passé...)

"Sur ce graphique, on remarque très bien la différence entre la réalité et la foi. Si on fait la différence entre la valeur des actions et l'avoir réel (on espère...) de ces entreprises, on obtient un " trou " de 1 435 milliards de dollars. Cet argent est virtuel, il n'existe pas, mais pourtant, il sert à consommer, à investir, à jouir de la vie... Mais c'est en comparant le taux de profit virtuel au taux de profit réel que la chose paraît encore plus absurde. En un an, les actions ont gagné 37%, alors que le ratio des profits à l'avoir est de 1%. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Cette spéculation, elle est souvent faite grâce à des emprunts, parfois même en hypothéquant sa maison. Car, fait important, il n'y a plus que les élites qui jouent à la bourse."



D'une manière générale, on estime que la monnaie virtuelle représente plus de 20 fois l'économie réelle !

Sinon, il va de soi que je ne reprend pas à mon compte tous les avis et prédictions des auteurs de ces articles et notamment du premier. Au cas où quelqu'un aurait l'idée saugrenue de m'en accuser...
Vérié
 
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Message par Ottokar » 04 Fév 2008, 19:23

ce qui est bien avec Vérié, c'est qu'il fait les questions et les réponses. D'une simple remarque sur le fait que 5 milliards représentent plus ou moins le montant des salaires des employés de la SG, il me fait dire (et à OB) que je suis pour lier leurs rémunérations aux profits de l'entreprise ! et d'une remarque sur le fait qu'il sollicite les textes, il en déduit qu'on s'acharne sur lui parce qu'il pense ci ou ça... Vérié, tu es libre, tu penses ce que tu veux par ailleurs, mais là, TU PINAILLES.

Tu ne le crois pas, tant pis, je te laisse préciser tes précisions précises. Précisément !
Ottokar
 
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Message par Vérié » 04 Fév 2008, 20:49

(Ottokar @ lundi 4 février 2008 à 19:23 a écrit : ce qui est bien avec Vérié, c'est qu'il fait les questions et les réponses. D'une simple remarque sur le fait que 5 milliards représentent plus ou moins le montant des salaires des employés de la SG, il me fait dire (et à OB) que je suis pour lier leurs rémunérations aux profits de l'entreprise !

Non, Ottokar, je ne te fais pas dire cela, et à Besancenot non plus. Ce que je dis - je ne propose pas de me relire car j'imagine que ça te gonfle -, c'est seulement que c'est une façon un peu équivoque, démago et fausse sur le fond de présenter les choses, même si, en effet, c'est très parlant et que ça fait réagir les gens.

Je vais moi aussi te donner un exemple très parlant. L'économie virtuelle représentant 20 fois l'économie réelle (je ne sais pas comme cette évaluation a été faite, j'imagine que c'est un ordre de grandeur), si on balançait soudain dans l'économie tous ces capitaux virtuels, tous les prix seraient multipliés par 20.
Tu paierais ton café le matin au bar du bistro 20 euros, puis ta baguette encore 20 euros, et ton beefsteack dans la bavette 100 euros etc.

Voilà pourquoi je dis que ça n'a pas de sens de dire : de l'argent il y en a etc en mettant en avant ces chiffres purement virtuels. Il me semble que, même quand nous faisons de l'agitation, sans faire des cours d'économie, nous devons aller dans le sens d'une meilleure compréhension de la société par les gens, et non nous appuyer sur des raisonnements de faux bon sens.

Mais, encore une fois, je veux caricaturer ton point de vue, comme tu le fais souvent pour le mien, et je sais très bien que tu n'es ni partisan d'indexer les salaires sur les profits, ni partisan de l'association capital travail ! ;)
Vérié
 
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Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

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