La décroissance

Message par luc marchauciel » 10 Oct 2008, 17:34

Un truc vraiment bien à écouter sur France Cul : "Les chemins de la connaissance" d'aujourd'hui,consacrés à la "philosophie de l'écologie", avec comme invitée la géographe Sylvie Brunel. On peut reprocher à celle ci plein de trucs (dont avant tout ses choix matrimoniaux douteux - c'est l'épouse d'Eric Besson), mais on peut aussi trouver qu'une ces temps de Bovisation des esprits, la manière dont elle parle du développement durable en cartonnant l'idéologie de la Décroissance (dont elle montre très bien le côté réac et antihumaniste) est tout à fait bienvenue. C'est très facile d'écoute, très vivant, et parfois tout à fait pertinent :

http://www.radiofrance.fr/chaines/france-c...fusion_id=66815
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par charp » 18 Déc 2008, 15:16

Bon, je n'ai pas tout lu en détail, mais assez pour voir qu'il y a des choses très intéressantes, mais aussi, je crois, des choses qui manquent, d'un point de vue marxiste.

Quand les décroissants critiquent le "mode de vie" occidental, il vise l'individu ( et généralement la psychologie, les habitudes, le consumérisme)
C'est une vision idéaliste, qui ne comprend pas que le mode de vie, les habitudes de consommation sont déterminées par les mécanismes économiques et sociaux de la société, et que, tant que l'on ne s'attaque pas à ceux-ci, aucune "décroissance", si elle souhaitable, n'est possible.

Ainsi le "consumérisme", cible principal de leur critique est un produit direct du besoin de la bourgeoisie de stimuler la consommation pour faire face à sa crise de surproduction. Le rêve idéaliste du bourgeois, c'est des ouvriers payés le moins possible qui consomment le plus possible! La "société de consommation" est liée directement (même s'il y a d'autres sources) aux difficultés de la bourgeoisie face à sa surproduction.

Enfin, ce genre d'attaque va de pair avec la critique de "productivisme" appliqué au marxisme, et qu'il faut déjouer: le marxisme ne dit pas qu'une société communiste "produira plus", mais qu'elle développera mieux les forces de production. Donc, une augmentation de la "productivité", ce qui n'est pas la même chose.

L'augmentation de la productivité se traduira soit par une augmentation de la production, soit par une diminution très forte des heures de travail pour obtenir le même niveau de production, voire le baisser, si la décroissance apparaît justifiée.

Augmenter la production est une nécessité pour la bourgeoisie. Dans la société communiste, ce sera une possibilité, un choix entre loisirs et production. Ce choix est impossible dans le cadre de cette société.
charp
 
Message(s) : 0
Inscription : 18 Déc 2008, 10:42

Message par Vérié » 18 Déc 2008, 17:01

(charp @ jeudi 18 décembre 2008 à 15:16 a écrit :
Enfin, ce genre d'attaque va de pair avec la critique de "productivisme" appliqué au marxisme, et qu'il faut déjouer: le marxisme ne dit pas qu'une société communiste "produira plus", mais qu'elle développera mieux les forces de production. Donc, une augmentation de la "productivité", ce qui n'est pas la même chose.

L'augmentation de la productivité se traduira soit par une augmentation de la production, soit par une diminution très forte des heures de travail pour obtenir le même niveau de production, voire le baisser, si la décroissance apparaît justifiée.

Augmenter la production est une nécessité pour la bourgeoisie. Dans la société communiste, ce sera une possibilité, un choix entre loisirs et production. Ce choix est impossible dans le cadre de cette société.

D'accord, mais il y a une forte influence de l'idéologie productiviste dans le mouvement ouvrier. Les positions du PC à propos de l'industrie automobile en offre un bon exemple, meme pas une caricature : si on payait plus les ouvriers, ils pourraient acheter plus de voitures ; et si on faisait davantage de modèles destinés au peuple et non aux riches, ça se vendrait encore mieux etc.

Sans s'attaquer au gars qui est obligé de prendre sa bagnole tous les matins parce qu'il n'y a pas de transport en commun pratiques banlieue-banlieue ou en province, il faut tout de même critiquer ces idées.
Vérié
 
Message(s) : 0
Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

Message par charp » 18 Déc 2008, 17:22

a écrit :D'accord, mais il y a une forte influence de l'idéologie productiviste dans le mouvement ouvrier. Les positions du PC à propos de l'industrie automobile en offre un bon exemple, même pas une caricature : si on payait plus les ouvriers, ils pourraient acheter plus de voitures ; et si on faisait davantage de modèles destinés au peuple et non aux riches, ça se vendrait encore mieux etc.


Tout à fait d'accord. Mais si ce n'est pas une caricature du productivisme, c'est bien une caricature du marxisme! Défendre le marxisme suppose dénoncer ses caricatures, et le PC a toujours été en pointe à ce sujet...

Il est logique que le mouvement ouvrier soit contaminé par l'idéologie bourgeoise du consumérisme, et que nous devions nous opposer à cela. Même si l'évolution actuelle de la société, avec cette "crise", se charge d'elle-même de détruire les illusions consuméristes des ouvriers!
charp
 
Message(s) : 0
Inscription : 18 Déc 2008, 10:42

Message par artza » 18 Déc 2008, 17:23

(Vérié @ jeudi 18 décembre 2008 à 17:01 a écrit :si on payait plus les ouvriers, ils pourraient acheter plus de voitures ; et si on faisait davantage de modèles destinés au peuple et non aux riches, ça se vendrait encore mieux etc.

Sans s'attaquer au gars qui est obligé de prendre sa bagnole tous les matins parce qu'il n'y a pas de transport en commun pratiques banlieue-banlieue ou en province, il faut tout de même critiquer ces idées.

Si "on" payait vraiment convenablement les ouvriers ils pourraient s'acheter des voitures dignes de ce nom, avec de la place pour allonger les jambes et écarter les coudes et une suspension qui casse pas le dos et un moteur qui casse pas les oreilles et une carosserie un peu plus costaud, ce qui est bien en cas d'accident.

Quand aux transports en commun, dans la société actuelle ils n'ont de commun que l'inconfort et la crasse.

Je les déconseille fortement et d'abord aux petits enfants, aux personnes âgés et aux handicapés.

Un usager quotidien des métros ligne 4 et 5 et des bus parisiens, 31, 60 et 170, qui s'il avait les moyens se paierait le taxi sans hésiter.

D'ailleurs les ministres et les PDG bien informés se gardent bien de prendre ce genre de bétaillères.

La question des transports, c'est comme le logement ça sera jamais satisfaisant sous le capitalisme.

C'est ça qu'il faut critiquer et pas conseiller le vélo et le camping aux vieux cassés par le boulot.
artza
 
Message(s) : 2404
Inscription : 22 Sep 2003, 08:22

Message par Vérié » 18 Déc 2008, 17:35

(artza @ jeudi 18 décembre 2008 à 17:23 a écrit : Si  "on" payait vraiment convenablement les ouvriers ils pourraient s'acheter des voitures dignes de ce nom, avec de la place pour allonger les jambes et écarter les coudes et une suspension qui casse pas le dos et un moteur qui casse pas les oreilles et une carosserie un peu plus costaud, ce qui est bien en cas d'accident.
(...)

C'est ça qu'il faut critiquer et pas conseiller le vélo et le camping aux vieux cassés par le boulot.

J'espère que tu ne me soupçonnes pas de préconiser le vélo pour les pauvres - en dehors des loisirs.

Mais demander des plus grosses voitures pour les ouvriers, c'est tout aussi ridicule.

Ce qu'il faut revendiquer, c'est avant tout un réseau de transport en commun économique, efficace et confortable. Etre coincé dans les embouillages pendant une heure tous les matins, ce n'est pas terrible, non, quelle que soit la taille de la voiture et son confort.

C'est une absurdité de vouloir produire toujours plus de voitures.

Exemple récent : je participais récemment à un débat (houleux) sur l'Amérique latine organisé par le PC avec la participation du 1er secrétaire de l'ambassade du Vénezuela. Celui-ci nous expliquait que Chavez voudrait fabriquer lui aussi des voitures pour ne pas dépendre des importations. Le socialisme bolivarien automobile dans un seul pays en quelque sorte. L'objectif n'est tout de meme pas de couvrir la planète d'usines de bagnoles, où triment des ouvriers surexploités, qui polluent etc, alors que les trois géants américains, qui sont en train de fermer, suffiraient à répondre aux besoins. (Au prix évidemment d'une reconversion.)

Une super bagnole pour chaque ouvrier, c'est de la super démagogie. On sait très bien que si seulement la moitié des ouvriers chinois et indiens en avaient une, les ressources de la planète ne suffiraient pas etc. Donc, évidemment sans culpabiliser ceux qui sont bien obligés d'utiliser une bagnole, nous avons autre chose à dire que de revendiquer des bagnoles plus grosses pour tous.
Vérié
 
Message(s) : 0
Inscription : 08 Sep 2007, 08:21

Message par luc marchauciel » 18 Déc 2008, 21:11

Bon, ben, puisque c'est reparti sur les aspects soit-disants intéressants de la Décroissance, allons-y...Je sais pas comment copier des images, alors je copie le lien vers les couvertures du journal du même nom (j'imagine que c'est eux, la Décroissance, parce que sinon faudra me donner d'autres noms de gens potentiellement intéressants... Latouche ? Bové ? Hulot ? ) sur son propre site, comme ça chacun peut aller vérifier l'intérêt de la chose :

http://www.ladecroissance.net/?chemin=anciens_numeros

Parmi mes favoris à moi, dans ces couvs vachement intéressantes , je citerais :

Numéro 23 : "Vive la pauvreté" [ça a le mérite d'être clair. Ils sont chiants aussi, ces marxistes, à vouloir dégoûter les pauvres de la pauvreté...]
Numéro 24 : "Pour Noël, n'achetez rien" [conseil suivi par plein de gens qu'ont pas de quoi acheter des trucs à Noel, des Décroissants forcés qu'on les appelle]
Numéro 28 : "Rentrée : grève de la consommation" [ils sont cons, ces marxistes, à vouloir organiser des grèves de producteurs. Mais, là aussi, les Décroissants ont gagné à cette rentrée 2008 : plein de gens ont consommé moins, faute de thunes]
Numéro 31 : "Maigrir pour embellir" [bon, ça doit être de l'humour, ce remake de "Jeunes et Jolies". Sauf que, et même Ariès a fini par s'en rendre compte, son journal haineux a tendance à caricaturer le pauvre comme un gros à casquette pas beau qui a un hamburger - caca, les Etats-Unis- dans une main et un portable dans l'autre - danger, portables, ondes méchantes-. Tout ça sent à plein nez le racisme de classe, mais contre notre classe, c'est con...]
Numéro 43 : "La planète livrée aux savants fous" [caca, la science, méchants les scientifiques]
Numéro 48 : "Merde au pouvoir d'achat" [est ce qu'un esprit éclairé pourra m'expliquer, par les temps qui courrent, en quoi ce slogan médéfien fièrement affiché en une est intéressant mais insuffisant d'un point de vue marxiste ? ]

Vraiment, il faut arrêter avec ça... On peut discuter de quel développement alternatif au capitalisme on voudrait, mais j'ai aucune envie d'en discuter avec ces réacs qui n'en veulent même plus du développement, quel qu'il soit (cf le bouqin préfacé par Bové, qui est explicite sur ce point).
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par luc marchauciel » 18 Déc 2008, 21:28

Je rajoute un truc : ce genre d'angle d'attaque ("merde au pouvoir d'achat" et tutti quanti), cela ne peut socialement concerne que deux pôles qui à mon avis nourrissent les rangs (pas organisés, of course) de ce courant d'idées :
- des gens socialement marginaux qui théorisent leur propre précarité comme étant un modèle, autrement dit qui font de nécessité vertu. Ceux là me semblent plus à plaindre qu'autre chose, mais en tous cas il faut les gagner au combat pour autre chose, pas s'adapter à leurs relents d'idéologie hippy/punk (deux courants qui ont produit de grandes choses en musique, mais quasiment que de la merde en politique).
- des bobos pur sucre pur jus. Par exemple, je me souviens d'un numéro de la Décroissance où dans la rubrique "les gens bien Décroissants qui vivent autrement" (ou un truc du genre, mais c'estça l'idée), il y avait le portrait d'un lyonnais qui avait choisi d'aller en vélo au boulot, bravo à lui ! Forcément, ce donneur de leçons est... médecin, et a donc de quoi se payer un appart en centre ville, ce qui lui permet d'aller en vélo à son cabinet de centre-ville... Il sont cons les pauvres, ils ont qu'à faire comme lui...
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par charp » 19 Déc 2008, 11:57

@Marc: j'adore les commentaires sur les titres! :D

Il est sûr que ce n'est pas un courant que l'on risque de retrouver dans la classe ouvrière, surtout par les temps qui courent.

Pour autant, la remarque de Vérié sur le fait de détacher les travailleurs de l'idéologie consumériste bourgeoise a un sens, non dans la lutte quotidienne, mais sur un autre aspect des tâches révolutionnaires, à savoir de décrire pour quoi et au nom de quoi nous nous battons, (est-ce pour accumuler plus, ou pour être plus libre?) et ce que serait la société sans classe.

Ce qu'il y a d'intéressant, dans les "décroissants", ce ne sont pas les "solutions" qu'ils proposent, et auxquelles tu règles férocement et justement le compte, mais leur critique radicale du mode de vie produit par la société bourgeoise.

Ils ne sont certes pas les premiers:
"La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu'un objet n'est nôtre que lorsque nous le possédons." (Karl Marx)."

Ne pêchons par ouvriérisme: si la classe ouvrière sera à l'avant de la lutte, elle doit entraîner derrière elles d'autres couches de la société! Et ce sera précisément à travers les intérêts communs qui les unissent à la classe ouvrière, et non leurs différences, qu'elle pourra le faire.

Elle doit ainsi prendre en charge les intérêts globaux de l'humanité, parce qu'elle est seule à pouvoir leur donner une base matérielle, par sa lutte contre le capitalisme.

La destruction de la nature par le productivisme aveugle est l'un des pires crimes du capitalisme, puisqu'elle met en danger la survie même de l'humanité. C'est cela que critiquent les décroissants, et en cela ils ont raison.

Le problème est qu'il ne comprennent pas que ce sont les mécanismes du capitalisme qui sont la cause du problème, et non les "comportements individuels".

D'où les illusions réformistes et moralisantes de leurs "solutions", qui en culpabilisant les "individus" en viennent en fait à innocenter le capitalisme lui-même.
charp
 
Message(s) : 0
Inscription : 18 Déc 2008, 10:42

PrécédentSuivant

Retour vers Divers

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 12 invité(s)

cron